Produire localement relève parfois du parcours du combattant. Pour autant, des petites pépites sortent parfois de terre. C’est le cas de Mangez-moi, Le Champignon des Îles, qui fait pousser les pleurotes… comme des champignons.

Texte Amandine Ascencio – Photo Jude Foulard

Pourquoi Mangez-moi, Le Champignon des Îles a choisi les pleurotes ?

Les deux containers sont installés dans le jardin de Camille et Jean-Luc depuis quelques mois à peine. À l’intérieur, à l’abri de la lumière, ils font pousser des pleurotes, un champignon goûteux, savoureux et surtout capable de se développer sous nos latitudes tropicales. « C’est pour ça qu’on a choisi les pleurotes », raconte Camille. Leur projet, c’est une aventure familiale, initiée par leur petit garçon, qui regardait pousser un champignon dans leur jardin, sans trop savoir si on pouvait le manger. La légende raconte que l’usine à champignon du futur, c’est lui qui l’a dessinée. Et ses parents qui l’ont mise en activité, poussés par une réflexion autour de la production locale, de l’écologie (Camille est la créatrice d’une des premières épicerie vrac de la Guadeloupe, la Kaz en Vrac au Moule) et de l’autonomie alimentaire, le tout sur des investissements propres.

Après des mois de lecture sur la science des champignons, de tests dans la salle de bain, d’études de business plan, et d’une formation sur le continent alors que leur 2ème enfant est seulement âgé de 4 mois, la petite usine est sortie de terre. « Quand les pleurotes ont poussé au-dessus de la douche, on était comme des gamins », se souviennent Jean-Luc et Camille en riant. Un processus qu’il a fallu reproduire pour assurer une production : d’abord pasteuriser de la bagasse enfermée dans un sac en plastique conçu pour cette culture. Puis l’ensemencer avec “le blanc”, (comprendre le grain céréalier qui porte le mycellium, soit la souche qui permet le développement du champignon). Enfin, laisser reposer plusieurs semaines. « Deux semaines d’incubations, et 4 semaines de fructifications environ », rappelle Jean-Luc. Le premier mycélium ? Il est arrivé “d’un laboratoire de Belgique” précise Camille qui importe aussi les céréales. « On est obligé de prendre du grain bio car les champignons sont des absorbeurs de toutes les substances, et de surcroît, les produits non bio sont souvent plein de fongicides et on n’en trouve pas par ici », sourit-elle. Quant à la bagasse, trouver 100 kg par semaine est un jeu d’enfant selon les entrepreneurs.

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Grosse demande et petite production chez Mangez-moi, Le Champignon des Îles

La première récolte date de novembre. « On a fait 15 kg », racontent les mytiliculteurs. En décembre, ils ont atteint 50 kg de champignons. En janvier, ils avoisinent 75 kg de produits. « On vise 100 kg par mois environ. » Un chiffre atteignable mais qui reste encore léger pour vivre de l’activité, bien que le succès a été immédiat car les attentes sont nombreuses, même si le marché n’est pas éduqué et la concurrence faible. « Seul un producteur existait à Vieux-Habitant, mais pour l’instant il n’exerce plus. » Quant aux producteurs de champignons de Paris en Martinique, l’échelle est bien différente. Très vite, les restaurateurs et autres grands chefs du cru se sont montrés friands de ce petit champignon au goût si particulier, qui s’accommodent, disent-il, avec tout, même la langouste ! Mais aussi les particuliers qui peuvent se faire livrer jusqu’à Jarry, le tout dans des tarifs largement concurrentiels avec ceux de la grande distribution, puisqu’il s’agit d’un produit de niche.

Pour le futur, Camille et Jean-Luc ne sont pas inquiets. Ils aspirent à développer de nouvelles variétés, à tester des substrats plus locaux, comme des copeaux de bois rouge, « même si la bagasse est toute idéale », disent-ils. Et puis aussi trouver des voies de recyclage pour les sacs plastiques une fois la production totalement achevée, ou pour la bagasse, transformée en une sorte de compost par les pleurotes. Ou encore accueillir des écoles sur leur terrain pour montrer que le champignon peut devenir un produit phare d’un territoire et qui sait, peut-être, rentrer dans la gastronomie et la culture locale.

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