Café. Lui, c’est la Côte-sous-le-vent, ce sont les embruns basse-terriens, les arômes longs en bouche et des retrouvailles alanguies avec la terre. Fier du pays qu’il porte en lui, le chef d’entreprise revient sur son combat pour la préservation des savoir-faire. Portrait de Philippe Pascal Chaulet. – Photos Lou Denim 

« L’année 2020 n’a pas été qu’une « mauvaise » année. Étrange certes, sous bien des points, mais nous ne pouvons parler de mauvaise année», déclare Philippe Chaulet, dès le début de notre entretien.

« Au regard des prises de consciences collectives, des questionnements pertinents, mais surtout des nouvelles réponses auxquelles nous tâchons tous de contribuer, je crois sincèrement que la crise Covid, en dépit des dégâts mondiaux, va permettre à la Guadeloupe de devenir un territoire d’avenir. »

Le ton est donné. En éternel optimiste, le chef d’entreprise, également père de famille, fait aussi preuve de lucidité.

« Les entreprises péyi savent s’adapter aux scénarios de crise parce que notre insularité nous oblige à anticiper. »

Redoubler d’ingéniosité, s’ajuster, avoir continuellement un coup d’avance. « Le jour de l’annonce du confinement en mars dernier, nous avions stocké quatre mois de production dans nos ateliers », explique-t-il. 

Du café bien préparé à proximité 

Si l’année 2020 a été aussi rassurante pour le chef d’entreprise, c’est grâce aux choix de consommation des Guadeloupéens.

« Nous avons observé un sursaut patriote qui a fait beaucoup de bien à toutes les entreprises locales. Avoir consommé chez nous c’est avoir fait preuve de solidarité vis-à-vis des agriculteurs et des transformateurs », souligne Philippe Chaulet.

« Dans une période où nous devions vivre à distance, c’est paradoxalement la proximité qui nous a rapprochés. »

D’ailleurs sur les ventes de Café Chaulet, ce sont les petites épiceries de proximité qui ont généré le plus d’écoulement. La preuve concrète qu’un réseau supralocalisé et bien organisé peut faire la différence. 

Des petits sachets verts, la marque de fabrique Chaulet

Et celui qui a été le plus apprécié durant la période, c’est l’indémodable « sachet vert » avec ses lettres majuscules brunes et rouge. Le célèbre packaging maison est un café d’importation avec des matières premières transformées en Guadeloupe.

« Nous avons cherché à assembler les grains de café pour traduire le goût d’antan, de la Côte-sous-le-vent, les arômes « bonifieur » où nous sommes originaires. » Long en bouche, jamais âcre, jamais trop corsé, ce café a du volume, de la douceur et du caractère. 

Alors, lorsqu’on demande à Philippe Chaulet de nous expliquer les raisons pour lesquelles il importe des grains venus de l’extérieur alors que la Guadeloupe était exportatrice jusque dans les années 1960 du bonifieur, le chef d’entreprise est clair : « la Guadeloupe a fait des choix : celui de ne pas valoriser les métiers de la terre, de faire le pari des monocultures et de privilégier les produits venus de l’extérieur en tournant beaucoup trop souvent le dos aux savoir-faire locaux. »

« Aujourd’hui, nous devons prendre en compte deux réalités : nous n’avons plus de filière assez structurée sur place et nous ne sommes pas assez compétitifs pour produire en grande quantité au prix du cours mondial. »

« Ce qui est rassurant est que nous pouvons faire la différence avec des produits de niche haut de gamme confectionnés de manière durable, sur place. Cela, nous en sommes tout à fait capables ».

Des arômes pour chaque terroir, un rêve et bientôt une réalité 

Philippe Chaulet veut y croire. « Un jour, vous le verrez, nos produits locaux d’exception seront sur les plus grand boulevards, sur les étagères des épiceries rue de Sèvres et sur les tables des grands restaurants. »

Il est même selon Philippe Jobin, spécialiste du café mondialement reconnu, « l’un des meilleurs cafés au monde ». Pour cela, c’est toute notre manière de produire, de planter, de protéger et notre capacité à révéler le goût et la richesse de nos terroirs qu’il faut réajuster.

« Je ne suis pas pour un unique produit « Guadeloupe » qui crée un monopole et nous place sous une étiquette englobante. En tant que torréfacteur d’un café haut de gamme 100% local, je sais à quel point chaque terre a une identité. »

« Nous, Café CHAULET nous savons planter, récolter, sécher, torréfier, mettre en sachets. D’autres habitations savent révéler d’autres saveurs et c’est très bien qu’il y ait pour le consommateur autant de diversité, de terroir, pour raconter la Guadeloupe », explique le chef d’entreprise.

« Tenez, c’est un peu comme dans le vin, vous ne parlez pas simplement des vins de Bordeaux, mais bien du Château Margaux, du Château Haut-Brion… C’est à ces grandes maisons et à leur savoir-faire unique que vous reconnaissez la singularité d’un millésime. C’est cela que nous devons créer », s’enquit-il.

« Mon rêve serait que chaque habitation puisse avoir son cru pour révéler la richesse de chaque terre, chaque maison, chaque plant, chaque caféier. » Et la demande est bien présente.

« Alain Ducasse lui-même nous demande depuis plusieurs mois du café « bonifieur », que nous ne sommes pas encore en mesure de lui donner en assez grande quantité. C’est vous dire ! » 

Valoriser le travail de l’agriculteur, du cultivateur et du planteur 

Et s’il y a bien un point sur lequel Philippe Chaulet ne transige pas, c’est l’importance des femmes et des hommes qui cultivent la terre. « Le rôle du planteur n’est pas simplement important. Il est crucial. Le caféier est une plante noble qu’il faut savoir manipuler avec une grande précaution et ce n’est pas donné à tout le monde de réussir à le faire. »

Parce que chaque étape compte, la façon dont le café est récolté, décérisé, lavé, séché, les méthodes traditionnelles doivent être transmises avec la plus grande fierté.

« Aujourd’hui, je salue les agriculteurs qui prennent le temps d’intéresser les jeunes à leur profession. Trop longtemps, les métiers de la terre ont été dévalorisés. »

« Pourtant, je reste convaincu que nourrir le monde est l’une des plus belles missions au monde. Et ça, les jeunes générations l’entendent, nous le disent et sont déjà les premières à nous le prouver. »

D’ailleurs, lorsqu’on interroge Philippe Chaulet sur les relèves qui reviennent au pays, le torréfacteur tire son chapeau. « Les jeunes ? Ils m’impressionnent. Ils ont une énergie débordante et de belles idées qui ne demandent qu’à se réaliser. D’ailleurs, la mission de ma génération est de leur donner un coup de main car c’est ensemble que nous réaliserons cette fameuse « transition ».

Et pour la suite ? Le chef d’entreprise est confiant car les prises de consciences sont d’ores et déjà visibles, selon lui.

« Nous devons nous structurer les uns avec les autres et nous entraider davantage. C’est le seul moyen que nous ayons – et la crise Covid nous l’a montré – pour construire un avenir durable. »

Je suis convaincu que nous devons prêter attention à la vision du plus grand Jardin Créole au monde pour 2030 de l’UDE-MEDEF Guadeloupe. C’est une vision claire, ambitieuse, inclusive et engageante. Tout ce dont nous avons besoin pour nous fédérer, pour fédérer notre Guadeloupe. »

CAFE CHAULET
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