Du frigo aux J.O., le poids des kilos 

Alimentation. Soumis à rude épreuve, le corps des athlètes doit aussi savoir jongler avec les grammes sur la balance. Entre privations et cours de diététique, les combattantes Leïla Heurtault et Althéa Laurin marchent sur des œufs, à l’approche des Jeux. – Texte Thibaut Desmarest

Au gramme près. Dans les salles feutrées des arts martiaux, la balance côtoie les tatamis comme une intime de la famille.

Catégorie de poids à respecter oblige, les athlètes bataillent, d’abord contre eux-mêmes, pour pointer l’aiguille sur leur « poids de forme » et surtout la maintenir en place au quotidien. Un véritable numéro d’équilibriste pour s’assurer un rapport poids-puissance-agilité optimal, d’autant que les sportifs, certes de haut niveau, ont rarement validé leur 2e dan en nutrition.

« Je suis pourtant pas loin d’être devenue une experte ! Je dis même parfois que je me reconvertirai comme diététicienne », rigole la Guyanaise et championne du monde de karaté Leïla Heurtault, 26 ans, du haut de son mètre 64 et de ses 57 kg.

Un brin d’humour dans ce parcours du combattant traversé par l’athlète originaire de Mana et qualifiée après repêchage pour Tokyo, dans la catégorie des – 61 kg.

« C’est la première fois de ma vie que je fais autant le yo-yo. Il faut dire que j’ai attrapé deux fois le Covid », souffle-t-elle. « En février 2020, j’étais descendue à 55 kg, puis remontée pendant le confinement à 63 kg. Et depuis le début de l’année, c’est la chute libre. Il faut absolument que je reprenne du poids, intelligemment, car c’est à 60,5 kg que je me sens le mieux, voire un petit moins pour être plus explosive. Mais je ne peux pas me jeter sur les burgers, les kebabs ou le nutella. » 

Diététicienne attitrée

Pour l’éclairer dans les méandres de ses tableaux Excel, son club du Samouraï 2000, au Mans, met à disposition une diététicienne. « Je vérifie tout, je note tout ce qu’elle me dit ! ”

Mais ce n’est pas suffisant pour la rigoureuse Leïla qui, à l’approche des Jeux, a sonné cette semaine chez une naturopathe. « Le suivi de la naturopathe est davantage personnalisé, plus axé sur les besoins, les envies et le caractère de chacun. Elle sait que moi, pain, beurre et céréales, ça ne passera pas le matin. Je préfère une assiette de pâtes carbo ! Je lui ai aussi expliqué qu’avec mon emploi du temps de ministre, il ne fallait pas me demander de préparer des plats pendant des heures. »

La recette idéale alors ? « Mon problème est que je ne mange pas assez de bonnes graisses comme des avocats, des noix, ou de la mayonnaise maison, qui permettent d’activer les féculents et d’assurer leur stockage. »

Difficile alors de trouver la formule pour apporter au corps les sucres lents nécessaires à la dépense d’énergie produite.

« Un bon équilibre permet surtout de ne pas se blesser à l’entraînement et d’éviter les coups de mou en compétition. »

Limite psychologique

Autre discipline, autre gabarit, mais même rigueur pour la taekwondoïste martiniquaise Althéa Laurin, championne d’Europe au mois de décembre, à Sarajevo. Engagée chez les +67 kg depuis début 2020, la Franciscaine s’inflige moins de restrictions que par le passé.

« Il y a deux ans, j’avais dû perdre cinq kilos en deux semaines avant les championnats d’Europe (-21 ans) en Suède, ça fatigue énormément », assure la jeune athlète de 19 ans. « Depuis mon arrivée chez les poids lourds, il n’y a plus de seuil, mais je fais toutefois attention à ne pas prendre trop de kilos, car je veux garder mon style : précision, agilité, rapidité, contrairement à d’autres qui ne jouent que de leur poids. »

En plein travail musculaire dans sa préparation pour les Jeux, Althéa affiche aujourd’hui 74 kg sur la balance, à deux unités de la « limite psychologique » qu’elle s’est fixée. « Nous sommes conseillés par une diététicienne à l’Insep. On a des fiches de suivi, mais c’est à nous de nous responsabiliser au quotidien. »

Sur la table de son petit-déjeuner : pain, beurre, kiwi et un bol de céréales. Midi et soir : omelette, pâtes, légumes, fromage et dessert. Assez classique pour la végétarienne, qui peine parfois à résister à son péché mignon, le moelleux au chocolat.

« Je fais quand même très attention, car le moindre excès peut affecter directement nos performances et notre concentration, j’en ai vraiment pris conscience depuis que j’ai intégré le haut niveau et l’équipe de France, en 2016 », concède la combattante du club d’Asnières (Hauts-de-Seine), prête à tous les sacrifices pour décrocher le graal à la fin du mois.

Un esprit sain dans un corps sain. L’adage prend toute sa valeur pour les sportifs de haut niveau et plus encore pour les combattantes Leïla et Althéa, qui rêvent de délaisser cette maudite balance pour monter, cette fois, sur le podium olympique.