3 parcours de femmes antillo-guyanaises passionnées et engagées

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Qu’elles s’engagent et agissent sur leurs territoires de naissance en tant que professeure des écoles (en Guadeloupe), ingénieure agronome (en Martinique) ou danseuse professionnelle (en Guyane), ces trois femmes passionnées témoignent d’une détermination proactive, d’une puissance de convictions et de travail à valeur d’exemples pour les générations futures. – Texte Coralie Custos-Quatreville et Daniel Rollé

Leurs trois traces de vie singulières ont motivé l’engagement à leurs côtés de Jean-Yves Hallais, le directeur général d’Arcelor Mittal Construction Caraïbes, déterminé à “faire savoir” la part solaire de leurs “savoir-faire”, pour qu’elles s’inscrivent dans les mémoires de toutes celles et tous ceux qu’inspireront leurs parcours respectifs dans leurs trajectoires d’avenir, en terres ultramarines ou ailleurs…

Cindy Le Pape
Cindy Le Pape

Cindy Le Pape, miss Guadeloupe 2011, professeure des écoles

« J’avais fait une licence en biologie, mais je n’étais pas convaincue de pouvoir m’épanouir dans ce domaine. Après une discussion avec ma grand-mère, elle-même professeure des écoles, j’ai compris qu’être au contact des plus jeunes, les éveiller à l’apprentissage et co-construire avec eux, les bases du savoir, prenait tout son sens. C’était le déclic. » 

Ce sera donc l’enseignement et pas autre chose ! Alors, quand la tout juste diplômée est affectée à Saint-Martin, c’est là-bas que tout ce qu’elle imaginait prend vie sur un terrain d’action en crise. « Je suis arrivée sur place juste après le passage du cyclone Irma. L’île se remettait à peine sur pied. »

« Il a fallu être ingénieux et créatifs avec les autres professeurs en attendant les aides successives pour les équipements et le matériel scolaire. Je me rappelle qu’on cassait les crayons à papier en deux pour les partager entre les enfants. »

« D’ailleurs, je tiens à saluer le travail formidable de mes collègues sur place. Sans eux, sans leur énergie, tout aurait été plus difficile. »

Aujourd’hui de retour en Guadeloupe, la jeune femme enseigne dans une classe de CP. « Je sais pourquoi je me lève le matin. Voir quelqu’un apprendre, s’éveiller au monde par la lecture, les mots, les sons, vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est un vrai bonheur. »

L’enseignante a d’ailleurs de nombreuses idées pour nourrir la curiosité de ses élèves. Fini la transmission descendante de l’enseignant qui détient le « savoir absolu », l’heure est à la construction de ce savoir par l’élève.

« Les générations qui arrivent évoluent dans un monde changeant, elles doivent très tôt être sensibilisées à la coopération et à l’adaptation de leur milieu, c’est la définition même de l’intelligence. C’est essentiel pour qu’ils soient prêts à bâtir la société de demain. »

Kora Bernabé - créatrice de Valcaco - Martinique
Kora Bernabé

Kora Bernabé, ingénieure agronome, productrice de cacao 

« Décider de remettre sur pied la filière de cacao n’est pas une décision sans conséquence et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il faut de l’endurance au quotidien. A côté des grandes victoires, il y a des moments de déception. Mais jamais d’abandon ! Il faut garder le cap. »

Voilà les mots francs et fermes avec lesquels Kora Bernabé, ingénieure agronome, commence notre entretien. La jeune trentenaire a de la bouteille, une poigne de fer dans un gant de velours. Elle fait partie de la génération qui acte, qui pousse, qui intervient et qui interpelle. Elle fait aussi partie de ceux pour qui le patrimoine naturel compte.

« J’ai grandi au contact de la terre et j’ai beaucoup appris aux côtés de mon grand-père qui était un homme que rien ne pouvait ébranler. C’est de lui que je tiens ma force. Il m’a transmis ce que je veux continuer à léguer. » 

Il faut dire qu’il y a 4 ans, Kora Bernabé parvient à fédérer dix producteurs de cacao avec les acteurs de la filière, la Chambre d’Agriculture et le PARM, ainsi que les principaux transformateurs de l’île autour de cette structure coopérative baptisée Valcaco.

Le projet a été soutenu par les plus hautes instances jusqu’au ministère des Outre-mer et l’association poursuit sa mission : produire du cacao martiniquais. Aujourd’hui, en poste au sein de la distillerie Neisson, Kora Bernabé travaille également à faire les arômes de la canne.

« Je suis heureuse car j’aime ce que je fais, j’aime ce que j’entreprends tous les jours. Je me bats pour faire vivre la biodiversité de nos terres et le goût de chez nous. C’est tout ce qui m’importe. » 

Kimberley Ho Tsai - danseuse professionnelle - Guyane
Kimberley Ho Tsaï

Kimberley Ho Tsaï, danseuse professionnelle

Après plusieurs années au sein de la très prestigieuse troupe Collage Danse Collective de New York, Kimberley Ho Tsaï a décidé de poser ses valises à Cayenne, pour offrir à son territoire ce qu’il lui avait donné.

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle donne du temps pour des ateliers de danse sur place. Le lien avec ses terres n’a jamais été ébranlé. « Je suis revenue très régulièrement en Guyane pour me ressourcer. À chaque fois, j’ai eu le plaisir d’organiser des masterclass et de voir de jeunes talents guyanais qui sont très doués. »

De son côté à elle, tout a commencé aux côtés de Jeanine Verin et Beatrice Tertulien, ses deux professeures de danse à l’école Adaclam. À 18 ans, diplôme en poche, c’est déjà la plus grande capitale du monde qui lui ouvre ses portes avec la Ailey School.

« Mes premières années aux États-Unis ont été synonymes de travail acharné. Je me rappelle avoir été quelque peu perdue au début. Quand on arrive dans une ville-monde, les repères ne sont plus les mêmes, mais j’ai été très vite, très bien entourée ».

Du certificat au Dance Theatre de la Harlem School au Ballet Contemporains Complexions, les tournées à l’échelle nationale et internationale ont vite débuté. « J’ai eu la chance d’interpréter de magnifiques spectacles avec Robert Garland, Abdur Rahim-Jackson, Jermaine Brown, Francesca Harper et Yannick Lebrun. Mon plus beau souvenir reste une scène à l’Opéra de Riga en Lettonie, dans un théâtre magnifique où nous avions reçu une ovation. J’en ai encore la chair de poule. » 

Donner aux Guyanais la même chance qu’elle a eue en dix ans de carrière est la mission qu’elle s’est donnée. « Ce qui est sûr, c’est que je n’arriverais jamais à rester loin de la danse. C’est vital. »

« J’ai eu la chance de vivre des moments exceptionnels grâce à la danse. Je me suis beaucoup entraînée, j’ai beaucoup voyagé et désormais, je souhaite transmettre à ma Guyane. »

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