« L’octroi de mer doit être maintenu ». Pourquoi et comment ?

EWAG

Dans son rapport, la FERDI (Fondation pour les études et recherches sur le développement international) préconise la suppression de l’octroi de mer. Or l’octroi de mer doit être maintenu. Texte Teddy Bernadotte.

Une démarche totalement téléguidée ? Il y a de quoi s’interroger. Alors que l’octroi de mer doit être révisé d’ici la fin de l’année, le ministre de l’Économie et des finances n’a pas trouvé mieux que de commander une étude à un « think-tank » supposé indépendant.

Un rapport dont le but est évident : sceller définitivement le sort de cette vilaine taxe. Cet organisme rattaché à l’université de Clermont-Ferrand, a choisi, comme dans la chanson de Léo Ferré, M. Williams, d’aller flâner, devant lui, dans le noir au hasard.

D’entrée, le ton est donné. « Nous ne connaissions pas l’octroi de mer », disent les auteurs du rapport Ferdi. C’est que la réflexion, commandée par le ministère de l’économie et des finances est un travail de techniciens, précisent-ils.

Avant d’ajouter, toujours à propos de l’octroi de mer que « ce n’est ni un droit de douane, ni une taxe intérieure. C’est du n’importe quoi ». Et comme l’argument d’autorité est toujours destiné à faire mouche, les rapporteurs se drapent dans leur habit d’expert du Fonds monétaire international (FMI).

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Une charge des plus violentes contre l’octroi de mer

Comme on peut le constater les émeutes de la faim à cause de la politique du FMI n’ont pas rendu ces experts plus modestes. Loin de là.

Ces messieurs écrivent ainsi que « l’octroi de mer est la plus mauvaise taxe que l’on peut voir dans tous les systèmes, dans les pays en voie de développement ». Et les mêmes auteurs dans une conclusion péremptoire, de proposer la suppression purement et simplement de ce système pour le remplacer par la TVA.

Je passe sur le fait que les incendiaires du FMI qui ont montré l’inanité de leurs analyses, écrivent ceci s’agissant de l’octroi de mer. « Cette vieille taxe perçue depuis 1670 est encadrée par la décision du Conseil de l’UE n°940/2014 du 17 décembre 2014, modifiée par la décision n° 2019 du 15 avril 2019 ».

Les données véridiques 

Mais en réalité, que disent, les textes ?

  • L’octroi de mer constitue un instrument fiscal qui relève de la compétence du Conseil régional.
  • C’est également un outil de contribution au budget des collectivités locales. Le montant réparti entre les communes s’opère sous forme globale garantie prévue par l’article 47 de la loi sur l’octroi de mer. Cette clé de répartition donne 42,5% en moyenne au budget des communes (2017).

Sans vouloir vous assommer de chiffres. En 2016, 174 millions d’euros sont allés aux communes. 178 millions en 2017. 180 millions de 2018. Le Conseil régional a perçu un peu plus de 73 millions en 2016, plus de 75 millions en 2017 et 80 millions en 2018.

En moyenne annuelle sur les trois dernières années ce ne sont pas moins de 25 millions d’euros d’exonération d’octroi de mer qui ont été accordées à nombre de secteurs d’activité.

Cela concerne essentiellement les importations de matières premières et de bien d’équipement indispensables à l’activité de production. 

Le Conseil régional a fait le choix, d’exonérer la production locale. Aussi pour les trois dernières années (2016, 2017, 2018) ce ne sont pas moins de 57 millions d’euros accordés à plus d’une centaine de secteur d’activités.

Octroi de mer : quel impact sur les prix à la consommation ? 

Est-il utile de le préciser : l’octroi de mer n’est pas le seul élément qui intervient dans la formation des prix à la consommation. L’impact de l’octroi de mer doit être analysé en tenant compte également de celui des autres facteurs qui déterminent le niveau des prix.

Les produits exonérés à leur importation en Guadeloupe concernent essentiellement ceux de première nécessité. Ce sont, le lait, le sel, les couches pour bébés, les insecticides contre les nuisibles vecteurs de dengue et autres. Les préservatifs et les prothèses dentaires… Parmi ces marchandises, le lait est particulièrement sensible aux fluctuations de prix à la vente malgré le taux nul d’octroi de mer. 

Revenir à une durée de validité de 10 ans de l’octroi de mer

Cet outil doit être maintenu, quand bien même devrait-il subir de profondes adaptations.

Tout d’abord, en ce qui concerne le seuil taxable de chiffre d’affaires pour les entreprises de production locale qui y sont assujetties. Ce dernier qui avait été abaissé à 300 000 euros lors de la révision du dispositif en 2014 doit être ramené au seuil précédent de 550 000 euros.

Ensuite s’agissant du délai de validité du régime d’octroi de mer, alors qu’il était de 10 ans, celui-ci a été réduit de moitié après la révision de 2014. Un retour à un délai de 10 ans, et ce pour tenir compte des schémas d’investissement de nos producteurs locaux, s’impose.

Autre évolution qui pourrait nous être bénéfique. Une représentation des produits selon la nomenclature douanière à quatre chiffres (SH4) au lieu de celle à 6, 8 voire 10 chiffres. Compte tenu des particularités de nos filières, une déclinaison aussi fine des nomenclatures ne permet pas de toujours coller à la réalité des secteurs d’activités concernés.

Respectez nos choix stratégiques

Nos producteurs travaillent souvent sur des gammes de produits plutôt que sur un seul produit. Aussi, il est souhaitable que l’Union européenne propose plus de souplesse quant aux conditions de révision repris à l’annexe de la décision.

Rappelons qu’il faut compter en moyenne plus de deux ans pour que l’Union européenne statue sur une demande d’intégration d’un nouveau produit, dans le cadre du dispositif de taxation. 

Affirmer davantage notre souveraineté alimentaire

À l’heure où les événements nous obligent à penser notre souveraineté alimentaire par le biais d’une croissance verte et bleue.

Alors que la collectivité régionale met à contribution l’université des Antilles et les organismes chargés de l’épauler dans l’élaboration de sa politique, un rapport hors sol conseille au gouvernement de balayer toute pensée et toute stratégie locale. 

Le retour de la tutelle d’Etat

S’il faut tendre vers la disparition de l’octroi de mer cela aurait un impact immédiat sur les ressources communales.

La collectivité perdrait son autonomie fiscale au profit du ministère de l’économie et des finances.

En réalité ce qui est préconisé avec ce rapport, peu pertinent, c’est de nous replacer sous la tutelle de l’État. Impensable.