Dans la région Caraïbe et au-delà, les tiques sont vectrices de maladies graves chez les ruminants. Le Cirad et le Département d’agriculture des États-Unis (USDA) s’associent pour mieux comprendre et contrôler l’émergence de maladies infectieuses. Zoom sur un programme de pointe.

Texte Sandrine Chopot – Photo Lou Denim

Le Cirad observe la “cowdriose”

« La Guadeloupe revêt un intérêt majeur dans le puzzle mondial afin d’anticiper l’émergence de nouvelles maladies infectieuses. » Damien Meyer, docteur en microbiologie, désigne entre autres maladies celles qui affectent les troupeaux de bovins, et notamment la “cowdriose”, une maladie tropicale mortelle des ruminants qui impacte fortement l’élevage local. Chercheur au Cirad, au sein du Centre de recherche et de veille sur les maladies vectorielles dans la Caraïbe (CRVC*), le scientifique livre donc une bataille, microscope et éprouvette en main, pour l’économie de l’élevage local et plus largement la santé des Guadeloupéens. Dans sa ligne de mire : une bactérie transmise par les tiques. Plus exactement, rigueur scientifique oblige, « une bactérie intracellulaire Ehrlichia ruminantium, transmise par les tiques du genre Amblyomma et plus par-ticulièrement Amblyomma variegatum, la tique sénégalaise », ajoute-t-il.

Lire Aussi | Faire la part belle à l’agroalimentaire local avec INOVAGRO

Recherche de haut niveau

Son employeur, le Cirad, produit une recherche d’excellence sur les maladies vectorielles en Guadeloupe, en collaboration étroite avec les partenaires régionaux et notamment le réseau de surveillance en santé animale CaribVET. Ces travaux de recherche visent à proposer des vaccins plus efficaces, des alternatives thérapeutiques aux antibiotiques notamment en santé humaine, et à empêcher la transmission de pathogènes par les insectes vecteurs. Dans le cas de la cowdriose, la maladie est présente en Afrique sub-saharienne et dans la Caraïbe et notamment en Guadeloupe continentale, à Marie-Galante et Antigua. Or, du fait du réchauffement de la planète, couplé à la circulation intense des humains et des animaux ou des produits d’origine animale, plusieurs études scientifiques suggèrent la possibilité d’une propagation à d’autres régions. Avec un risque de taille, « que la cowdriose devienne un lourd fardeau économique et sanitaire pour l’Amérique continentale », explique Damien Meyer. « Elle y est d’ailleurs déjà classée parmi les maladies animales prioritaires ».

Lire Aussi | Pour l’association AGOSSE : un crédo Manger-Bouger !

Nom de code : RACE

Le plan d’action orchestré depuis le laboratoire, en Guadeloupe, repose sur un programme de recherche baptisé RACE. Son objectif : renforcer la sécurité alimentaire dans les régions touchées par la cowdriose, en préservant la santé des cheptels de ruminants et les revenus associés. Cela passera par « une meilleure connaissance du dialogue entre une bactérie pathogène, son hôte et son vecteur », décrit Damien Meyer, afin de comprendre précisément « comment peuvent émerger de nouvelles maladies infectieuses bactériennes, sur de nouveaux territoires ou colonisant de nouveaux hôtes ». Et aussi par une analyse de la propagation des tiques, vecteurs de la maladie. Mieux, « en modélisant leur dynamique d’expansion, on mesurera, indirectement, l’impact des activités humaines (anthropisation et fragmentation des paysages) sur le risque d’émergence de maladies vectorielles », explique Damien Meyer. Pour le chercheur, il faut considérer la santé de manière globale dans un écosystème, selon le paradigme « Un monde, une santé » (One Health). Sur le plan de la santé, où que l’on se trouve sur la planète, animaux, plantes, hommes et environnement sont, qu’on le veuille ou non, étroitement liés.

* RACE (Risk of Arthropod-borne diseases in the CaribbEan)

** Le CRVC est le laboratoire de référence mondiale pour la cowdriose, pour l’Organisation Mondiale de la Santé Animale

Un millier de chercheurs
Lancée en 2021 à l’occasion du One Planet Summit, l’initiative PREZODE (PREventing ZOonotic Disease Emergence – Prévenir les risques d’émergence zoonotiques et de pandémies) regroupe plus d’un millier de chercheurs dans 50 pays sur 5 continents. Initiée par des organismes publics de pointe que sont l’Inrae, le Cirad et l’IRD, en concertation avec d’autres organisations de recherche, cette initiative rappelle plus que jamais qu’une approche « une seule santé » (One Health) intégrant santé humaine, santé animale et santé environnementale s’impose pour mieux anticiper de nouvelles pandémies et pouvoir les combattre.

Coordination de projet RACE
• Dr Damien Meyer (MSc, PhD)
Bactériologiste, responsable du centre de ressources biologiques MiVeC, Président-adjoint du Comité d’éthique en matière d’expérimentation animale Antilles-Guyane.
> 05 90 25 59 47 / damien.meyer@cirad.fr
• Dr Eric Etter (DVM, PhD)
épidémiologiste, coordination du réseau CaribVET.
> eric.etter@cirad.fr
• Valérie Rodrigues (MSc)
Immunologiste, expertise OMSA pour la Cowdriose.
> valerie.rodrigues@cirad.fr

Lire Aussi | Avec le programme JaFa : mon jardin, ma santé

Damien Meyer, chercheur en microbiologie au Cirad
Direction régionale du CIRAD aux Antilles-Guyane
Dr Magalie Jannoyer, directrice régionale du Cirad aux Antilles-Guyane
Site de Neufchâteau, Sainte-Marie,
97130 Capesterre-Belle-Eau
dir-reg.antilles-guyane@cirad.fr