Les particuliers jouissant d’un jardin sont encouragés à faire analyser leur sol afin d’y détecter d’éventuelles traces de chlordécone. Une mission accomplie avec passion par Frédéric Bourseau, animateur jardins créoles du programme JaFa. Rencontre.

Texte Sarah Balay – Credit Photo Stéphane Jumet

On parle de la chlordécone et de ses dangers depuis plusieurs années maintenant. De nombreuses idées reçues subsistent pourtant, lesquelles ? 

Il faut d’abord rappeler que toute la Guadeloupe n’est pas polluée à la chlordécone, une partie seulement. Ensuite, toutes les productions végétales n’y sont pas sensibles même lorsqu’elles poussent sur un sol contaminé : c’est le cas des bananes, ananas, pois, christophines, maracujas, fruits à pain, choux, aubergines, tomates, papayes, etc. À l’inverse, les gens ont également tendance à oublier les risques qu’ils encourent à pêcher poissons, mollusques et crustacés dans certaines zones contaminées en rivière et en mer.

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Pourquoi est-ce important d’encourager les particuliers cultivant un jardin à faire analyser leur terrain auprès de JaFa ?

Compte tenu de la toxicité de la chlordécone, faire une analyse de sol est une manière de préserver sa santé et celle de son entourage. Depuis 2016, la demande se fait auprès du programme des jardins familiaux JaFa, piloté par l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS).  L’analyse est totalement gratuite et concerne tous les secteurs de l’archipel. Car même si l’on ne vit pas au niveau du croissant bananier (de Petit-bourg à Vieux-Habitants), tant que nous ne connaissons pas l’historique de son terrain, nous avons tout intérêt à vérifier. Les apports de terre sont fréquents d’où l’intérêt de faire l’analyse sur toutes les communes. L’étude du sol permet de déterminer son niveau de chlordécone. En fonction des résultats, des recommandations de culture et d’élevage sont fournies. Le but étant de s’adapter à cette pollution sans le vivre comme une fatalité. Car il y a toujours moyen de produire sans risque.

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Peut-on aujourd’hui s’approvisionner en denrées alimentaires locales sans prendre de risque ?

Lorsque l’approvisionnement passe par l’achat, il n’est, en effet, pas toujours facile de distinguer un produit provenant d’un circuit formel ou informel. C’est pourquoi nous recommandons le choix du circuit court directement auprès d’agriculteurs et de pêcheurs professionnels ou encore des circuits contrôlés : poissonneries, boucheries, primeurs, marchés ou supermarchés pour une meilleure traçabilité. C’est toujours intéressant d’acheter auprès d’un professionnel formé à informer et dont c’est la responsabilité de fournir un produit sain. Les filières sont actuellement en train de se renforcer afin d’améliorer leur visibilité auprès des consommateurs notamment. Lorsque l’approvisionnement provient d’un don, c’est toujours plus délicat car nous sommes souvent moins vigilants sur la provenance des produits. Nous recommandons toutefois la plus grande prudence, notamment au niveau des œufs, et de s’abstenir en cas de doute. Encourager ces personnes à faire analyser leur sol est un véritable conseil santé puisqu’elles sont les premières exposées à leurs produits.

*IREPS : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé

Un pesticide toxique
La chlordécone est la substance active de deux insecticides commercialisés sous le nom de Képone et Curlone pour lutter contre le charançon du bananier. Bien que son usage ait cessé, on la retrouve encore dans notre environnement principalement dans les zones qui étaient cultivées en banane de 1972 à 1993 entre Petit-Bourg et Vieux-Habitants. En 2006, les modèles scientifiques prédisaient une pollution sur 600 ans environ pour les sols les plus pollués. Depuis 1979, la chlordécone est considérée comme cancérogène possible pour l’homme. Pendant ces quarante dernières années, de nombreuses nouvelles études ont confirmé le caractère toxique de la molécule, classée également perturbateur endocrinien. Les recherches continuent pour mieux comprendre son impact sur la santé. Les humains se décontaminent progressivement (deux à trois ans) lorsqu’ils cessent de manger des produits contaminés. Chez les animaux, les délais sont plus courts : environ 2 mois pour les poules, par précaution, il est recommandé un an de décontamination pour les ruminants et les porcins.

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Demander une analyse de sol chlordécone
JaFa : 0590 95 41 17
www.jafa.gp