Et si des cours pour apprendre à entreprendre à l’école figuraient parmi les investissements les plus rentables de l’éducation nationale ? Tour d’horizon.

Texte Sarah Balay

Apprendre à entreprendre à l’école ?

« Ce que cherche le système éducatif, c’est amener l’élève à prendre des initiatives, des responsabilités, gagner en confiance et commencer à se projeter sur l’avenir. En un mot, devenir entrepreneur de sa vie. » Pour Max Nelson, conseiller technique du recteur, délégué académique à la formation professionnelle initiale et continue et président de l’association Entreprendre pour Apprendre, l’éducation à l’entrepreneuriat est une nécessité, du primaire à l’université.

Une raison pour laquelle la France multiplie, depuis plusieurs années, des actions en faveur de l’entrepreneuriat à l’école. En effet, selon le centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP), les étudiants qui bénéficient durant leur scolarité d’une action de sensibilisation à l’entrepreneuriat ont plus de probabilité de créer, plus tard, leur société : quatre à cinq fois plus que le reste de la population. Une aubaine au vu du contexte de crise économique et du fort taux de chômage chez les jeunes, notamment en Guadeloupe*.

Les interventions en milieu scolaire varient en termes de méthode et de contenus en fonction du niveau, mais le socle reste le même, à savoir « des pédagogies actives ou l’apprenant est au cœur de l’apprentissage ». Tous les profils sont concernés : les décrocheurs, les non-décrocheurs, les élèves issus des quartiers prioritaires, les jeunes accompagnés par la Mission locale ou scolarisés à l’École de la 2e chance. En Guadeloupe, plusieurs dizaines d’associations, voire d’institutions, œuvrent dans ce domaine en partenariat avec l’Éducation nationale.

Des événements extérieurs sont aussi proposés, notamment par l’association 100 000 entrepreneurs tels « Femme et entrepreneuriat » organisé au mois de mars ou l’opération « Le mois quartiers » destiné à rapprocher les jeunes des quartiers populaires et les entrepreneurs via des témoignages interactifs. L’objectif étant de leur apprendre à entreprendre.

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Apprendre à entreprendre

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« Des élèves transformés »

« Parmi les principales interventions en milieu scolaire, on retrouve des mises en contacts entre élèves et entrepreneurs (ou intrapreneurs) », poursuit Max Nelson. « Les professionnels partagent leurs expériences soit dans les classes, soit sur leur lieu de travail. Ils font part de leurs réussites, de leurs difficultés, mais surtout de leurs capacités à transcender l’échec pour aller vers la réussite. Une méthode très efficace qui aide les élèves à prendre conscience de leurs propres capacités ». Écouter des « personnes inspirantes » est aussi un excellent moyen d’ouvrir le champ des possibles. « Ces jeunes n’ont pas souvent de modèles à la maison », souligne Elise Alexis, animatrice 100 000 entrepreneurs en Guadeloupe. Nous jouons sur la force du modèle “qui donne envie” pour faire naître chez eux le “pourquoi pas moi ?” »

Pour apprendre à entreprendre, l’autre type d’intervention regroupe le principe de « mini-entreprises ». Les élèves simulent l’activité réelle d’une société en produisant un vrai service avec une visée pédagogique et non commerciale. « Après s’être confrontés à certaines réalités, les élèves sont souvent transformés. Ils mûrissent d’un seul coup », se félicite Max Nelson. Souvent très médiatisées, les opérations Entreprendre en lycée ou Entreprendre pour apprendre (au collège) remportent un fort succès chez les jeunes. Avec le programme Business Game School, l’association Odyssée, la Bred et le RSMA luttent, quant à eux, contre le décrochage scolaire via un programme basé sur la logique économique et la culture d’entreprise. Durant trois matinées, des élèves de la 4e à la terminale se glissent dans la peau d’un chef d’entreprise et se connectent au monde de l’entrepreneuriat. Une méthode infaillible pour « remobiliser et insuffler des vocations ».

Toutes ces actions d’acculturation de l’entrepreneuriat chez les jeunes vont se poursuivre et certainement accroître ces prochaines années. Un renforcement qui devrait être particulièrement visible en lycées professionnels dont la réforme prévoit, dès la rentrée prochaine, la possibilité de suivre, en option, des cours pour apprendre à entreprendre !

* En moyenne, entre 2015 et 2019, en Guadeloupe, 27 % des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) soit deux fois plus qu’en France métropolitaine.

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Entreprendre à l’école

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« On ne demande pas aux intervenants d’être “hyper positifs” »
L’association 100 000 entrepreneurs se charge, en amont, de recruter les professionnels, tous volontaires et bénévoles, pour intervenir devant les élèves. « Ils sont majoritairement entrepreneurs ou intrapreneurs (salariés responsables de projet) et ne sont pas choisis en fonction de leur métier », précise Elise Alexis, animatrice du réseau en Guadeloupe.
« Nous les accompagnons dans la préparation de leurs discours qui doit être adapté à l’âge des élèves et/ou à la matière enseignée. Par exemple, si des chefs d’entreprise s’adressent à des jeunes de 13 ans, cela peut être intéressant d’évoquer leur parcours à partir du même âge, ce qui facilite l’identification. S’ils interviennent en cours de français, ils peuvent insister sur l’importance de savoir rédiger pour faire ses démarches. » L’association insiste également sur la nécessité de « transparence » vis-à-vis des élèves. « Ces entrepreneurs ne sont pas là pour délivrer une image parfaite et idéalisée de leur univers et/ou de leurs parcours », poursuit Élise Alexis. « On ne leur demande pas d’être “hyper positifs”, mais simplement honnêtes sur la part de difficultés, voire de sacrifices, que l’entrepreneuriat peut souvent générer. Les élèves doivent prendre conscience que l’échec fait partie de l’apprentissage et que le travail et la persévérance sont inévitables ». Les intervenants sont aussi préparés à devoir répondre aux nombreux questionnements des élèves autour de l’argent. « C’est l’une des principales préoccupations des élèves », souligne Élise Alexis.
« Sur ce point, les entrepreneurs ont le choix : soit, ils répondent franchement en indiquant leur salaire, leurs charges, etc. Soit, ils passent outre et peuvent lancer le débat sur la valeur de l’argent. Être riche, c’est quoi ? Peut-on se considérer comme riche lorsque l’on exerce un métier que l’on aime ? ». Vaste question…