1ère édition en Guyane des Summer Games. Au programme : deux jours de rencontres à Cayenne avec des sportifs de haut niveau pour faire rêver sportifs amateurs et champions en herbe. (Texte Mathieu Rached, Photo Jean-Albert Coopmann)

Rencontrer des sportifs de haut niveau, se mesurer à eux la balle au pied ou ballon en main, et discuter ensuite en petit groupe. Ça pourrait ressembler à une animation promotion d’un grand club de foot ou de basket organisée par une grande marque d’équipements sportifs, c’est en réalité le programme des Summer Games qui se déroulent à Cayenne les  21 et 22 octobre. En chef d’orchestre de l’événement, Leslie Ardon, ancienne basketteuse professionnelle (deux titres de champion de France et un titre de vainqueur de l’Euroligue avec son équipe de basket de Bourges), qui a créé cet événement en Martinique et en Guyane avec un objectif en tête : créer du lien entre les sportifs de haut niveau et les jeunes d’ici.

En faisant venir des champions de stature internationale et en les mettant au contact du public dans des ateliers sportifs et des causeries, « je veux créer un événement sportif vecteur de cohésion sociale », explique la jeune femme. Pour monter la manifestation qui tient sur 2 jours sur plusieurs sites, Leslie a rencontré et convaincu quelques acteurs publics, des entreprises privées tels Vito et Air Caraïbes, premiers partenaires à avoir adhéré au projet, ainsi que les ligues de basket, de judo, de natation.  La manifestation intervient dans un contexte particulièrement important où, après la Covid et de nombreuses restrictions, « les associations se battent pour faire revenir les jeunes sur le terrains ». En faisant venir sur place, à domicile, des athlètes de haut niveau, les Summer Games veulent recréer l’émulation propre aux compétitions sportives. Relayé par les sportifs eux-mêmes sur les réseaux sociaux, la manifestation représente aussi l’occasion de donner de la visibilité au territoire et replacer la Guyane comme l’Outre-mer en général à sa juste place : au cœur des performances sportives françaises.

Avec les Summer Games, vous avez créé l’événement qui vous a manqué, adolescente quand vous débutiez au basket dans le club de la Gauloise de Trinité (Martinique) ?

(Rires) Quand je suis partie en France pour une formation sport-études, je ne me représentais absolument pas l’écosystème du monde du sport. J’ai fait certains choix sur la base de mon intuition et de ce qui m’était accessible, j’ai eu mon lot de succès et mon lot d’échecs. Les Summer Games sont aujourd’hui une occasion de rencontrer des jeunes, de les écouter et aussi de partager nos expériences en tant qu’athlètes. Qu’on se le dise, tous les jeunes qui excellent dans leur club en Guyane ne vont pas devenir des Tony Parker ou des Teddy Riner, mais chacun pourra réussir à sa manière, se former, voyager, peut-être acquérir un palmarès et vivre une aventure incroyable. On est là pour témoigner de ce qui attend les futurs champions guyanais.

« Je voudrais surtout créer un moment à part, donner la possibilités aux jeunes et aux familles de vivre une expérience et échanger avec des sportifs qu’ils voient d’ordinaire à la télé. »

En organisant ces temps forts à Cayenne, vous voulez créer du rêve chez les jeunes Guyanais ? 

Je voudrais surtout créer un moment à part, donner la possibilités aux jeunes et aux familles de vivre une expérience et échanger avec des sportifs qu’ils voient d’ordinaire à la télé. Il en sortira forcément des choses très positives pour les jeunes. Les discussions sont libres et elles ont aussi vocation à sensibiliser les jeunes, leurs familles, sur diverses thématiques. Nous aborderons par exemple la carrière sportive avec les jeunes des pôles d’excellence. Nous soulignerons l’importance de la préparation et qu’il n’existe pas une voie unique pour faire carrière et réussir. De la même manière qu’il n’y a pas d’âge fixe pour partir de chez soi et rejoindre une structure en France ou ailleurs. La réussite d’une vie de sportif de haut niveau va dépendre de beaucoup de paramètres. Certains jeunes sont prêts à partir à 12 ans, d’autres ne le sont pas encore à 15 ans. Il faut trouver le bon cadre pour chaque athlète. La maturité, l’envie, la préparation mentale font partie intégrante d’un parcours réussi. Toutes ces interrogations, beaucoup de familles de jeunes sportifs les partagent, là elles auront devant elles des champions qui l’ont vécu pour en parler.

Séance photo avec Laura Georges, secrétaire générale de la Fédération Française de Football et ex-capitaine des Bleues.

Pourquoi c’est important que les jeunes puissent rencontrer et interroger ces athlètes “en vrai” ?

Quand on les voit à la télé, on reste concentré sur les médailles et les titres. Les trophées, c’est fantastique dans la vie d’un sportif mais ça ne doit pas être la seule voie pour s’intéresser au sport. Quand ils sont face à face avec les athlètes, les jeunes sportifs adeptes d’athlétisme, de football, de judo ou autres vont les interroger sur des choses importantes à leur yeux, des choses qui leur permettent de se projeter, qui vont les rassurer, les inspirer. L’an dernier, au cours de l’édition des Summer Games qui s’est tenue en Martinique, une gymnaste de 9 ans avait son cahier à la main avec sa liste de questions et sa première question était : Comment faites-vous pour gérer le stress en compétition  ? C’est génial de pouvoir poser cette question à des champions en chair en os, c’est avant tout ça l’esprit des Summer Games.   

