Ils ont entre 25 et 35 ans. Ils ont travaillé en France et à l’international. Ils sont talentueux, ont des idées et sont prêt.e.s à les partager pour coconstruire le présent et les futurs de nos territoires. Qu’ont-ils à dire ? Et où agissent-ils ? Ces talents ne se connaissent pas, mais parlent d’une seule et même voix. C’est la génération « collectif ». – Illustration Orane Phedon

Contribuer au développement local, mettre son expertise au service d’un monde plus durable, bousculer les codes établis et connecter nos territoires aux enjeux du monde d’aujourd’hui, voici les messages résolument positifs de ceux qui reviennent au pays.

De l’importance de nous fédérer en écosystèmes 

Il pose la question en souriant et répond aussi vite : « En quoi l’écosystème est-il un vecteur de réussite des projets et notamment des projets innovants ? La réponse se trouve dans l’intitulé : l’écosystème. »

Sylvain de Chadirac vient de fêter ses 26 ans et le moins qu’on puisse dire, c’est que la valeur n’attend pas le nombre des années. En voiture dans les rues de Cayenne, l’ancien délégué général de l’incubateur Paris Business Angels vient d’accepter de nouvelles missions proposées par BPI France, en Guyane.

Si le Guadeloupéen n’a pas longtemps hésité avant de dire « oui », c’est parce qu’il projetait déjà de mettre un jour ou l’autre, ses compétences au service du développement des Antilles-Guyane.

Sylvain de Chadirac
Sylvain de Chadirac

« Je ne pensais pas que l’opportunité se présenterait aussi vite, mais je n’ai pas longtemps hésité et j’ai fini par sauter dans l’avion. Le potentiel local est très important, mais malheureusement les compétences ne reviennent pas systématiquement pour les apporter…», souligne-t-il. 

« Après mes expériences professionnelles dans la finance de marché à la Défense, à la Banque de France et en start-up avec Hoolders où j’ai pu découvrir le capital-risque et l’apprentissage intense à Paris Business Angels, je me sentais prêt à rentrer. »

Présent dans les bureaux guyanais depuis la rentrée, le chargé d’affaires a débuté ses missions d’accompagnement pour la Banque Publique d’Investissement. Et lorsqu’on lui demande de nous faire un état des lieux sur la dynamique en local, le constat est sans appel.

« Il y a des très bonnes idées, des personnes motivées, mais si je dois être transparent et critique, le manque de structure d’accompagnement est encore trop criant. »

« Il y a de très bons projets qui gagneraient à être beaucoup plus valorisés. Nous devons nous y atteler, mais il faut rester méthodique ».

Ancien élève de Charles Coeffin, puis étudiant en classes préparatoires de la Chambre de commerce de Guadeloupe, en option scientifique, Sylvain de Chadirac ne regrette absolument pas ses premières années post-bac.

« Si j’ai réussi, c’est aussi parce que j’ai reçu des enseignements de qualité au moment où l’on se forge une posture d’étudiant ».

Mettre une nouvelle pierre à l’édifice de la coopération  

Recenser et analyser les instruments d’action publique réglementaires, incitatifs et communicationnels pour l’adaptation au changement climatique, fut l’une des missions de Marie-Edith Vincennes pour le Fonds d’équipements des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et Centrale.

À peine âgée de 23 ans, la jeune diplômée de Sciences Po Bordeaux en gestion des risques, de l’Université de Kingston en coopération internationale et en sciences politiques à l’Université des Antilles s’est vu confier le suivi du programme de développement local inclusif et équitable au Mali.

Marie-Edith Vincennes - ADEME Guadeloupe
Marie-Edith Vincennes

« J’ai effectué mes premiers pas dans la vie active en tant qu’assistante de projet au bureau régional du Fonds d’Equipement des Nations Unies (FENU) où nous devions gérer un budget d’aides de 1,3 millions de dollars qui comprenait six projets portés par des PME, ONG et autorités locales dans les zones rurales et conflictuelles à Mopti. »

Un projet captivant qui lui donne une autre vision du terrain. Forte de sa compréhension des enjeux, Marie-Edith Vincennes tente plusieurs fois de revenir aux Antilles, mais l’installation n’est pas évidente. « Mon erreur a été de ne pas étudier le marché du travail au niveau local. »

« La Guadeloupe est un petit archipel et il y a peu d’ouverture de postes et quand on les ouvre, des personnes sont souvent déjà positionnées. »

C’est alors le temps de la remise en question. Faut-il rentrer ou continuer à l’international ? Attachée à la Guadeloupe, Marie-Edith décide de jouer la carte de l’optimisme. « J’ai fini par me dire qu’à force de persévérance, j’allais y arriver ».

Aujourd’hui, ingénieure projets et politiques publiques à Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Marie-Edith s’est spécialisée sur le thème de l’adaptation au changement climatique. Un sujet, selon elle, essentiel pour le développement local et durable du territoire.

« Je travaille sur l’adaptation au changement climatique et cela suggère de changer les comportements. Si on n’inclut pas la société civile dans la gestion des espaces naturels, le processus d’adaptation est ralenti.

