Qu’en est-il aujourd’hui de l’évolution du travail au sein des cabinets d’expertise-comptable et des entreprises ? Le point avec Frédéric Bonniol, membre de l’Ordre des experts-comptables de Martinique, pour qui la bonne marche d’une entreprise passe par un “management individualisé”.

Texte Claire Jacques – Photo ©Jean-Albert Coopmann

Les tâches de l’expert-comptable ont-elles ou sont-elles en train d’évoluer ? 

Je dirais qu’elles ont déjà beaucoup évolué. Notre mission est certes toujours de tenir une comptabilité et de faire en sorte que les obligations sociales et fiscales soient remplies, mais ce n’est plus uniquement le cœur de notre métier. Aujourd’hui, notre mission porte davantage sur l’accompagnement, le coaching, la mise en confiance des chefs d’entreprise. À partir de l’outil comptabilité, nous sommes plus dans la stratégie, l’aide à la décision tout au long de l’année. J’aime à dire que nous sommes un peu les médecins généralistes de l’entreprise. Sauf que nous faisons de la médecine préventive.

Comment se traduisent ces évolutions dans vos cabinets et dans les rapports avec vos clients ? 

Sur la partie saisie de comptabilité – et la Covid a accentué cela –, nous observons une dématérialisation des rapports entre le cabinet comptable et le client. Les pièces comptables sont le plus souvent désormais envoyées par mail ou autre, ce qui nous permet de gagner du temps, mais surtout d’en libérer pour les discussions et les échanges. Le contact humain reste fondamental. Déjeuner le midi avec un client remplace toutes les réunions.

Le télétravail est-il devenu un mode de travail banal pour les experts-comptables et dans les entreprises ? Permet-il de fidéliser les collaborateurs, de répondre au problème de recrutement ? 

Pour ce qui est du télétravail, deux approches sont à prendre en compte : celle du client et celle du management interne à nos cabinets d’experts-comptables.

Nous avons fait le constat que les clients ont besoin de contacts. Pour répondre à cette attente, nous demandons donc à nos collaborateurs d’être présents à certaines heures de bureau. En revanche, pour tout ce qui est social (paye…), c’est un peu différent, il y a plus de facilité à télé-travailler.

Au final, nous laissons une certaine souplesse à nos collaborateurs, d’autant qu’ils ont la possibilité de se connecter à distance à leur logiciel de travail. Dans les faits, beaucoup préfèrent venir travailler. Pour en discuter avec eux, travailler à 100 % chez soi n’est pas forcément bien vécu, la séparation entre vie privée et vie professionnelle n’existant plus.

C’est un peu la même chose dans les entreprises. Quand il est possible, ce qui dépend de l’activité de l’entreprise, le télétravail peut en effet être bénéfique à certains collaborateurs qui souhaitent davantage de liberté. Mais il n’est pas si courant et se résume à une ou deux journées par semaine. Je pense ainsi que la possibilité de télé-travailler peut constituer un moyen de fidéliser un collaborateur ou de lui donner envie d’intégrer votre entreprise, mais c’est loin d’être l’unique solution. Selon moi, tout repose sur le management.

Vous travaillez en étroite collaboration avec les chefs d’entreprises, qu’observez-vous justement en termes de management au sein des entreprises clientes de vos cabinets ?

En matière de management, nous préconisons avant tout une approche individuelle. En ce moment, nous sommes en pleine période d’entretiens annuels. Nous incitons les chefs d’entreprise à les mener. C’est intéressant de s’arrêter une fois par an pour faire le point avec chacun de ses collaborateurs. Comment se sentent-ils dans l’entreprise, dans leur travail, avec leurs collègues ? Ont-ils besoin de formations spécifiques ?
Comment se voient-ils dans 2 ans ? Souhaitent-ils évoluer, avoir des responsabilités ? Le chef d’entreprise doit savoir tout ça. Un management prenant en compte les individualités présentes dans l’entreprise et leurs aspirations permet de bien mener son entreprise et prendre les bonnes décisions. En réalité, la différenciation qui existe entre les individus peut servir le collectif. 

Comment sensibiliser les entreprises à la question du bien-être au travail ? Quelles sont les approches préventives du burn-out à développer ? 

Tout passe d’abord, selon moi, par une bonne communication. La direction d’une entreprise doit expliquer les décisions qui sont prises à ses employés. Cet effort de pédagogie et de transparence permettra non seulement leur bonne compréhension, donc de donner du sens au travail demandé, mais sera aussi bénéfique à l’équilibre et l’harmonie dans l’entreprise. De même que le fait de voir un patron se relever les manches et mouiller la chemise lorsqu’il y a un problème à régler.

Quant au burn out, nous constatons que 80 % d’entre eux sont liés à des problèmes personnels et non professionnels. Là encore, il faut agir en prévention. Un chef d’entreprise qui ne privilégie pas compréhension, dialogue et écoute, ira d’échec en échec en matière de ressources humaines. Tout ça n’est que du bon sens.

ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES DE MARTINIQUE
Centre Dillon Valmenière 
Route de la Pointe des sables Bat Argos – 1er étage
97200 Fort-de-France
ordexper@orange.fr 
0596 64 02 26