Préparation mentale. Dans l’ombre de leurs exploits sportifs et physiques, les athlètes soignent leur préparation mentale, à l’image de la championne Manon Valentino, peu épargnée par les coups durs. Épaulée désormais par une psychanalyste, la Guadeloupéenne se présente aux Jeux l’esprit léger. – Texte Thibaut Desmarest

Inflexible sur les bosses, implacable dans les virages, la championne guadeloupéenne de BMX, Manon Valentino, laisse pourtant filtrer un tempérament plus fragile une fois libérée de son casque.

« En réalité, je suis quelqu’un qui a tendance à se sous-estimer. Qu’on a toujours sous-estimée, aussi », souffle la double championne d’Europe. « Alors, je me suis construite en me rebellant, en me battant contre des rejets, des non-sélections, pour défendre ce que j’estimais mériter. »

« J’ai beau faire partie du top mondial, j’ai sans cesse dû prouver, avec toujours ce sentiment d’infériorité. »

Pierres angulaires d’une carrière d’athlète de haut niveau, jonchée de success-stories et d’échecs, de podiums et de blessures, le corps et l’esprit doivent œuvrer en harmonie. Car derrière la performance physique pure, la santé psychique de l’athlète, souvent taboue, joue naturellement un rôle clé.

Manon, comme beaucoup de sportifs présents à Tokyo aux Jeux Olympiques (23 juillet – 8 août), s’offre les services d’un préparateur mental pour l’épauler, financés notamment grâce aux aides de la Fédération.

« Par le passé, j’ai toujours eu l’habitude de tout gérer, mais c’est trop usant, d’autant que j’évolue hors structure, avec mon propre coach. » Mais aucun athlète ne se construit seul, a compris celle qui s’est expatriée non loin d’Alicante, dans le sud-est de l’Espagne.

« Il est important d’avoir un regard extérieur posé sur nous, quelqu’un qui trouve les mots pour nous rassurer, nous mettre aussi en valeur lorsqu’on doute. »

Dans la jungle des « contacts » qui gravitent autour des champions, le chemin s’est montré tortueux pour la Mornalienne d’origine.

« Je cherchais seule, sur internet, mais certaines personnes ont abusé de leur pouvoir pour gagner en notoriété et se faire de la pub sur mon dos », regrette-t-elle, plus sereine depuis deux ans et le début de sa collaboration avec Francisca Dauzet, recommandée par le clan tricolore.

« J’ai du mal à accorder ma confiance, à m’ouvrir aux autres. C’est délicat, très dur de se montrer vulnérable. D’autant que je suis assez timide, mais Francisca parvient à puiser des choses au plus profond de moi. »

Manon Valentino - Stage BMX
Toujours avec son dossard n°971, la pilote guadeloupéenne compte bien décrocher une médaille à Tokyo. (Patrick Pichon/FFC)

Toujours se relever

La « psy des sportifs » reçoit à Paris, quand les agendas coïncident ou par visio-conférence. Avec toujours un maître-mot : « s’adapter » à l’athlète et non l’inverse.

« Manon, comme beaucoup d’autres, se montre très exigeante et affiche une certaine carapace mais, à l’instar de tout être humain, elle s’est construite avec ses problèmes de vie. Ils ont les pièces en main et c’est à moi de trouver les connexions, comme un puzzle », illustre la thérapeute, adepte de la médecine traditionnelle chinoise et de la méditation taoïste.

« En France, quand on va voir un psy, c’est qu’on est fou ! La société occidentale a d’autant plus de mal à reconnaître la fragilité des sportifs de haut niveau. Et pourtant, ils transportent toute leur histoire dans leurs valises. »

Dans la sienne, au Japon, Manon Valentino aura sûrement encore l’image des Jeux de Rio en 2016 et de sa lourde chute en finale, après 7 secondes de course. « Je n’avais pas le droit de me louper. Courir pour la France, pour mes sponsors… J’ai beaucoup pleuré, mais il a vite fallu digérer, je n’ai pas eu le choix. »

Un premier rendez-vous olympique qu’elle avait d’ailleurs failli manquer à cause d’une grave blessure au pied, l’année précédente, la clouant dans un fauteuil roulant. « Psychologiquement, j’ai énormément appris de cette période », confie la pilote, qui a gagné en sérénité aujourd’hui.

Et pourtant, la crise sanitaire s’est invitée pour tester encore ses limites.

« J’étais aux Etats-Unis, l’an dernier, quand ils ont fermé les frontières. On ne comprenait pas ce qui arrivait. Les Jeux de 2020 ont été reportés, alors que je m’étais préparée dur tout l’hiver. Puis toutes les compétitions ont été annulées. »

Confinement strict en terre ibérique, Manon Valentino prend un gros coup au moral.

« Normalement, on se retrouve toute la saison avec les copains des autres nations. On boit le café ensemble après les courses, les garçons jouent à la Playstation tous les soirs. J’ai très mal vécu ce manque. »

Avec les restrictions annoncées, l’ambiance au village olympique n’aura pas non plus la même saveur qu’à Rio. Mais la pétillante trentenaire a mûri et se présentera sur la ligne de départ apaisée, sans jamais tourner le dos à son passé.

« Je roule avec mes émotions. » Et toujours avec son dossard « 971 », vissé à l’avant de son vélo.

En un clin d’œil : Manon Valentino
• Née le 25 août 1990, à Valréas (Vaucluse)
• 3e au classement de la coupe du monde 2020
• Trois victoires en coupe du monde
• Finaliste aux Jeux Olympiques de Rio (2016)
• Septuple championne de France
• Double championne d’Europe (2011, 2013)
• Médailles d’argent (2009) et de bronze (2013) aux championnats du monde
• Championne du monde junior (2008)

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