Avec son concours du prix de l’agro-innovation, le PARM décèle les nouveaux fleurons du tissu de l’agro-alimentaire martiniquais.

Texte Yva GelinPhoto Jean-Albert Coopmann

Pour sa troisième édition, au mois d’octobre, le concours de l’agro-innovation du PARM (Pôle agroressources et de recherche de Martinique) a distingué 5 lauréats. Un concours de prestige qui encourage et aide à la mise en valeur des initiatives locales dans le secteur de l’agro-alimentaire. Ils étaient tout d’abord 32 à déposer leur dossier d’inscription. 27 candidats éligibles répartis dans les quatre catégories  : Terroir, Nutrition et Santé, Plaisir et saveurs, Usages et praticité. Pour cette édition, une nouveauté, la création de la catégorie du prix des consommateurs.

Dans le cadre de ce concours, le caractère “innovant” d’un produit s’apprécie selon plusieurs critères : l’effort d’innovation et de différenciation, sa composition, son mode de fabrication, de conditionnement ou encore son mode de distribution… Autant de paramètres qu’il est possible d’actionner pour être récompensé par le PARM.

C’est d’abord un comité technique qui étudie les dossiers et jauge la recevabilité de chacun. Puis vient une seconde évaluation, menée cette fois par un jury de sélection présidé par le président du PARM et composé de représentants du monde économique, de l’innovation, de représentants de filières, d’un journaliste et d’autres membres du PARM. Évaluation, dégustations, débats et notations permettent d’établir la sélection finale de candidats. Le prix des consommateurs est, pour sa part, soumis à un vote ouvert au public sur une plateforme dédiée au concours. Le public a pu découvrir chaque innovation soumise et voter pour son produit préféré. 14 648 votes ont été enregistrés.

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Bilan d’une troisième édition

Pour les 5 lauréats sélectionnés cette année et révélés lors de la cérémonie de remise des prix, dans les jardins de l’habitation Belfort le jeudi 12 octobre, plusieurs récompenses ont été attribuées. Un trophée réalisé par un artiste local, le droit d’utiliser sur les produits primés la marque « prix de l’agro-innovation du PARM – Édition 2023 », une aide à la commercialisation (notamment en grandes et moyennes surfaces offerte par le Syndicat des grossistes et grossistes alimentaires), une couverture médiatique, ainsi qu’une prestation du PARM en fonction des besoins de développement de l’entreprise à hauteur de 3 000 euros. Sont également comprises des prestations d’accompagnement visant à renforcer la structuration des entreprises lauréates offertes par les partenaires associés : la Chambre de commerce et de l’industrie (CCIM), la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA), la Chambre d’agriculture, le cluster INOVAGRO et Martinique Développement.

Cette année, parmi toutes les candidatures, les activités les plus représentées étaient celles de la transformation de fruits et légumes (37 % des candidats) et de l’épicerie sucrée (22 %). À 83 %, les entreprises présentées étaient des structures de moins de 10 salariés et 89 % des activités relevaient d’une production artisanale. À l’issue des présentations de chaque lauréat récompensé, on retiendra que derrière chaque produit innovant sélectionné, se trouve une démarche globale qui œuvre au développement et à la mise en valeur des richesses de la Martinique. Entreprendre dans l’agroalimentaire en Martinique en 2023 n’est sans doute pas qu’un simple business, ni le PARM un outil de développement tout à fait comme les autres.

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Papy pâtes fait du 100 % naturel une réalité

Lauréat de la catégorie Nutrition et Santé, l’entreprise Papy pâtes propose des pâtes 100 % naturelles confectionnées à base de banane et de dachine.

Papy pâtes

Marc-Alik Paulmin et son frère Jérémy avaient entre 15 et 16 ans lorsqu’ils observaient leur père se démener dans la création de pâtes avec des légumes locaux. « C’était vraiment de l’expérimentation qui commençait par la fabrication de sa propre farine, tout en testant avec plusieurs légumes. Dans sa tête, il se disait qu’on ne faisait pas suffisamment de choses avec nos légumes. » Est venu par la suite ce jour où, les deux frères qui étaient alors dans le bâtiment et dans l’informatique, ont eux aussi eu envie d’essayer.