« Je suis convaincue qu’on serait différent en faisant encore plus de place au sport dans nos vies et nos sociétés. »

Aujourd’hui, l’Hexagone est-il toujours un passage obligé pour les athlètes guyanais ?

Là encore, ça dépend des disciplines, des âges, des profils, etc. On voit se développer de nombreux dispositifs très performants, aux États-Unis, au Canada, en Australie ou dans des pays d’Afrique où par exemple la NBA déploie des centres “NBA Academy Africa” qui peuvent donner de nouvelles opportunités. Les possibilités sont nombreuses, et sont souvent peu connues. C’est ce qu’on souhaite faire comprendre lors des conférences, qu’il existe plusieurs voies d’excellence. De même que mettre en garde sur des mythes persistants ; un jeune qui part en France où à l’étranger ne deviendra pas forcément un champion, cela dépend de beaucoup de facteurs. Il faut prendre en compte beaucoup de choses pour entamer le bon parcours et devenir un sportif de haut niveau. 

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Ces échanges sont aussi conçus pour faire prendre conscience que le sport c’est bien plus que de l’activité physique ou de la performance…

Absolument ! Le sport est un incroyable outil, en faveur de l’éducation, de l’excellence, de la santé et du bien-être, de l’inclusion. Je suis convaincue qu’on serait différent en faisant encore plus de place au sport dans nos vies et nos sociétés. C’est simple, mettez un ballon au sol au sein d’un groupe de personnes de tous âges, toutes conditions physiques ou sociales confondues, il va se passer quelque chose, une interaction. Le sport, c’est la culture du vivre ensemble, de vivre en groupe. Le sport ça peut tout changer dans nos sociétés comme dans notre économie.

Atelier de natation handi-valide avec David Smétanine, multiple champion paralympique, lors des Martinique Summer Games, les 26 et 27 août 2022.

Mais pendant longtemps, la vision du sportif dans la société a longtemps été celle du “sois bon et tais-toi”, c’est quelque chose qui est en train de changer ?

(sourire) C’est le fruit d’une vision très intellectuelle et très française de la société, et je dirais que oui, c’est en train de changer. Des sportifs prennent de plus en plus de place et assument de nouveaux rôles, ils sont capables d’être des hommes et des femmes d’affaires accomplis, de créer des écoles et des programmes d’éducation, de prendre position aussi sur des questions sociétales importantes, le racisme notamment, ou encore de créer leur propre compagnie de média tel que l’ont annoncé récemment la championne de tennis Naomi Osaka et le basketteur Lebron James.

« C’est important d’avoir de grosses structures qui nous rejoignent, c’est un bon signe évidemment pour les Summer Games et surtout pour tous les jeunes sportifs du territoire. »

Cette première édition en Guyane est rendue possible par la confiance de certains partenaires tels Vito, Air Caraïbes ainsi que le Ministère de l’Outre-mer. Vous les avez convaincu facilement de vous accompagner ?

Je les remercie d’abord tous pour leur soutien qui nous permet de concrétiser ce projet et cette vision du sport pour la Guyane. Chacun de ces partenaires est venu parce qu’il adhérait aux valeurs et à la proposition des Summer Games pour le territoire. Ce que je sais, c’est que sur ce type de manifestations, les partenariats ne sont pas décidés à la volée sur un coin de table, on se retrouve sur une ligne commune de valeurs. Et leur confiance et leur engagement nous permettent de porter nos messages, toucher le plus grand nombre, créer l’événement qui compte. C’est important d’avoir de grosses structures qui nous rejoignent, c’est un bon signe évidemment pour les Summer Games et surtout pour tous les jeunes sportifs du territoire.

Lors des Summer Games en Martinique, l’atelier basket avec Ali Traoré, Vice Champion d’Europe, était très attendu par les jeunes.

A mesure que vous détaillez la dynamique que vous voulez insuffler, on se dit que 2 jours, c’est presque trop court… Un rendez-vous annuel suffit-il pour mettre en mouvement la jeunesse d’un pays ?

(sourire) C’est notre première édition, on est porté par l’envie de toucher le plus de jeunes possibles, de créer un rendez-vous qui compte dans la vie des Guyanais, des clubs et des sportifs et en tant qu’organisateur on subit aussi cette frustration que vous décrivez de n’y consacrer “que” 2 jours. C’est le premier rendez-vous, ce qui compte pour nous c’est d’amorcer la machine au plus près de la réalité du territoire et de faire grandir l’événement ensuite avec une thématique pour chaque édition tel le sport santé ou la place des femmes. Après les rencontres préparatoires et à quelques semaines des Summer Games à Cayenne, une chose est sûre, la Guyane a de belles perspectives sportives devant elles. Les Summer Games peuvent apporter leur pierre à l’édifice et attiser l’émulation populaire pour les sportifs de chez nous.

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