Santé publique. Fruit d’un travail collaboratif, la stratégie régionale de santé sexuelle 2022-2024 a pour objectif d’améliorer l’accès et la qualité des services de prévention, de dépistage et de soins dans un contexte globalement dégradé. – Texte Adeline Louault

La santé sexuelle en Guyane se caractérise par des rapports précoces, l’incidence du VIH la plus élevée de France, une forte présence d’IST, un taux de grossesses sept fois plus élevé que dans l’Hexagone et des recours aux services de santé inégaux. « D’autres régions, notamment en Outre-Mer, connaissent des problématiques similaires », tempère le Docteur Sophie Biacabe, médecin de santé publique à l’ARS. « Mais l’extrême jeunesse de la population guyanaise aggrave le phénomène. »

À cela s’ajoutent des difficultés d’accès à la santé pour les communes isolées, d’accès à l’information pour les jeunes hors milieu scolaire, sans oublier une grande fragilité sociale (53 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté).

« Alors qu’auparavant nous étions focalisés sur le risque, nous voulons cette fois donner la capacité de choisir, de dire oui ou non à un rapport, oui ou non à une grossesse, etc. » 

Une bonne santé sexuelle, pour tous et partout en Guyane

La stratégie régionale vise à améliorer la qualité et l’utilisation des services de santé sexuelle en mobilisant les efforts de tous les acteurs – institutionnels, associatifs, éducatifs, médicaux… – vers une meilleure répartition territoriale et une visibilité accrue de l’offre de prévention, de réduction des risques et de soins. « Jusqu’à présent, certains partenaires travaillaient ensemble, d’autres seuls. En plus des “trous” géographiques, il a fallu identifier les failles dans les stratégies et voir comment on pouvait mutualiser les forces pour faire mieux, tous ensemble », précise Sophie Biacabe.

Articulée autour de 20 actions phares, la feuille de route insiste sur le dialogue, le renforcement des liens avec la population, la prévention. « Alors qu’auparavant nous étions focalisés sur le risque, nous voulons cette fois donner la capacité de choisir, de dire oui ou non à un rapport, oui ou non à une grossesse, etc. » 

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« Aller vers » la population

Financée par l’ARS à hauteur de 6 millions d’euros par an, la nouvelle stratégie en matière de santé sexuelle entend augmenter les interventions « hors les murs » et « d’aller-vers », afin de toucher des publics plus difficiles à atteindre. « Pour cela, nous développons les réseaux qui font du lien entre la ville et l’hôpital, nous travaillons avec la PMI, la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les structures en milieu rural, les missions locales, les CCAS, les équipes mobiles de santé publique, les médiateurs en santé, etc. »

La jeunesse n’est pas la seule cible de la stratégie qui prévoit également des actions destinées, entre autres, au public handicapé, à la population transfrontalière, aux personnes victimes de violences. « Évaluée régulièrement, la stratégie n’est pas figée, elle doit rester souple et évoluer en fonction des données que nous recevons. » 

Tumeplay, le site qui a tout pour plaire aux jeunes

Inscrit dans les actions de la stratégie régionale et dérivé d’un projet national, Tumeplay est un site internet d’éducation à la santé sexuelle en français et en langue bushinenge. On y trouve des quiz permettant de gagner des box thématiques.

Accessible sur tout le territoire, il s’adresse aux jeunes de l’ouest guyanais où les grossesses adolescentes sont plus fréquentes et les services de santé moins accessibles qu’ailleurs. Trois questions à Luc Blondy, chargé du projet Tumeplay Guyane. 

1 / Lancé il y a un an, le dispositif présente aujourd’hui plusieurs nouveautés ?

Proposant, selon les thèmes, préservatifs, protections périodiques et autres outils d’information, les box s’enrichissent d’un bon de consultation gratuit. L’idée est de rendre les jeunes acteurs de leur santé sexuelle et d’inciter ceux qui n’ont pas accès à la sécurité sociale à se rapprocher des professionnels médicaux. Une cartographie indiquant les lieux ressources est d’ailleurs distribuée dans la box.

Autre nouveauté : alors qu’il ne concernait que le Bas Maroni (de Mana à Apatou), le dispositif s’étend cette année au Haut Maroni, avec des référents présents jusqu’à Talouen. 

2/ En Métropole, les box sont envoyées par la poste alors qu’ici elles sont remises par un adulte référent, pourquoi ? 

Ici, nous utilisons la box comme prétexte à la rencontre et au dialogue. En partenariat avec Guyane Promo Santé, nous avons formé une quarantaine de référents (en milieu scolaire, social et associatif) afin qu’ils puissent écouter et guider les jeunes en fonction de leurs besoins.

3 / Quel est le premier bilan de l’opération ? 

Nous comptons 550 box retirées pour 800 commandées. Le fait d’aller chercher sa box est engageant et difficile. Pour faire face à cette déperdition, nous multiplions les animations et les aller-vers en milieu scolaire, dans les missions locales, au RSMA… Le dispositif marche fort au lycée, chez les 15-19 ans. Le site reçoit 500 visites en moyenne sur 15 jours, avec 300 à 350 quiz terminés, ce qui est prometteur. 

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