Un travail intensif

Sous la maison, les deux frères ont mis en place un laboratoire dans lequel ils font leurs expérimentations. Les pâtes, comme le précise Marc-Alik, sont « un aliment universel », consommé dans le monde entier et au sein de nombreuses cultures. Un aliment banal et facile à cuisiner qui n’est pourtant pas si simple que ça à créer. « Faire des pâtes avec des légumes, ça ne marche pas comme ça », poursuit Marc-Alik. « Au préalable, il y a un véritable travail du légume ». C’est une maîtrise qui commence depuis le champ avec, par exemple, le bon moment pour la récolte et ensuite obtenir la consistance de farine voulue. Le tout agrémenté d’une contrainte de taille, celle de ne pas utiliser de composé chimique. « Nous étions vraiment acharnés dans nos recherches. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas. On était souvent démoralisés mais au fond de nous, on savait que notre travail allait porter ses fruits. À un moment, on a même cru que ça ne fonctionnait pas… Et puis nous avons fini par trouver le process pour des pâtes 100 % naturelles. En tout, ça a été un an et demi de travail intensif. »

Marc-Alik Paulmin, créateur de Papy pâtes

La perfection sinon presque

« C’était sûr qu’on faisait de l’innovation. On était presque obligé de se présenter au concours du PARM. Au début, on y est allé sans vraiment avoir un objectif et puis, plus le temps passait, plus le stress montait. Mais en parallèle, nous sommes toujours restés concentrés sur l’amélioration de notre produit. » Encouragé par l’obtention du prix du PARM, Marc-Alik insiste sur le perfectionnement constant du produit. La banane et la dachine ont pour l’instant été les aliments les plus concluants en termes de goût et de consistance. Le duo se concentre donc sur l’amélioration de cette base. Changement de forme, amélioration du temps de cuisson… mais aussi le perfectionnement d’un visuel qui se démarque, avec le souci de proposer un « beau produit ». « Nous voulons un produit parfait. Bon, peut-être pas… mais pas loin de la perfection en tout cas. »

MTC Vitality « J’ai failli passer à côté »

L’entreprise MTC Vitality a présenté au PARM son bâtonnet glacé à base de canne à sucre, Vitality Pop, et est lauréate dans la catégorie Innovation Terroir.

MTC Vitality

Morgan Chemir, fondatrice de MTC Vitality a en effet failli passer à côté de son titre de lauréate. « Je n’étais pas sûre de moi. Je n’aime pas les concours, passer à la télévision m’intimide beaucoup et puis je suis seule aussi dans l’entreprise. ». C’est la veille de la clôture des inscriptions que Morgan Chemir saute pourtant le pas en surmontant sa peur et envoie son dossier. « Une fois que le concours a vraiment démarré, tout s’est enchaîné. Les photos, les vidéos… Tout s’est concentré dans le même laps de temps. Je suis très contente de faire partie des lauréats. Mais jusqu’à aujourd’hui, je n’ai toujours pas regardé la vidéo de présentation ! »

« Pour ma mère »

Au-delà de la peur éprouvée, une force pour Morgan était sa mère qui est la raison qui fait que tout a commencé. Morgan Chemik, apprend en 2017 que sa mère est diabétique et débute avec la confection de jus nature détox sans sucre pour sa mère. C’est en 2019 que lui vient l’idée des glaces et plus particulièrement des bâtonnets. Commerciale pendant 7 ans, la jeune femme a cependant toujours eu envie de se lancer à son compte. Ce qu’elle fait entièrement en 2021. « Les glaces se basent sur la même qualité que les jus et ont fait l’objet d’une phase de tests, à la recherche de la bonne texture et du dosage suffisant en sucre de canne. Une phase de recherche qui aura duré environ 6 mois. » Aujourd’hui, la fondatrice de MTC Vitality a élaboré plus d’une quarantaine de recettes, avec des saveurs originales telles que “citron piment”.

