Depuis 10 ans, l’Établissement public foncier de Guadeloupe (EPFG) œuvre à une gestion fine et structurante de la politique foncière du territoire à l’aune de ses défis sociaux, économiques et environnementaux. Rencontre avec son président Monsieur Patrick Sellin.

Texte Alix Delmas – Photo Lou Denim

Rationnaliser l’espace sur un territoire petit comme le nôtre nécessite une gestion fine, c’est mon leitmotiv

Patrick Sellin, président de l’EPFG

L’EPFG a été créé le 10 mai 2013 par arrêté préfectoral, 10 ans après, quel premier bilan faites-vous de son action ?

Aujourd’hui, toutes les communes de Guadeloupe sont adhérentes par le biais de leur EPCI (Établissement public de coopération intercommunale). Nos actions ont fédéré l’ensemble des politiques sur l’importance et la nécessité d’un outil comme le nôtre au service du développement du pays.

Vous luttez contre l’étalement urbain et œuvrez à la redynamisation des centre-bourgs notamment avec le programme VANAB (Vil An Nou An Balan). Comment expliquez-vous la désertification des centre villes en Guadeloupe ? À quand cela remonte-t-il ?

Il y a plusieurs facteurs. L’apparition des centres commerciaux a créé un sentiment de sécurité chez les commerçants, qui peu à peu ont déserté les bourgs. Les indivisions ont contribué à l’émergence de maisons à l’abandon, de dents creuses dans les bourgs pour lesquels la loi « Letchimy » de 2018 permet des solutions. Beaucoup de jeunes ont quitté l’île pour trouver un travail et ne sont pas revenus. Les habitants ont peu à peu délaissé les villes, notamment Pointe-à-Pitre qui était le poumon économique de la Guadeloupe.

L’action phare VANAB vise à favoriser la redynamisation des centres urbains grâce à de nouveaux logements, commerces et services, des équipements publics de proximité ; sans oublier l’embellissement des espaces par le biais d’aménagements paysagers. Ces nouveaux programmes d’intervention foncière s’accompagnent d’actions innovantes plaçant l’Art au cœur de la ville ; à l’instar du programme Vil’Awt qui permet à des artistes d’univers différents de partager avec le plus grand nombre, leurs créations sur des parcelles que nous avons en portage. Il s’agit de rebâtir la ville sur la ville, rationnaliser l’espace sur un territoire petit comme le nôtre nécessite une gestion fine, c’est mon leitmotiv.

Lire Aussi | La Green Team des Antilles-Guyane

Quels sont les principaux défis sociaux auxquels l’EPFG fait face ?

Il s’agit de répondre aux enjeux du vieillissement de la population en initiant le projet « Silver City » visant à favoriser la création, dans l’ensemble des bourgs de Guadeloupe, de programmes d’habitat destinés aux séniors autonomes. Aujourd’hui, l’agrément « office foncier solidaire » permettra d’offrir aux populations les plus défavorisées et celles situées en secteurs menacés, un logement digne et décent. Nous souhaitons également, accompagner les femmes fragilisées, en situation difficile, nécessitant des hébergements adaptés à travers le projet « Rose de porcelaine ». La mission première des élus constituant le conseil d’administration de l’EPF est de répondre au bien-être des populations.

Aux défis sociaux et économiques, s’ajoutent les défis environnementaux. D’ores et déjà nos programmes d’habitat inclusif prévoient notamment des couloirs écologiques afin de réduire la consommation de climatisation qui est un non-sens au plan environnemental. Nous avons aussi 3 projets majeurs dédiés : « Vert foncier » renature les délaissés urbains, « Régénérescence » concourt à la désartificialisation des sols par des opérations d’acquisition/renaturation dans les secteurs ruraux concernés, « Émergence » pour veiller à la sécurité des biens et des personnes dans les communes concernées par l’élévation du niveau de la mer.

Lire Aussi | IGUAVIE : une nouvelle étape pour l’élevage

De quels leviers disposez-vous pour protéger le foncier agricole ?

De manière indirecte, par l’acquisition et le portage de biens, le conseil et l’ingénierie foncière dédiés à des projets structurants pour le territoire, nous identifions les opportunités à l’intérieur des villes ; luttant ainsi contre l’étalement urbain. La régularisation foncière dans les communes rurales est également un enjeu majeur. Je suis aussi président de la chambre d’agriculture. J’ai à cœur de voir une Guadeloupe qui se nourrit de ses produits, issus de son terroir. Je souhaite que la Guadeloupe puisse retrouver son mieux vivre d’antan, des logements à taille humaine, où nous sommes entremêlés. Revenir à un habitat qui nous ressemble, ancré dans la modernité, dans un pays où nous aurons mis en place les infrastructures nécessaires au bien-être de ses habitants.

L’Établissement Public Foncier de Guadeloupe est un Établissement public industriel et commercial (EPIC) financé par la Taxe Spéciale d’Équipement (TSE). Il est administré par un conseil composé de 15 membres titulaires et 15 membres suppléants, tous élus locaux issus des assemblées délibératives des collectivités et intercommunalités membres. L’EPF est compétent pour réaliser toute action destinée à la constitution de réserves foncières. Il peut ainsi mettre à la disposition des aménageurs, promoteurs publics et aux collectivités, des terrains à coût maitrisé.