Frédérique Ursule, avocat-conseil en droit social, apporte des précisions sur les règles à respecter pour le télétravail.

Texte Yva Gelin – Photo ©Jean-Albert Coopmann

Pratique généralisée depuis la crise sanitaire, le télétravail est, comme le définit Frédérique Ursule, « le fait de travailler à distance et donc de ne pas travailler sur le site auquel une personne est juridiquement attachée, en utilisant des outils informatiques et de télécommunication ». Un mode d’organisation du travail énoncé simplement qui pourtant reste parfois très flou en pratique.

Quels sont les métiers concernés ?

Le télétravail concerne uniquement les salariés d’une entreprise mais il n’y a pas de liste des métiers dédiés au télétravail. Il s’agit d’une liste de bon sens à vrai dire. Par exemple, il paraît logique qu’un ouvrier à l’activité manuelle, comme un ouvrier agricole par exemple, pourrait difficilement télétravailler. Cette pratique concerne donc principalement les métiers sédentaires, accomplis ordinairement dans les locaux de l’entreprise.

Par quoi cette pratique est-elle légalement encadrée ?

Le télétravail est d’origine conventionnelle et existe en réalité depuis un accord national interprofessionnel qui date de 2005. Ce n’est pas une loi mais un texte qui est signé entre des organisations patronales et des organisations syndicales de salariés de plusieurs secteurs d’activité. Il faut comprendre que le télétravail ne peut pas être imposé par le salarié ou l’employeur. Depuis la période de covid, à l’occasion de laquelle le gouvernement s’est emparé du télétravail, il y a beaucoup d’amalgames. C’est-à-dire que maintenant que la pratique est plus connue, certains se trompent en pensant être dans leur bon droit en invoquant une raison personnelle pour justifier occasionnellement le télétravail. Or, cette pratique, à moins d’être incitée par le gouvernement lui-même comme c’était le cas lors de la crise sanitaire, doit faire l’objet d’un accord entre l’employé et l’employeur ou d’une convention collective dont les termes sont propres à chaque secteur d’activité. Dans le cadre de l’accord ou de la convention collective sont par exemple à définir le nombre de jours de télétravail, la charge et l’organisation du travail effectué, ou encore les frais qui seront versés par l’employeur. Le télétravail touche à un élément essentiel du contrat qui est le mode d’organisation du travail donc quoi qu’il en soit, il faut que chaque partie soit d’accord.

Quels types de frais peuvent être concernés ?

Il peut être décidé d’une indemnisation de la part de l’employeur dans la mesure où pour exercer le télétravail le salarié se retrouve à utiliser des ressources personnelles pour effectuer ses fonctions. Il s’agit principalement de l’électricité et d’internet. Ainsi, il peut être décidé d’une quote part de la facture internet qui sera remboursée. Plus généralement, l’Urssaf prévoit aussi un forfait, plafonné en fonction du nombre de jours de télétravail, si le télétravail n’est pas encadré par un accord collectif. Il s’agit de 10 euros par mois pour une journée de télétravail, 20 euros pour deux jours et ainsi de suite. Il faut noter cependant que le salarié n’est pas censé être toute la semaine en télétravail. Cela dépend encore de l’accord établi mais normalement cela ne doit pas excéder le nombre de trois jours par semaine. Encore une fois, cela est à définir dans l’accord ou la convention collective.

Quelles sont les obligations du salarié et de l’employeur ?

Une fois que l’accord est défini, à partir du moment où l’employeur a accepté la demande de télétravail du salarié, et selon une obligation de bonne foi formulée dans le code du travail (art. L1222.1), il est tenu de lui fournir les outils nécessaires au bon déroulement de la pratique. Cela inclut par exemple la mise à disposition des logiciels nécessaires, l’accès à des clouds ou encore de façon plus basique, la mise à disposition d’un ordinateur dans le cas où le salarié n’en dispose pas. Tous les outils informatiques nécessaires doivent être mis à disposition. L’employeur a également le devoir de surveiller l’organisation du travail sans pour autant empiéter sur la vie personnelle de son employé, également surveiller la charge de travail mais aussi le ressenti du salarié vis-à-vis du télétravail, car cette pratique ne convient pas forcément à tout le monde. De son côté, le salarié a une obligation de loyauté et de coopération et d’accomplissement de sa mission.

Y a t-il beaucoup d’affaires judiciaires liées au télétravail ?

À ma connaissance, il n’y a pour l’instant pas de contentieux judiciaire en lien avec le télétravail. La pratique, même si elle a été instaurée en 2005, était au stade embryonnaire jusqu’à la pandémie de 2020. Cependant je pense que de plus en plus de questions relatives à cette pratique vont émerger dans la mesure où en France hexagonale il y a actuellement une nouvelle incitation à la généralisation du télétravail dans un contexte de souci de sobriété énergétique avec la crise liée au carburant ou avec l’hiver qui s’annonce. Mais la Martinique ne semble pas impactée pour l’instant. 

Maitre Frédérique Ursule, avocat à la Cour
Frédérique URSULE
Avocat à la Cour – Centre d’affaires Didier Plaza Bureau 21
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