Le 28 janvier 2022, la communauté thérapeutique « Yepi Mankandra » ouvrait ses portes sur la commune d’Awala-Yalimapo. Le président de la Collectivité territoriale de Guyane et le préfet étaient notamment présents pour l’inauguration de la première structure de ce type en France, permettant aux femmes souffrant d’addiction de venir avec leurs enfants. Un an plus tard, quel bilan ? Nous avons rencontré la cheffe
de service du centre Laurène Paris.

Texte Sandrine Chopot

6 h du matin. Les habitants du village amérindiens d’Awala-Yalimapo, situé dans le nord-ouest de la Guyane, se réveillent, bercés par le chant du coq, le clapotis des vagues. Sur la magnifique plage des Hattes, les visiteurs affluent pour observer la ponte des tortues luth. Au milieu du village, dans un bâtiment à ossature bois, décoré de grandes fresques murales, les femmes de la communauté thérapeutique commencent leur journée. Leur planning est millimétré. Au petit-déjeuner, chacune prend le temps d’exprimer sa météo du jour. Puis, à tour de rôle, durant deux heures, elles s’affairent au ménage, à l’entretien du linge, du jardin, à la préparation des repas. Après un déjeuner communautaire, un temps de pause est observé. L’après-midi est consacré à des ateliers thérapeutiques (moments d’échanges, groupes de paroles, atelier photo-langage), créatifs (sculpture sur calebasse, confection de bijoux, peinture), à des activités sportives. La journée se termine par une réunion de bilan suivie d’un dîner partagé. À 21 h 30, extinction des feux, chacune regagne sa chambre.

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Yepi Mankandra : un lieu de soin résidentiel

Ces femmes sont de tous âges, avec ou sans enfants, blessées par la vie, elles ont toutes un point commun : la volonté de se reconstruire. « En Guyane, il manquait un endroit sécurisé pour accueillir les femmes en situation d’addiction aux produits psycho actifs (crack, cocaïne, alcool, cannabis…) », explique Laurène Paris, cheffe de service du centre doté d’une capacité d’accueil de 20 places pour les femmes et 15 places pour les enfants. « Les résidentes sont accueillies pour une durée comprise entre six et dix-huit mois. Elles sont accompagnées au quotidien par une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmière, psychologue, médiateur interculturel, travailleur social, éducateurs, animateurs, intervenant petite-enfance, veilleuses de nuit, maîtresse de maison, cuisinier) ». Soutenu par la mairie d’Awala, l’ARS de Guyane, la CTG, l’AFD et l’union européenne, ce projet a permis d’engager un travail sur les addictions, en proposant une expérience d’abstinence et de reconstruction à ces femmes qui s’y étaient égarées.

Yepi Mankandra

Soutien mutuel

Leur séjour n’est pas toujours un long fleuve tranquille, toutes passent par des hauts et des bas. Certaines arrivent en fin de sevrage et prêtes à réaliser une expérience d’abstinence au sein de la communauté, d’autres sont accueillies, sous certaines conditions, pour commencer leur sevrage. Durant la phase d’immersion, d’environ un mois, les visites, les sorties, l’utilisation du téléphone et de l’internet sont interdits. Pour accompagner les bénéficiaires, la structure mise sur le soutien mutuel et le développement de compétences professionnelles. « Ici, les résidentes reçoivent et donnent le soin. Au fur et à mesure de leur parcours, elles ont de plus en plus de liberté, mais aussi des obligations par rapport aux autres résidentes. Le marrainage est un moyen de les responsabiliser », précise la cheffe de service.

Yepi Mankandra

L’après Yepi Mankandra ?

Une fois la dépendance vaincue, tout n’est pas gagné, « l’une des difficultés majeures est d’arriver à renouer du lien social », souligne ainsi Laurène Paris. « Nous les accompagnons dans la recherche d’un emploi, d’un logement. Nous les invitons à venir témoigner de leur parcours. Aujourd’hui, nous voulons dire aux femmes que c’est le 1er pas qui est le plus difficile, accepter d’être malade et d’avoir besoin d’aide. Une fois qu’on intègre la communauté thérapeutique on réapprend à vivre. »

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Une association incontournable
Yepi Mankandra est un projet porté par l’association AKATIJ (An nou Kombat Ansanm Tout Inégalité di Jodla). Depuis sa création en janvier 1995, l’AKATIJ est un acteur reconnu de la prise en charge des publics exclus en Guyane. Toutes les infos sur la page Facebook @AKATIJ.

Témoignages
Nelly Tiouka, animatrice
« Entendre ces femmes qui ont besoin d’accompagnement, d’insertion, de réinsertion sociale, cela nous motive à être présents à leurs côtés, à les écouter. J’ai envie de ressortir le meilleur de moi-même pour les aider. »
Une patiente du centre
« Ici on a un cadre de vie sain. Je ne veux pas vous mentir, le premier pas est le plus difficile. Mais toute une équipe est à nos côtés dans les bons et mauvais moments. On apprend à vivre, à se nourrir, on se réveille avec plaisir. L’addiction est quelque chose qui nous éloigne de notre famille, de nos amis, des belles choses de la vie. Aujourd’hui, je retrouve la joie de vivre. Il n’y a pas de prix pour cela. C’est dur mais à la fin ce n’est que du bonheur. »
Alain Gipe, éducateur technique
« Les femmes arrivent avec une mine grave, puis petit à petit, elles retrouvent le sourire, la santé, c’est très gratifiant pour nous. »

Communauté thérapeutique « Yepi Mankandra »
1080 rue du 8 décembre 1984
Awala-Yalimapo
0594 34 86 31- 0694 38 85 20
ctawala@akatij.fr