À travers un parcours à la fois caribéen et européen, Larry Lamartinière trouve facilement sa place dans le marché international. Il vient de prendre son poste de directeur de l’Alliance française en Arabie Saoudite. Témoignage.

Texte Karollyne Hubert

Il faudrait valoriser les formations régionales d’aujourd’hui afin d’internationaliser le marché de travail de demain.

Larry Lamartinière, directeur de l’Alliance Française en Arabie Saoudite.

Vous avez étudié et travaillé dans plusieurs villes caribéennes. Selon vous, dans les formations, les échanges intra-caribéens sont-ils assez développés ?

Nous avons plusieurs formations interrégionales très qualitatives dans les Caraïbes. Je pense en premier, à la formation que j’ai pu moi-même suivre à Sciences Po Bordeaux. C’était un parcours sur les relations internationales dans les Caraïbes, en partenariat avec l’Université des Antilles en Martinique, l’Université de West Indies en Jamaïque et l’IEP de Bordeaux. Les projets de dispositifs Erasmus Caraïbes aident aussi fortement au développement de ces échanges, notamment en proposant des formations entre l’Université des Antilles et d’autres universités caribéennes. Le problème, c’est que ce type de programme se noie rapidement, car il est souvent mal structuré et ne s’adapte pas chez nous.

Malgré la proximité géographique, nous n’arrivons pas à favoriser nos échanges universitaires…

Avant de partir en Jamaïque, j’entendais fréquemment autour de moi :  « tu vas apprendre l’anglais en Jamaïque ? Mais ils ne parlent pas vraiment anglais là-bas ! » (soupir). La crédibilité dans l’enseignement régional est souvent mise en cause, nous restons encore persuadés que les études supérieures sont moins qualitatives dans la Caraïbe. Nos parents, dès l’obtention de notre baccalauréat, veulent à tout prix nous envoyer en France métropolitaine ou ailleurs. Or, il est possible d’apprendre l’anglais ou l’espagnol chez nos voisins à des prix plus abordables ou encore de rester chez nous, afin de suivre des parcours très qualitatifs. Et cela fonctionne très bien aussi : après une classe préparatoire au lycée de Bellevue en Martinique, j’ai réussi les concours d’entrée à Sciences Po Bordeaux.

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Quels seraient les autres freins ?

En plus des préjugés, un autre problème nous empêche de nous former à proximité : la reconnaissance des diplômes. Si un étudiant souhaite partir dans les Caraïbes pour se former, je doute que son diplôme soit valable chez nous. En outre, en tant que Français, nous pouvons nous rendre facilement chez nos voisins. Néanmoins, cela reste très compliqué pour un étudiant jamaïcain de faire ses études en Martinique ou en Guadeloupe à cause de la demande de visa ou encore en raison des coûts. Mais ce qui freine le plus le développement des échanges universitaires, encore une fois, reste notre insularité. En Europe, il suffit de prendre la voiture pour se rendre rapidement dans un autre pays. Nous, il nous faut soit prendre un bateau, qui n’est pas très commode, soit prendre le transport aérien, qui n’est pas très abordable financièrement. La logistique reste aussi à désirer. Quand j’étais étudiant en Jamaïque, je prenais un jour pour m’y rendre depuis la Martinique, alors que nous sommes à moins de deux milles kilomètres !

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Que faudrait-il faire pour que nos formations soient davantage impactantes au niveau régional ?

Proposer un dispositif qui permettrait aux jeunes un échange culturel en deux étapes : d’abord sur le niveau régional et puis sur le niveau national, voire international. En Europe, plusieurs écoles imposent une année à l’étranger obligatoire aux étudiants, peut-être que cela serait une bonne alternative pour nous aussi afin de créer un Erasmus caribéen à long terme. Cette réflexion est souvent faite de l’intérieur seulement, il faudrait mettre en avant nos territoires à travers la diaspora aussi. Je pense à un groupe d’amis qui travaillent au Canada, et qui font plusieurs projets dans le but de faire connaître notre île auprès des Canadiens. Ici, en Arabie Saoudite, quand je parle de la Martinique, ils sont toujours très intrigués… ils ne pourraient la placer sur une carte (rires). Aujourd’hui, ils n’ont qu’une seule envie : traverser l’Atlantique pour visiter notre île. Il faudrait également mettre en avant les multi-destinations, pour que nos compagnies aériennes puissent aussi rentabiliser leurs vols, et pour que nous, en tant que clients, nous puissions profiter de notre région autant dans un cadre éducatif et professionnel que récréatif.