La Guadeloupe a un nouveau défi à relever : celui de la relance de son économie mise à l’arrêt après deux mois de confinement. Pour y parvenir, le président de Région, Ary Chalus, déploie des moyens et des mesures d’urgence exceptionnels. Le président de la Collectivité en appelle aussi à la solidarité afin que l’archipel sorte vainqueur de cette épreuve collective. 

La Guadeloupe est en proie à des difficultés de distribution d’eau et d’assainissement depuis plusieurs années. Bien que ce ne soit pas la compétence de la Région, la Collectivité prend toute sa part pour régler ce dossier épineux… 

Ary Chalus : La Région a mis en œuvre un plan d’urgence de 72,4 millions d’euros avec le Département et les collectivités locales, et avec le soutien de l’Etat pour accompagner financièrement les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) dans la gestion de cette crise de l’eau.

Ce Plan d’Actions Prioritaires (PAP) comprend 38 opérations. Les 14 opérations, pour lesquelles la Collectivité est maître d’ouvrage, doivent contribuer au retour d’un service public d’eau potable de qualité pour tout le territoire et mettre fin aux tours d’eau. 

« La Région a fait le choix de prendre en charge les opérations majeures, ce qui représente un investissement total de 36,4 millions d’euros. »

Par ailleurs dans le cadre du plan Eau-Dom lancé le 30 mai 2016, la Région accompagne les collectivités dans l’amélioration du service rendu à leurs usagers en matière d’eau potable et d’assainissement notamment en renforçant leurs capacités administratives, techniques et financières.

Nous avons conduit la première opération exclusivement dédiée à la détection et la réparation de fuites sur les réseaux d’alimentation en eau de Guadeloupe. Ainsi sur la période 2019-2020, c’est 1,35 million d’euros qui a été engagé sur ce programme cofinancé à hauteur de 900 000 euros par l’Etat.

Cette opération sera renouvelée sur la période 2020-2021 pour un montant équivalent. L’étude « Prédiagnostic » réalisée par la Région a permis de localiser et prioriser les zones sur lesquelles intervenir pour mener le plan de lutte contre les fuites. Il s’agit d’une étude pionnière sur laquelle l’Etat s’appuie dans ses opérations pour rechercher et réparer les fuites. 

La Collectivité s’est aussi investie en mars 2017 sur deux appels à projets auprès de gestionnaires d’eau visant à renouveler les compteurs de leurs clients et lutter contre les fuites après compteurs ; il s’agit de l’eau non consommée mais payée.

Cette opération permet le renouvellement de 22 110 compteurs soit 14% du parc des territoires d’un cofinancement de la collectivité régionale à hauteur d’1 million d’euros

Quelles sont les autres actions de la Région dans le domaine de l’eau ? 

En tant que président de Région j’ai le souci, avec mon équipe régionale, de préserver la ressource en eau du territoire et d’apporter une solution aux particuliers notamment pour la récupération d’eau de pluie.

Nous avons souhaité faire évoluer et étendre le dispositif d’aides aux Systèmes de Récupération d’Eau de Pluie (SREP) qui datait de 2008. Il fallait l’adapter aux besoins actuels des Guadeloupéens en matière de sécurisation de l’alimentation en eau de leur foyer.

L’enveloppe annuelle allouée initialement était d’1 million d’euros, elle a été portée depuis 2019 à 1,4 million d’euros. Ce montant permet en moyenne d’accompagner 550 foyers par an.  

Certains usagers estiment que les résultats de vos actions tardent à arriver ou ne sont pas assez rapides, que leur répondez-vous ? 

Pour s’insérer efficacement dans le Plan d’Actions Prioritaires dans lequel la Région n’a pas de compétence évidente mais porte tout de même 14 opérations en maîtrise d’ouvrage et y investit plus de 36 millions d’euros qui vont permettre de rénover 54km de réseau et de doter la Guadeloupe de nouveaux ouvrages structurants, de réhabiliter des surpresseurs et de sécuriser des captages en rivière, il a fallu créer un service dédié à l’eau et lever un certain nombre de freins et de difficultés. 

Il a fallu définir précisément le cadre d’intervention de la Collectivité régionale et l’inscrire dans celui de l’intérêt régional direct.

Ensuite nous avons dû opérer dans un contexte de méconnaissance des réseaux. En effet les éléments techniques récupérés étaient bien souvent inexploitables, la phase de diagnostic préalable aux lancements des travaux a dû être particulièrement poussée et donc plus longue.

Puis il a fallu permettre les transferts de maîtrise d’ouvrage entre les opérateurs historiques et la Région pour que cette dernière puisse agir. La réglementation en matière de commande publique impose des procédures longues et rigoureuses en raison des montants engagés.

Enfin la crise du Covid-19 a engendré au mois de mars 2020 l’arrêt de tous les chantiers pour des questions de sécurité sanitaire des personnes. Pour permettre la reprise des travaux, la Région a réalisé et réalise encore un travail considérable afin d’intégrer les dispositions du Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction Covid-19. 

