Texte Amandine Ascensio  

Se faire incuber pour ne pas s’éparpiller

Murielle Tilot

Murielle Tilot – BB Myell’, incubée chez Les premières Guadeloupe

Son projet est né d’une frustration, quand elle habitait à Lyon. Lorsqu’elle attendait ses enfants, impossible pour Murielle Tilot de trouver des accessoires de puériculture qui lui rappelait ses racines, la Guadeloupe. Elle a donc décidé d’entreprendre pour répondre à ce besoin. “Mais quand on commence un projet on ne sait pas toujours par où commencer, on fait un peu tout sans être vraiment structuré”. À l’époque, en 2019, elle se fait accompagner par un coach, qui lui conseille de contacter Les Premières, l’incubateur pour les femmes entrepreneures. “J’ai aimé que l’entrée dans le programme soit sélectif, ça montrait le sérieux de l’endroit” raconte Murielle Tilot, qui salue l’accompagnement des Premières. “Cela m’a aidé à ne pas m’éparpiller, à structurer mon projet, à penser à mon marché et à être bien aiguillée”, dit-elle. Et puis, ajoute-t-elle, “il y a une vraie chaleur humaine et beaucoup de partages avec les autres porteuses de projets et les formateurs présents”. Désormais elle est au stade de la création et de l’enregistrement de sa société qui se développe déjà : elle a signé avec une grosse enseigne de puériculture qui présentera ses produits. 

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Aller plus loin grâce à des programmes internationaux 

Shirley Billot (Kadalys)

Shirley Billot – Kadalys, incubée à Station F (Martinique, Paris)

Fondatrice de la marque Kadalys, une gamme de produits de beauté à base de bananes, Shirley Billot a été incubée dans de nombreux programmes. “Au départ c’est de la chimie qu’on fait, après avoir développé des thèses universitaires sur les principes actifs de la banane”, indique l’entrepreneuse martiniquaise qui a fondé sa société dans son île. Une fois l’idée sur les rails, c’est grâce à Outre-mer Network, qui valorise l’entrepreneuriat ultramarin dans l’Hexagone notamment et particulièrement à Station F, l’incubateur géant proposé par Xavier Niel à la fin des années 2010 que le projet a pu se développer . “Être à Station F, c’est avoir accès à un réseau immense d’entrepreneurs et de programmes d’incubations”, raconte Shirley Billot, qui a successivement intégré des programmes chez L’Oréal, Google, avant de se tourner vers des programmes internationaux comme Unreasonable impact EU. “Chaque incubateur donne accès à des compétences spécifiques”, explique-t-elle avec une légère nuance : “cela prend du temps car ce sont des temps de formation, qu’il faut parfois préparer (notamment pour entrer dans ces programmes, ndlr), mais retenons qu’être mentoré c’est passionnant et stimulant”. Désormais, elle se tourne vers l’international : “L’état d’esprit anglo-saxon est très stimulant et en tant qu’Antillais, on n’y trouve jamais de préjugés, tant la diversité est un concept puissant dans ce milieu entrepreneurial”.

Tous services compris 

Igor Canonne (Nelia)

Igor Canonne – Nelia, incubé à ZeBox (Guadeloupe)

Le credo d’Igor Canonne c’est la prévention des accidents du travail, notamment sur des chantiers. “Lorsque j’ai eu l’idée de Nelia, l’application que j’ai développée qui permet de détecter les risques, j’étais un technicien mais n’avais aucune compétence ou réseau dans le monde des start-up”, explique-t-il. Lancé à la recherche d’un incubateur sur l’île de la Guadeloupe, c’est ZeBox, fraîchement ouvert (pas encore inauguré malgré des annonces dès 2020), qui a remporté son adhésion. “C’était le seul incubateur qui offrait un ensemble de services dont j’avais besoin : locaux, bureau, consultant et la communauté ZeBox (à Marseille originellement, ndlr) était hyper réactive”, détaille-t-il. Dans l’incubateur depuis 12 mois, il envisage de prolonger de 6 mois : “au bout d’une année j’ai eu des masses d’opportunités, y compris à l’international jusqu’en Afrique, pour le business, les recrutements, etc.”. “Mais attention”, prévient-il, “il faut quand même pouvoir suivre financièrement : l’incubation chez ZeBox (comme dans la plupart des incubateurs) demande une contrepartie financière qui peut avoisiner plusieurs centaines d’euros par mois, mais donne accès au panel de services”.

Le micro-crédit pour développer à bien un projet

Thierry Beltan (Guyane Brésil Transport - Oyapock)

Thierry Beltan, entreprise touristique Guyane Brésil Transport – Oyapock, incubé par l’Adie

Thierry Beltan, la petite soixantaine, est un entrepreneur depuis son plus jeune âge. D’abord marin, il a ensuite exercé comme guide touristique sur l’Oyapock, le grand fleuve guyanais à la frontière brésilienne. “La Covid a eu raison de cette activité en fermant les frontières avec le Brésil”, raconte-t-il. Touché de plein fouet par la crise sanitaire dans une région déjà faiblement touristique, il décide de changer d’activité. “J’ai contacté l’association pour le droit à l’initiative économique (Adie) pour qu’ils m’aident à me reconvertir dans le poulet laqué”, explique Thierry Beltan, qui confie “je faisais déjà un peu de poulet, mais comme ça…”

Une fois l’activité lancée, dans la période post-Covid, il sollicite à nouveau l’organisme d’accompagnement des micro-entrepreneurs. “Je me suis relancé dans l’activité touristique, mais sur le littoral et non plus sur le fleuve”, précise-t-il. “J’ai dû refaire des formations de navigations mais aussi monter un site internet. C’est là-dessus que j’ai été accompagné mais avec d’autres acteurs de l’économie d’ici (collectivité, CCI, etc.)”, dit-il fièrement. “Il ne faut pas oublier que l’immense majorité de nos entreprises ne sont pas des start-up, aux Antilles Guyane, mais des microentreprises qui sont l’essentiel du tissu économique : sans elles, pas d’activité”, tient à rappeler Jérôme Trinelle, directeur régional de l’Adie. “Un simple micro-crédit et c’est toute une vie qui change”.

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