Morgan Chemir, créatrice de MTC Vitality

Une question de santé

« J’ai fait le constat que ma mère n’était pas la seule à avoir le diabète. Paradoxalement, beaucoup de produits sucrés sont consommés en Martinique. » Aujourd’hui, Morgan confectionne son produit non seulement pour que les personnes atteintes de diabète comme sa mère aient le choix d’un dessert local et qui a du goût, mais également pour que les plus jeunes générations s’habituent à des produits naturels et locaux. Enfin, le choix du bâtonnet répond à une volonté d’offrir un sorbet sous une forme qui est aujourd’hui peu présentée en Martinique. « Ça change. Les enfants y adhèrent bien et le retour est positif. »

Anticiper sainement son repas avec Chefti

Grégory Régy est lauréat du prix Usages et Praticité avec son entreprise Chefti qui livre à domicile des plats fait maison et conservés sous vide. Le plat présenté au concours était un steak de thon frit à la farine de manioc accompagné d’une mousseline de patate douce au lait de coco et d’haricots verts.

Chefti

Tout a commencé pendant la période du Covid. Une idée qui, sans le savoir, correspondait à la période du moment. Des plats sains et équilibrés, cuisinés en majorité avec des produits locaux, livrés à domicile et pouvant être conservés jusqu’à 7 jours. L’idée de son entreprise vient à Grégory Régy alors qu’il est étudiant en France. « J’ai pris du poids et je voulais en perdre sans pour autant avoir à cuisiner tous les jours. » C’est à cette période que Grégory découvre le concept de batchcooking, qui consiste à préparer à l’avance ses repas pour la semaine.

Batchcooking en livraison

Une fois rentré en Martinique en 2019, le jeune entrepreneur met son projet à exécution et crée son entreprise en janvier 2020. Pour garder une qualité culinaire constante dans ses plats, Grégory travaille dès le départ avec un cuisinier. « C’est un métier et de plus, il fallait que j’assure la partie livraison. » Avec du recul, Grégory fait partie de ces personnes qui peuvent dire que le Covid les a « aidé » dans un certain sens. « Beaucoup de personnes étaient réticentes à aller faire des courses. On proposait de livrer entre 4 et 14 repas par personne. Le concept a beaucoup plu. Pourtant, j’ai longuement hésité quand le covid est arrivé, me demandant si c’était le meilleur moment pour me lancer. Et puis j’ai réalisé que j’étais encore jeune et donc qu’il valait mieux commencer tout de suite. Et puis les charges commençaient aussi à courir. » (rires)

Grégory Régy, créateur de Chefti

Un appel

« C’est compliqué pour une petite entreprise comme la mienne de se lancer dans un tel concours. L’élaboration du dossier d’inscription est très chronophage et trouver du temps pour le monter en même temps que doit tourner l’entreprise n’est pas évident. » Grégory, pour être boosté, a été appelé par un partenaire qui l’a soutenu et encouragé à finaliser son inscription. « Nous avons aujourd’hui des centaines de recettes et le plus compliqué a été de trouver laquelle présenter. » Pour la suite, le jeune entrepreneur souhaite développer un partenariat avec des grandes et moyennes surfaces et augmenter le volume de ses ventes. « Je voudrais aussi développer les partenariats avec les mutuelles et dans l’idéal ouvrir un point de vente où chacun pourrait venir récupérer et composer sa propre box. »

Innover en famille, la recette d’Héritage des îles

Dans la catégorie Plaisir et Saveurs, l’entreprise lauréate est Héritage des îles avec sa coquille d’agrume.

