Sur nos territoires, de bonnes initiatives fleurissent et perdurent. Elles sont à saluer, car ce sont de véritables solutions avant de jeter, qui doit être le geste de dernier recours. Focus sur quatre d’entre elles, sélectionnées par la rédaction. – Texte Amandine Ascensio et Anne-Laure Labenne

Atelier Recykbois - Martinique
L’atelier chantier d’insertion Recyk Bois à Fort-de-France collecte et réalise de nouveaux objets à base de bois de meubles usagés (Photo Jean-Albert Coopmann)

En Martinique, une seconde vie pour notre mobilier

À Fort-de-France, depuis 2018, l’atelier chantier d’insertion (ACI) Recyck Bois se positionne comme un acteur de l’économie circulaire. 25 salariés se relaient quatre jours par semaine pour collecter, valoriser et vendre des déchets d’éléments d’ameublements. « Nous disposons d’un fourgon de 13 m3 avec lequel on récupère, sur tout le territoire, le mobilier qu’un détenteur – particulier ou professionnel –, ne souhaite plus. Nous sommes l’étape avant la déchetterie. Il suffit de nous appeler ou de remplir un formulaire(1) pour que la collecte soit faite », explique Philippe Albeny, le coordinateur de l’ACI.

« Nous sommes l’étape avant la déchetterie. Il suffit de nous appeler ou de remplir un formulaire pour que la collecte soit faite. »

Depuis 2018, pas moins de 16 tonnes de meubles ont ainsi été collectées. Une fois arrivé à l’atelier, chacun est pesé et analysé. « Soit le meuble est réemployable et ne nécessite que de légères réparations, soit il est trop abîmé et, dans ce cas, il sera démonté pour être revalorisé. Nous avons une matériauthèque : c’est là où sont stockés le bois, les vis et la ferraille récupérés sur les meubles et qui permettent de créer une table basse, des chaises… »

Finalité pour tout ce mobilier : trouver preneur. Seulement 2 tonnes ont été valorisées depuis quatre ans, un début prometteur mais pas suffisant pour Philippe. « Les détenteurs ne sont pas assez. Nous avons des meubles qui restent plus d’un an dans l’atelier. Il y a mieux à faire. »

(1) jedonnemesmeubles@apprentis-auteuil.org

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En Guadeloupe, une communauté de 28 000 colibris

Un objet, du mobilier, des vêtements, des plantes, des bocaux vides, des livres… À la Gratiferia, tout se donne avec le sourire et un merci. Au quotidien, via une annonce, accompagnée d’une photo et d’un commentaire, sur le groupe Facebook. Et le week-end, dans l’une des communes où chacun vient s’installer, comme lors d’une brocante, et se sert.

Sophie, installée depuis 2013 en Guadeloupe, cherchait comment « améliorer le monde ». Elle crée, en novembre de la même année, le groupe Gratiferia Guadeloupe sur Facebook. Immédiatement, « chacun a fait sa part de colibri ». « Nous ne sommes pas une association. Nous sommes tous locomotive pour arrêter de polluer et sortir de la société de consommation. L’urgence climatique est là. »

« Nous ne sommes pas une association. Nous sommes tous locomotive pour arrêter de polluer et sortir de la société de consommation. »

Depuis 3 ans, la Gratif’ récupère aussi les produits périmés (alimentaire, entretien…) issus de magasins de la grande distribution. « Au lieu de jeter, ils viennent vers nous. Ce sont des produits périmés à la vente mais pas à la consommation », ajoute Sophie, qui a vu ce « mouvement solidaire » prendre de l’ampleur en passant de 100 à 28 000 personnes.

Laura Albasini - Consigne de verre en Guadeloupe
Laura Albisini lance un projet de consigne du verre en Guadeloupe (Photo Lou Denim)

En Guadeloupe, pour l’amour du verre

Une soirée à refaire le monde, une fibre écolo déjà bien installée, l’envie de créer une entreprise… Il n’en fallait pas plus à Laura Albasini pour se lancer dans le projet de réemploi du verre en Guadeloupe. Le marché est à créer, les mentalités sont à changer mais cela ne fait pas peur à la jeune femme. « C’est quand même dans l’air du temps de parler de la consigne », indique-t-elle, en sortant de sa laveuse un bac de bocaux propres. En effet, en 2023, la loi exigera le retour de la consigne partout sur les territoires français et la Région Guadeloupe avait annoncé son intention de l’expérimenter dès 2021 sur le plastique et les canettes. « Sur le verre, il n’y avait personne, d’autant plus que je ne veux pas recycler mais réemployer. »

« Pour les petits producteurs, cela revient moins cher de racheter des bouteilles lavées que d’acheter neuf. »

Inlassablement, depuis deux ans, elle démarche les producteurs : rhumiers, brasseurs, apiculteurs, etc. L’idée ? Collecter les contenants en verre, décoller leurs étiquettes, les laver aux normes agroalimentaires et les revendre. « Pour les petits producteurs, cela revient moins cher de racheter des bouteilles lavées que d’acheter neuf », assure Laura. Mais aussi pour les gros.

Pour l’heure, elle est encore en expérimentation et entend atteindre, d’ici à mi-2023, le seuil qui lui permettra d’investir pour changer d’échelle. « 4 millions de bouteilles circulent par an en Guadeloupe, même si je ne lave pas tout c’est un gain écologique énorme pour l’île. » Dans un an, elle dressera un bilan carbone de son activité, pour prouver la vertu de l’économie locale circulaire. Et convaincre les rares récalcitrants.

Recyclage d'ordinateurs - Guyaclic Guyane
Dans le cadre d’un chantier d’insertion encadré par l’association GuyaClic’, Recyck Ordi collecte et répare des ordinateurs auparavant destinés à la déchetterie (Photo Jody Amiet)

En Guyane, des ordinateurs reconditionnés pour 150 €

Nos appareils informatiques jugés obsolètes finissent souvent stockés au fond d’un placard. Ils pourrissent, prennent l’humidité et deviennent, au bout de quelques années, inexploitables. En Guyane, l’association GuyaClic, au travers de son ACI Recycl’Ordi, collecte auprès de partenaires (collectivités, entreprises) ou de particuliers le matériel informatique usagé. « Le reconditionnement informatique, qui se fait à Cayenne, est l’activité intégrale de l’ACI », explique Angélina Azanza, la directrice de l’association qui, depuis sa création en 2015, a pour vocation d’équiper et de former les guyanais à l’outil informatique.

« La redistribution se fait soit gratuitement, comme lors des confinements où nous avons équipé 1 200 familles, soit via des ventes à prix solidaires. »

Ici, dans les locaux, chaque appareil est enregistré et les données effacées. En 2021, pas moins de 12 tonnes ont été collectées dont 7 revalorisées. « Nous avons 14 salariés qui s’occupent de reconditionner tout le matériel. La redistribution se fait soit gratuitement, comme lors des confinements où nous avons équipé 1 200 familles, soit via des ventes à prix solidaires. Nous avons une vraie demande, surtout sur les ordinateurs portables. »

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