Réponses courtes et précises des jeunes chercheurs doctorants de l’Université des Antilles-Guyane.

Texte Floriane Jean-Gilles et Sarah Balay 

La recherche se construit ici en lien avec les besoins des territoires et pas seulement de manière descendante en lien avec les enjeux nationaux.

Jean-Raphaël Gros-Désormeaux, chercheur, représentant du CNRS, directeur de l’UMR PHEEAC 

À l’occasion de l’entrée récente de l’Université des Antilles au classement de Shanghaï, lequel distingue chaque année les meilleures structures d’enseignement et de recherche et saluait ici les travaux menés sur les questions environnementales, nous nous sommes intéressés à la production de thèses à l’Université des Antilles. Techniques, précises et difficiles à résumer par définition, les intitulés de thèses sortent rarement du giron universitaire et familial (fierté oblige). Nous avons demandé aux doctorants ayant soutenu leur thèse entre 2019 et 2022 de vulgariser leur travaux et d’évoquer leur carrière professionnelle. De manière à mettre un visage et des mots sur une génération de chercheurs inconnue du grand public.

Lire Aussi | Isabelle Hidair-Krivsky : portrait de chercheur

Marckens Francoeur, doctorant : Dépolluer l’eau grâce aux sargasses

doctorant
Marckens Francoeur, doctorant

Quel est l’intitulé de votre thèse ? Optimisation des conditions d’élaboration de charbon actif à partir de biomasse (Sargassum sp. et Galaba Calophilum L.) pour l’adsorption et la dégradation de polluants émergents. 

Où et quand l’avez-vous soutenue ? En mai 2022 sur le pôle Guadeloupe de l’université des Antilles (UA).

Ce qui veut dire ? Il s’agit de trouver le procédé qui permet de transformer la sargasse et la coque de galba en charbon actif, efficace pour la dépollution. 

À quoi cela pourrait-il servir ? Ces charbons actifs pourraient œuvrer à l’élimination de certains polluants que l’on trouve dans l’eau (antibiotiques, caféine, pénicilline, etc.) afin de la traiter et la purifier avant consommation et utilisation. Ces procédés sont encore à l’étude à l’UA surtout pour l’élimination de l’arsenic pouvant être présent dans la sargasse selon les périodes d’échouement. Il n’y a donc, pour le moment, pas d’application concrète à grande échelle. 

Que faites-vous aujourd’hui ? Suite à ma soutenance j’ai fait un post-doctorat sur le pôle Guadeloupe de l’UA. J’ai poursuivi mes recherches sur la sargasse et la dégradation par électrochimie de polluants. Depuis six mois, je suis de retour chez moi en Haïti où j’exerce à l’université publique du sud est à Jacmel (UPSEJ) en tant que vice-recteur aux affaires académiques et professeur de méthodologie à la recherche (faculté des sciences agronomiques). Je reste toutefois en contact avec mes directeurs de thèse et je vais prochainement encadrer, à distance, des étudiants en master de chimie basés sur le pôle Guadeloupe de l’UA. Même si le contexte est particulièrement difficile en Haïti, je compte y rester. Pour mes étudiants, pour le pays. J’aimerais que mes recherches et mes connaissances puissent œuvrer à l’amélioration de la situation. 

Guarry Montrose, doctorant : Doper l’efficacité énergétique des bâtiments

doctorant
Guarry Montrose, doctorant

Quel est l’intitulé de votre thèse ? « Maîtrise de l’énergie dans les bâtiments en climat tropical humide : étude des matériaux biosourcés d’origine végétale pour l’efficacité énergétique et le confort thermique. »

Où et quand l’avez-vous soutenue ? En décembre 2021, en Guadeloupe.

Si vous deviez résumer vos travaux en une phrase ? J’ai analysé la performance des matériaux biosourcés comme isolants de la toiture et des murs. 

Quelles sont les applications concrètes de votre étude ? L’idée est de rendre l’habitat plus confortable en limitant la transmission de chaleur, tout en réduisant l’impact du bâti sur l’environnement. Dans les bâtiments en rénovation, par exemple, utiliser des matériaux biosourcés dans la toiture et les murs pour l’isolation entraîne une réduction de 46 % d’énergie de climatisation et réduit les émissions de CO2 lié à la consommation d’énergie de 37 %. Les simulations ont été effectuées avec différents types de matériaux d’origine végétale : feuilles de banane, feuilles de latanier, fibres de vétiver, fibres de palmistes, sargasses, feuilles de cocotier, sciure de bois et feuilles de canne à sucre. Utilisés comme isolants, ces matériaux présentent à peu près les mêmes caractéristiques.

Que faites-vous aujourd’hui ? Je suis professeur de physique-chimie, dans un collège, en Guyane, c’est un peu éloigné de mes travaux en thèse, mais je reste soudé à la recherche. Je travaille à la fabrication d’un prototype de panneaux de construction fait à partir de fibres végétales et de déchets plastiques compressés. L’utilisation de matière plastique en renfort permet de pallier le vieillissement des matériaux biosourcés. Le projet est écrit, je cherche maintenant des financements. Je suis resté en contact avec Ted Soubdhan, qui a été l’un de mes directeurs de thèse, ses conseils sont toujours précieux.  

Lire Aussi | Silvina Gonzalez-Rizzo : portrait de chercheur