Précisément comment la Région a-t-elle accompagné les Guadeloupéens pendant la crise sanitaire ?   

Face à la brutalité et à la violence de cette crise sanitaire, la Région Guadeloupe a pris des mesures exceptionnelles pour rassurer et surtout protéger la population. Les maitres-mots ont été : réactivité et solidarité.

« L’équipe régionale a occupé le terrain au plus près de la population, notamment les personnes les plus vulnérables. »

Nous sommes venus en aide aux familles les plus précaires en leur offrant 6 000 paniers péyi constitués de produits de première nécessité.

L’exécutif régional a aussi entendu les cris d’alarme des soignants et y a répondu en distribuant des matériels de protection dont des blouses, des flacons de gel hydroalcoolique, des masques et des gants, 500 repas ont aussi été distribués aux soignants. Ce sont en tout plus de 500 000 masques qui ont été commandés et distribués par la Région aux plus exposés d’entre nous et à toutes les communes de la Guadeloupe. 

Pour certaines familles, les problèmes d’eau déjà existants et l’arrivée des sargasses sont venus compliquer la gestion de la crise du Covid…

Certaines familles ont en effet eu à subir les problèmes d’alimentation en eau et les nuisances provoquées par les sargasses. Et là encore la Région s’est montrée solidaire et responsable. Face à l’urgence, nous avons distribué des packs d’eau aux familles.

Sachez que les travaux de réhabilitation du réseau d’eau n’ont pas été interrompus pour permettre aux familles d’être alimentées en eau pendant cette période. En ce qui concerne les sargasses, la Région continue d’accompagner les communes pour l’achat de matériels destinés au nettoyage des plages, nous avons aussi mandaté des entreprises de nettoyage. 

Quelles aides sont apportées aux entreprises au sein du Plan régional économique d’urgence et du Plan de Relance ? 

La Région a montré sa solidarité vis-à-vis de la population guadeloupéenne en même temps qu’elle a été très active auprès des entreprises. Prenons l’exemple des melonniers pour lesquels nous avons affrété un avion pour l’exportation des melons dans l’Hexagone, ce qui représente environ 400 000 euros pour l’ensemble de ces vols.

En tout, ce sont 600 000 euros qui ont été votés en commission permanente pour soutenir la pêche et l’agriculture et plus de 360 000 euros pour les artisans-taxis. 

Ces mesures exceptionnelles ont été mobilisés au sein du Plan régional économique d’urgence et du Plan de relance.

« Le Plan Régional de 5 millions d’euros est une aide pour les entreprises qui ont vu leur activité baisser ou s’arrêter. »

La Région a aussi alerté l’Etat sur la situation des petites entreprises qui ne peuvent plus justifier de leurs charges sociales et fiscales et qui comptent moins d’un salarié. Nous avons ainsi obtenu du gouvernement que ces entreprises émargent au volet 2 du Fonds National de Solidarité afin qu’elles soient éligibles à l’aide financière de 1 500 euros. 

En ce qui concerne les recettes perdues liées à l’octroi de mer, nous avons demandé à l’Etat de garantir aux collectivités les mêmes niveaux de recettes qu’en 2019.

Ainsi ce sont 110 milllions d’euros qui ont été votés pour les communes de l’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte et La Réunion), 2,7 milliards seront alloués aux Départements. Ces sommes permettront à la Collectivité de continuer à soutenir les entreprises. 

Le secteur du tourisme sort sinistré du confinement. Que peut faire la Région pour ce secteur vital de l’économie guadeloupéenne ? Les aides aux entreprises seront-elles suffisantes à relancer l’économie du territoire ? 

« Nous avons accéléré le paiement de toutes les factures que nous avions en instance. »

À ce jour, c’est plus de 130 millions de factures qui ont été payées, le délai de paiement des factures est aujourd’hui de 32 jours.

Nous avons pris une délibération pour accorder dans l’immédiat une aide de 80 %, alors qu’elle était auparavant de 40%, aux associations et entreprises.

Enfin nous avons aussi accéléré les bons de commande aux entreprises afin de leur donner du travail. Je suis convaincu que c’est en étant solidaires, en travaillant ensemble au seul bénéfice de la Guadeloupe que nous sortirons plus forts de cette épreuve, sé ansanm nou ké rivé

La Région Guadeloupe a organisé le retour d’étudiants guadeloupéens bloqués au Canada, était-ce une nécessité ?  

Nous ne pouvions pas rester insensibles et inactifs face à la situation de ces étudiants. L’Etat n’ayant rien fait, il nous revenait de prendre nos responsabilités en affrétant un avion d’Air Caraïbes pour permettre à ces étudiants de rentrer dans leur famille.

Cette opération qui s’est faite avec la participation financière de la Collectivité Territoriale de la Martinique, a coûté 120 000 euros. Dès lors qu’il est question de l’intérêt des Guadeloupéens mon cabinet est toujours mobilisé.