Bien souvent, les collectivités manquent de ressources ou ne font pas de la gestion des espaces naturels une priorité dans leur agenda politique car d’autres questions les préoccupent. On va rarement au-delà de la planification. C’est dommage. »

En parallèle, la jeune femme est membre active de l’association CORECA qui a pour objectifs de développer les échanges intercaraïbe et promouvoir la solidarité entre la Guadeloupe et la Caraïbe. 

Changer de paradigmes pour faire évoluer l’histoire

C’est un homme discret, rigoureux et appliqué. Janis Jude, 29 ans est un entrepreneur aux multiples casquettes qui refuse les étiquettes et parle à la première personne du pluriel lorsqu’on lui demande ce qu’il a déjà accompli.

Après un parcours scientifique en sciences-physiques, aéronautique, énergie et environnement, il enchaine un master en stratégie management et conduite du changement qui le passionne.

Janis Jude
Janis Jude

« Il y avait tant de choses à apprendre ! Réussir à faire bouger une organisation est un défi sans précédent et dans le même temps, un challenge humain exceptionnel », déclare-t-il, des étoiles dans les yeux.

Tour à tour commercial, qualiticien, logisticien, dessinateur, gestionnaire, conseiller, cette ouverture sur les métiers, sur les autres univers comme il les appelle lui donne envie de montrer les coulisses.

Aux côtés de son associé martiniquais et réalisateur Coralien Baccarard, il fonde la société de production Case Noire pour raconter d’autres histoires à l’écran. « Nous voulions nous lancer dans la création de contenus propres ayant comme vocation d’aider les Antillais, les Ultramarins. Dans un monde où tout est guidé par les écrans et par l’image, nous nous devions de soigner aussi par l’image. »

C’est chose faite car Case Noire devient l’un des studios de prod les plus studieux et apprécié des milieux cinématographiques et musicaux de la scène parisienne. « Nous voulions casser les préjugés qui disent le manque de professionnalisme des hommes et des femmes issus de la diaspora antillaise. »

« Nous nous sommes entourés de techniciens, ingénieurs, réalisateurs et vidéastes talentueux, souvent Ultramarins, et c’est pour cela que nous avons réussi à décrocher de beaux projets. »

Mais progressivement le désir de rentrer se fait de plus en plus grand. « Cela faisait quelque temps que je voulais contribuer davantage au pays. Avec Coralien, nous sommes tous les deux rentrés respectivement en Martinique et en Guadeloupe pour nous mettre au service de ce que nous pensons plus juste pour les îles qui nous ont vues grandir. »

À l’origine du Mouvman chacha et du challenge Simèn Lokal, Janis Jude continue de travailler en faveur du collectif. « Je reste convaincu que les citoyens éclairés deviennent des consommateurs avertis. Et c’est pour cela que nous sommes de plus en plus nombreux à nous fédérer autour de ces idées.

Et qu’importe ce que d’autres générations peuvent penser car c’est un mouvement mondial qui a déjà débuté ! Mais, nous nous sommes ouverts à la collaboration. » Le ton est donné. 

De la communication politique au service de l’action collective  

C’est une femme boute-en-train, qui ne lâche rien, absolument férue de la chose politique.

« Mon domaine de prédilection est l’environnement et le développement durable. J’ai eu la chance de me battre à l’Assemblée nationale aux côtés de mon parlementaire afin d’adopter des mesures pour une gestion beaucoup plus intelligente et pérenne des déchets en Guadeloupe avec l’instauration de la consigne. »

Après avoir arpenté les couloirs du Parlement européen, elle est devenue l’une des ombres furtives et habiles de l’hémicycle. À 29 ans, la jeune femme est de retour en Guadeloupe avec la ferme intention de mettre son expertise au service du développement local. Il aura fallu dix ans.

Marine Risec
Marine Risec

« Rentrer en Guadeloupe constitue, pour moi, un acte militant et la parfaite continuité de mon parcours professionnel. Je veux aujourd’hui rendre à mon pays tout ce que j’ai pu acquérir durant ces dix années. »

Ultra connectée, active sur le terrain, Marine Risec appartient à cette génération de jeunes actifs convaincus de l’urgence de la transition. « Les actions d’association telles que Clean My Island nous montrent quotidiennement sur les réseaux sociaux qu’il y a un problème en matière de sensibilisation de la population et de gestion des déchets de la part de nos décideurs. »

D’autres sujets incontournables devront être posés sur la table durant les prochaines années, telles que l’opportunité du développement des bornes de recharge pour les véhicules électriques, la durabilité de notre mode de consommation ou encore une meilleure valorisation et protection de notre biodiversité.

Autre engagement qui lui tient à cœur : Gwadloup An Mouvman. « Avec une bande de potes engagés, nous avons décidé de créer une association visant à préparer un projet collaboratif de société pour la Guadeloupe. Nous développerons dans les prochains mois plusieurs événements afin de dialoguer sur les sujets de société. » Affaires à suivre.

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