Héritage des îles

À l’intérieur d’un coffret en Mahogany… Une boule de thé faite en coquille d’agrume, tenue par un fil alimentaire relié à son autre extrémité à un bâtonnet de bambou. À l’intérieur de cette coquille deux ingrédients uniques, dont le goût est sublimé par cette même coquille… L’idée est ramenée par Jean-Marc à la suite d’un voyage en Chine. Derrière cette innovation, cette boule à thé novatrice symbolise une volonté particulière : celle de libéraliser l’usage de la tisane. « On aimerait que les gens ne voient pas que le côté médical avec les tisanes. Qu’ils y voient également une boisson bien-être qui peut faire l’objet d’un rituel quotidien au même titre que le café. »

Chacun son rôle

« Héritage des îles » est une histoire de famille dont l’aventure débute lors du Covid. La mère, Suzie, accompagnée de son second fils Pierre-Charles, allait vendre au marché des tisanes de plantes médicinales locales. Dans la maison familiale, un jardin se crée et un concept s’affine : “trois plantes et un fruit”, telle est la base de la boule de thé agrume de l’entreprise familiale. Maïmiti, la compagne de Jean-Marc, est chargée de la composition des tisanes que chaque membre de la famille goûte. « L’atelier a été aménagé derrière la maison. Le travail en famille est très agréable, car nous sommes très solidaires. Nous avons chacun gardé nos activités respectives et Héritage des îles est devenu notre bébé », décrit Jean-Marc. Et le portrait de Suzie est devenu le logo de la marque.

Maïmiti,, co-fondatrice de Héritage des îles

En douceur

Héritage des îles, lors de son inscription pour le concours travaillait déjà avec le PARM sur la base des premiers produits créés. « Une fois que nous avons montré la coquille d’agrume que nous n’avions pas encore présentée, nous avons tout de suite été encouragés à déposer notre dossier. Le produit a beaucoup plu car ce sont vraiment des choses de chez nous. » L’objectif pour cette entreprise familiale est aujourd’hui de s’agrandir. Agrandir l’atelier mais également agrandir la zone géographique de distribution des produits. Cependant, comme le précise Maïmiti, « tout sera fait en douceur. Afin de ne pas se brûler les ailes ».

La Mofwazerie : un fruit, des produits

Avec 1 573 votes enregistrés, l’entreprise La Mofwazerie remporte le prix des consommateurs avec Lajle exra marakuja gwo ten.

La Mofwazerie

Derrière Lajlé extra marakuja gwo ten (la gelée maracuja gros thym) de la Mofwazerie, se cache bien plus qu’une simple confiture associant deux saveurs du terroir local. Tout d’abord, La Mofwazerie est un terme de l’ancien créole qui désigne la capacité mystique d’une personne à se transformer et à changer d’apparence. « Nous avons choisi un mot qui n’est pratiquement plus utilisé aujourd’hui pour refléter cette idée que nos fruits peuvent également se transformer », explique Noémie, co-fondatrice avec Laureen de la marque. L’idée est venue lors d’une visite d’un terrain agricole et du constat que beaucoup de fruits locaux ne se vendent pas. Les deux femmes ont décidé de s’investir dans une démarche qui d’abord met en valeur les fruits locaux mais aussi et surtout cherche « à ne pas gâcher les fruits en les utilisant entièrement ».

Démarche anti-gaspi

« Nous espérons que notre démarche poussera les agriculteurs à recommencer à produire les fruits oubliés comme la pomme d’eau, aujourd’hui peu consommés comme la merise, le chadèque, le tamarin, ou encore la pomme liane. » Pour ces deux femmes, pour qui l’innovation est là partout où une nouvelle valeur ajoutée est apportée, le défi est maintenant de mettre en place un atelier de transformation où des produits qui réutilisent chaque partie d’un fruit peuvent être confectionnés. « C’est une démarche anti-gaspi. Par exemple, avec le maracuja, nous voulons réutiliser la peau en fruit confit, le jus pour en faire de la gelée et la pulpe pour préparer du sel qui serait mélangé avec du curcuma. »

Noémie, co-fondatrice de La Mofwazerie

Reconnaissantes

Au départ hésitantes à participer au concours, les deux femmes se laissent finalement séduire par l’idée avec la motivation de faire connaître leur marque et leurs produits. « On voyait bien que nos produits plaisaient mais on ne pensait pas vraiment faire partie des lauréats. Aujourd’hui, nous éprouvons surtout beaucoup de gratitude car beaucoup ont voté pour nous sans même avoir gouté notre produit », conclut Noémie. 

Le PARM
N°375 Impasse Petit-Morne
97232 Le Lamentin
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