Sur le front de mer de Marigot, le bâtiment qui abritait les lolos a été sévèrement endommagé par Irma. Pour qu’ils puissent poursuivre leur activité en attendant la reconstruction, la Collectivité a installé un village de containers. Une solution provisoire d’abord rejetée puis finalement appréciée. 

Texte Lise Gruget – Photo Fanny Fontan / Hans Lucas

Je viens souvent acheter à manger dans les différents lolos. Je suis à la recherche de ce qu’on ne fait pas chez moi de façon systématique, comme le lambi ou le poisson, ainsi que parfois le colombo de cabri que j’aime particulièrement. 

Louis Mussington, le président de la Collectivité

Véritable institution, les lolos de Marigot ont la même ambition depuis près de cinquante ans : faire découvrir ou redécouvrir la cuisine créole. « Je voulais manger un truc authentique ce midi comme des bananes plantain », explique Loïc, Parisien en vacances à Saint-Martin. Ses collègues et lui, attablés sur la terrasse ombragée du 1 2 3 Restaurant, tenu par Clotilde et connu pour ses spécialités haïtiennes, comptent parmi les rares touristes à fréquenter les lieux en cette mi-octobre. 

« C’est très calme en ce moment parce que c’est la basse saison. On attend les bateaux de croisière à partir de novembre », explique Francisca, la gérante du restaurant voisin, le Cisca’s Delicacy. Sa clientèle ? « Surtout des touristes mais j’ai aussi des locaux. » 

Accoudé au comptoir de chez Clotilde, un habitué attend sa commande : Louis Mussington, le président de la Collectivité. « Je viens souvent acheter à manger dans les différents lolos. Je suis à la recherche de ce qu’on ne fait pas chez moi de façon systématique, comme le lambi ou le poisson, ainsi que parfois le colombo de cabri que j’aime particulièrement. » 

Une réponse post-Irma

La quinzaine d’établissements s’aligne en deux rangées le long du front de mer. Des containers abritent les cuisines. Entre eux, les clients sont accueillis en terrasse, à l’ombre, sur des chaises et tables le plus souvent en plastique, recouvertes de nappes à motifs tropicaux colorés. Dans ce décor voulu provisoire, l’ambiance est décontractée, familiale et résolument caribéenne. 

Au début des années 80, le front de mer de Marigot, progressivement endigué, ne compte que trois ou quatre lolos près du marché et sous un sablier (Sand Box Tree). Dans les années 90, plus nombreux, ils emménagent dans un bâtiment en dur, à côté du parking accueillant les bus de croisiéristes qui fait face à la gare maritime. Mais en septembre 2017, l’ouragan Irma le détruit. « Nous n’avons pas pu travailler pendant plusieurs mois puis avons été quelques-uns à rouvrir, sous les bâches. Quand il pleuvait, avec l’électricité, c’était dangereux, et on ne pouvait pas respecter toutes les règles sanitaires », se souvient Rosemary, gérante depuis 1978 du Rosemary’s Creole Sea Food, le plus vieux lolo de Marigot. 

Lire aussi | Des aménagements clés pour le développement économique

De la réticence à la résilience 

Les gens ont été innovants et ont enjolivé fortement les choses !

Louis Mussington

Face à l’urgence de trouver une solution, la Collectivité, alors présidée par Daniel Gibbs, installe des containers, à quelques mètres de l’ancien bâtiment, aujourd’hui toujours couvert de bâches. Mais les commerçants sont réticents. « Au début on ne voulait pas y aller, car il y fait très chaud et on n’a pas assez de place pour cuisiner », explique Francisca. En outre, il n’y a pas d’ombrage et ils ne peuvent pas utiliser le gaz et donc préparer les repas sur place. Livrés fin 2019, les containers restent vides près d’un an. Finalement les restaurateurs acceptent de cuisiner sur des plaques électriques (ce qui fait doubler leurs factures) et équipent leurs terrasses de voiles d’ombrage, tonnelles ou paillages. « Les gens ont été innovants et ont enjolivé fortement les choses », constate Louis Mussington, membre de l’opposition au moment du projet, lui aussi réticent au départ. Mais reconnaît-il, « il y a une bonne osmose entre les différents restaurants et finalement, ça marche. Le soir, c’est même plus animé qu’avant ». Ce que confirment les commerçants eux-mêmes, tout en ayant hâte de retrouver leurs locaux. Mais d’abord, il faut le démolir puis le reconstruire et l’intégrer dans le projet de réaménagement de la baie, que la nouvelle mandature prévoit de remanier. Quand ? Ils l’ignorent. Et d’ailleurs, le président de la COM aussi. En revanche, celui-ci est sûr d’une chose, dans la vie, et sans doute en matière d’urbanisme, « il y a urgence à prendre son temps ».

Lire aussi | « Je repartirai bluffé »