L’association Atoumo Culture et Cohésion crée du lien social au travers d’activités artistiques et éducatives autour de la parole. Poésie, slam, conte, lecture théâtralisée… L’oralité dans sa diversité culturelle est mise en valeur pour le plaisir d’un public de tout âge.

Texte Adeline Louault

Nous nous laissons la liberté de faire ce que l’on veut, sans limite, avec le simple souhait de donner la parole à nos rêves.

Nathalie Léonard, fondatrice et directrice d’Atoumo

La genèse de l’association Atoumo

C’est en hommage à son grand-oncle, surnommé Atoumo, que Nathalie Léonard a créé son association en 2020. « Passionné par les contes, il en a dit jusqu’à sa mort », se souvient la fondatrice et directrice. « Plus jeune, il assistait à toutes les veillées funèbres d’un conteur qu’il adorait, simplement pour le plaisir de l’écouter. »

Aujourd’hui, l’équipe d’Atoumo Prod s’efforce de perpétuer la tradition orale qui, autrefois très populaire aux Antilles et en Guyane, tend à disparaître. Les créations proposées ont pour originalité de mélanger les arts : musique, danse, théâtre, chant, lecture à voix haute. Si le français et le créole prédominent, toutes les langues sont les bienvenues. « Nous nous laissons la liberté de faire ce que l’on veut, sans limite, avec le simple souhait de donner la parole à nos rêves. »

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Les mots pour le dire

Histoire, maladie, sentiments… Les thèmes les plus divers sont abordés, l’essentiel étant « qu’ils parlent à tous », qu’ils réveillent les consciences mais aussi l’amour des mots. Faire naître des vocations, liées à l’expression écrite et orale, est aussi l’un des enjeux d’Atoumo.

Un ambitieux projet théâtral, intitulé Volcan, est en cours de création par des artistes guyanais et martiniquais. « Martiniquaise d’origine, mon souhait est d’ériger des ponts artistiques et culturels entre les territoires, c’est dans ce but que nous organisons régulièrement des résidences d’artistes, afin de conjuguer les talents », précise Nathalie Léonard. Protéiforme, la pièce portera sur l’arrivée des sinistrés martiniquais – environ 80 familles – en Guyane après l’éruption de la montagne Pelée en 1902.

Une lecture théâtralisée de l’ouvrage de Jeanne Azor, Ils me croyaient fragile, est proposée depuis le début de cette année dans les bibliothèques et les établissements de santé de Guyane. « Atteinte de drépanocytose, l’auteure raconte comment elle réussit à mener sa vie malgré la maladie. » Deux lectrices, une violoniste et deux tambouyés font vivre le texte à travers la mise en espace de Sandra Ho-Choung-Ten, enseignante en lettres et poétesse guyanaise.

Enfin, le projet Textoy à voix basse, mené par l’artiste martiniquaise Simone Lagrand accompagnée d’un bassiste guyanais, verra le jour en mai. La poésie créole érotique y sera mise à l’honneur à travers un spectacle et des ateliers d’écriture et de lecture.

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Lecture théâtralisée en médiathèque – Credit Photo Christian Fidole

La nuit des pupitres avec Atoumo

Parmi les autres événements proposés par Atoumo, la Nuit des pupitres, inaugurée en août 2023 et orchestrée par l’auteure guyanaise Emmelyne Octavie, reviendra en 2024. Il s’agit d’une tournée itinérante dans les communes de Guyane.

« Nous proposons des stages de lecture à voix haute d’œuvres antillo-guyanaises mais aussi d’ailleurs. » Les participants travaillent la diction, le respect de la ponctuation, le positionnement du corps… Pour la première édition, une centaine de stagiaires, enfants, adultes et personnes âgées, ont répondu présents. « Cela permet aux plus jeunes de se remettre dans le bain de la lecture à la veille de la rentrée scolaire. Quant aux séniors, ils sont ravis car cela les stimule. » Le spectacle de clôture, réunissant 12 lecteurs « coup de cœur », a lieu à l’Encre, à Cayenne. « Outre la Direction culture jeunesse et sports, la CTG et le Conservatoire, des entreprises privées comme la Sara ou Sud Motors, nous aident à mettre en œuvre nos projets. Ce n’est pas évident de trouver des financements », note Nathalie Léonard qui a d’ailleurs suivi, en 2023, une formation sur la production de spectacles au Centre national de la musique à Paris.

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Faire sortir les poètes de l’ombre

Au fil des événements, la communauté d’Atoumo s’étoffe. Depuis plusieurs mois, une scène ouverte est accessible à tous au restaurant Le Kitchen, à Cayenne. « Il s’agit d’un diner-spectacle animé par des musiciens et un artiste qui intervient en fil rouge. Ce format offre la possibilité aux poètes de l’ombre – et ils sont nombreux – de s’exprimer ! »

Contactée par la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’association réfléchit également à des projets de création autour des mémoires de Guyane, avec une vingtaine de mineurs en insertion, à Cayenne et Kourou.
« Nous fonctionnons à l’instinct et aux circonstances », confie Nathalie Léonard. « Tout ce qui peut, dans l’art oratoire et la communication, redonner confiance et ambition aux personnes isolées, timides ou en difficulté, nous intéresse. »

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La nuit des pupitres – Crédit Photo Ronan Liétar