Pour 2023, le président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM) porte une vision et ne veut ménager aucun dossier. Interview d’Hervé Mariton, à l’issue des vœux à la presse, le 16 janvier à Paris.

Texte Mathieu Rached

Rencontre des députés des territoires 97, restitution du congrès des élus de Martinique, préparation du CIOM (comité interministériel pour l’Outre-mer) en avril, renouvellement des plans de convergence, réforme des retraites… L’agenda des premières semaines donne une idée des enjeux. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce début d’année ?

Les sujets sont nombreux c’est vrai, et dans une vision globale, je fais deux vœux pour 2023 : que les entreprises ultramarines soient un réflexe et qu’elles soient un exemple. Et ce, pour tout le monde, politiques, grand public, investisseurs… Quand on parle de l’Outre-mer, il faut qu’on parle systématiquement d’économie. Et vice-versa, quand on parle d’économie, il faut qu’on parle de l’Outre-mer et de ses entreprises. Aussi, j’aborde l’année dans un état d’esprit combatif et positif pour que ce “réflexe Outrer-mer” joue et s’impose davantage.

Le cap, c’est donc de devenir des exemples ? 

Nous devons devenir un exemple dans les thématiques de l’emploi, du logement, de l’inclusion, dans la réponse aux enjeux énergétiques, économiques, de valorisation de la biodiversité, dans l’économie de la santé… C’est notre carte à jouer et c’est aussi ce qu’exigent nos situations ultramarines. Les défis structurels auxquels nous faisons face doivent devenir des opportunités de démontrer nos savoir-faire, et des marchepieds pour nos entreprises.

Est-ce aussi l’état d’esprit que vous retrouvez au sein des entreprises ?

En ce début d’année, le climat des affaires est plutôt positif, il existe de bons indicateurs selon les dernières analyses de niveaux d’activité. Et les entreprises ultramarines, telles qu’elles nous parlent et que nous les identifions, revendiquent une bonne dose de confiance tout en restant exigeantes. Je dirais qu’elles sont “inquiètes de manière utile”. Quand le contexte est positif, à l’image du tourisme actuellement, elles l’assument et elles le disent. Quand les situations sont plus difficiles, comme c’est le cas du BTP, elles le font également savoir pour que des ajustements soient élaborés à temps.

Ainsi à l’échelle des prochains mois, les points sensibles sont connus : le prix du Gazole non-routier (GNR) à alléger pour les industries, l’adaptation des prix de l’électricité comme dans l’Hexagone, la question du prix du kérosène également qui risque d’avoir un impact sur le secteur du tourisme. De même se pose la question de la décarbonation de l’économie, encadrée par l’Union européenne : comment s’applique-t-elle en Outre-mer ? Comment les entreprises mesurent-elles cet impact carbone aujourd’hui ? Comment peuvent-elles évoluer et être accompagnées ? Autant de discussions clés au cours des prochains mois.

Comment la FEDOM prendra-t-elle part à ces questions ?

Notre rôle est multiple et s’inscrit dans la quête de compétitivité des entreprises. Cela repose sur plusieurs niveaux d’actions. Au sein de la FEDOM, nous produisons des données sur les économies ultramarines que nous souhaitons plus largement diffuser*, nous réfléchissons aux événements les plus pertinents pour promouvoir l’Outre-mer et nous portons des réflexions sur des points clés, structurels et concrets : l’adaptation des normes aux réalités des territoires, les conditions de la prolongation de la défiscalisation jusqu’en 2029 notamment en matière de logement, la réduction des délais de paiement, des solutions pour la question des fonds propres ou encore un meilleur atterrissage des financements européens (RGEC)…

C’est une double approche, répondre aux défis structurels présents et à venir, et veiller à la bonne mise en pratique des solutions annoncées et actées. Un travail avait été ainsi mis à l’ordre du jour il y a quelques mois quant à la possibilité de duty-free pour les entreprises de Fort-de-France ou de Pointe-à-Pitre pour les croisiéristes étrangers. Cela reste à concrétiser. De même que les conditions de la limitation des prix de l’électricité pour les entreprises dont les modalités restent en suspens.

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Quel est notre principal défi selon vous ?

Celui de l’énergie, qui fera l’objet d’un séminaire d’abord en Polynésie française puis en Guadeloupe pour les Antilles et en Guyane, avec l’idée de réunir les producteurs, les usagers et les collectivités (qui ont la main sur la PPE, Programmation pluriannuelle de l’énergie), et de mettre à plat les points forts et les points de blocage, les délais et les réglementations… Et surtout d’en faire un atout pour valoriser des compétences déjà présentes et encourager des retours au péyi.

Car, en Outre-mer, la transition énergétique ne se mesurera pas en nombre de panneaux photovoltaïques mais bien à l’aune des solutions d’ingénierie locale et de la construction de savoir-faire, conformes aux besoins des territoires et exportables vers nos voisins… Nous sommes de petits territoires, on saisit plus vite que d’autres les enjeux de miniaturisation de l’économie, on peut stimuler et valoriser ce potentiel.

Pouvez-vous citer trois actions que le gouvernement devrait mettre en place dès le début de l’année ?

  • Préciser les mesures de modération des prix de l’énergie et veiller à ce qu’elles soient bien appliquées. L’annonce a été claire, mais la méthode n’a pas encore été déterminée.
  • Généraliser le Titre emploi service entreprise (TESE)
  • Faire des propositions sur la question de fonds propres d’entreprises.

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Sur le papier, les nombreux enjeux que vous citez semblent à la fois clairs et accessibles… 2023 sera-t-elle une année charnière pour l’Outre-mer ?

(sourire) Je dirais qu’il faut y croire. La vie est pleine de difficultés et on ne peut pas ignorer les risques économiques et sociaux qui nous concernent. Et l’ensemble de nos rencontres, de nos travaux et nos échanges veillent précisément à ne pas se raconter des histoires mais à la construire.

Pour plus d’informations, connectez-vous sur le site de la FEDOM.