Interprofession guadeloupéenne de la viande et de l’élevage, l’IGUAVIE, apporte une analyse concrète des constats et de l’avenir de la viande locale.

Texte Yva Gelin – Photo Lou Denim

La production locale et le développement d’un territoire est une stratégie commune qui démarre avec le consommateur.

Franck Desalme, président de l’Iguavie

Qu’est-ce que l’Iguavie ?

Elie Shitalou, secrétaire général de l’Iguavie : L’Iguavie est une dynamique portée par les producteurs locaux et a aujourd’hui 18 ans. En tant qu’interprofession, elle rassemble tous les métiers liés à la viande et à l’élevage. On compte aujourd’hui une trentaine de membres comprenant des éleveurs, le provendier, des transformateurs, des distributeurs et des artisans bouchers. Notre objectif est de fournir des produits 100 % locaux.

Peut-on justement définir ce qu’est une viande locale ?

Une viande locale est faite à partir d’animaux nés ou élevés localement. Il y a une différence à faire car, pour l’instant, le territoire n’a pas toute la capacité pour produire ses propres poussins pour la production de poulets. En revanche, toutes les autres espèces comme le bovin ou le porc naissent et sont élevés chez nous, selon les techniques d’élevage adaptées.

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Pourquoi se rassembler au sein d’une interprofession ?

Historiquement, l’Iguavie s’est créée dans un contexte particulier. Après le passage de l’ouragan Hugo en 1989, il y a eu une quasi-disparition de toutes les productions animales et une longue traversée du désert. À la même époque se développaient les hypermarchés et donc une concurrence accrue aux productions locales. L’interprofession a été créée pour favoriser le développement d’une production de qualité, en quantité suffisante et de façon régulière à un prix abordable, afin de répondre aux attentes des consommateurs tout en assurant un revenu aux éleveurs pour leur permettre de pérenniser la production. Elle soutient les démarches de structuration des filières et de professionnalisation des éleveurs des différentes filières. C’est également un lieu de rencontre où naissent de nouvelles idées et où sont, par exemple, créées en commun les dynamiques de promotion.

Iguavie
Elie Shitalou, secrétaire général de l’Iguavie

Quels facteurs influencent la production locale ?

Le premier facteur à moduler notre activité est celui de la demande. C’est-à-dire qu’il faut que le consommateur décide d’acheter des produits locaux. Il y a également la réalité économique entre un produit local et un produit importé. Un poulet importé, par exemple, après abattage, découpe, transformation, conditionnement et transport, est vendu autour d’un euro. Le prix de ces produits importés est en fait artificiel et ne repose sur aucune donnée économique. Il ne tient pas compte des coûts réels de production. Les produits de dégagements importés, c’est-à-dire les morceaux qui ne sont pas mangés par les consommateurs nationaux, sont vendus en Outre-mer à bas prix. Ils constituent des produits d’appels pour attirer le consommateur. Un poulet frais local, à la différence, est à 7 euros le kilo. Ce sont des produits différents.

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Y a-t-il une stratégie possible pour changer la donne ?

Nous sommes dans une dynamique de relance ; toutes les filières sont concernées mais particulièrement le poulet, le porc et le bovin qui correspondent aux viandes les plus consommées. Cette dynamique discutée en septembre 2022, a pour objectif d’augmenter les volumes produits en prenant plusieurs paramètres en compte : que le producteur ne soit pas impacté dans son revenu et que l’écart de prix entre les produits locaux et d’importation se réduise pour que le prix soit plus abordable pour le consommateur. Concrètement, pour rester sur l’exemple du poulet, l’objectif est d’avoir pour 2030 une capacité de production supplémentaire de 1 500 tonnes par an, en plus des 1 000 tonnes actuellement produites. Cela implique la création de 46 nouveaux bâtiments d’élevage dans des exploitations diversifiées en polyculture-élevage. Pour mieux aborder cette relance et faire en sorte que les revenus des éleveurs ne soient pas impactés, les acteurs souhaitent la création d’une caisse de péréquation. C’est une nouvelle approche, une IGUAVIE 2.0.

Quel est l’argument de l’Iguavie pour inciter à la consommation locale ?

Nous sommes dans une période de grands changements. Historiquement, à chaque fois qu’il y a une crise en France (ESB, dioxine du poulet…), la consommation des produits locaux augmentaient. La tendance de la consommation pourrait s’inverser, donc en plus des arguments santé ou liés à l’écologie, autant, dès maintenant, encourager la production locale. La production locale et donc le développement d’un territoire, est une stratégie commune qui démarre avec le consommateur, s’accorde avec les politiques publiques et ainsi de suite…

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Consommation de viande bovine en Guadeloupe en tonnes
En 1987
Production locale : 3 842
Importée : 2 666
En 2022
Production locale : 1 305
Importée : 3 637
Sources : Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt – GESTAG
Franck Desalme, président de l’Iguavie
Elie Shitalou, secrétaire général de l’Iguavie

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