Fer de lance de l’économie locale, l’Office de Tourisme de Saint-Martin s’est adapté ces dernières années pour répondre à l’évolution de la demande de touristes désormais en quête d’expériences. Créateur d’événements, hyper actif sur les réseaux sociaux, drainant plus de 6 millions de visiteurs sur le web, assurant la promotion de la destination à l’étranger… il multiplie les actions pour faire de Saint-Martin une destination haut de gamme. Rencontre avec Valérie Damaseau, sa présidente.

Texte Ann Bouard – Photo Donovane Tremor

Il faut comprendre la culture de l’île pour la promouvoir.

Valérie Damaseau, présidente de l’Office de Tourisme de Saint-Martin

2017 – 2023, le chemin a été chaotique. Cette saison est-elle celle du renouveau ?

L’année de référence reste 2016 ; juste avant Irma nous avions fait une saison exceptionnelle. À mon arrivée en 2017, il a fallu partir d’une page blanche, recadrer les choses, prendre le temps de faire les travaux et surtout regagner la confiance des socio-professionnels. Ce travail de base a été fait grâce à la confiance qui m’a été accordée et à l’équipe autour de moi, prête à relever tous les défis. Aujourd’hui, on commence à en récolter les fruits et sur les deux premiers mois de l’année les chiffres des deux aéroports sont très positifs. On ne peut pas encore dire que c’est un record, mais nous avons effectivement eu beaucoup plus de monde sur le territoire.

Qu’est-ce qui a changé ?

Le marché se caractérisait par une forte fréquentation de clients fidèles, notamment les touristes nord-américains. Nous avons désormais une nouvelle génération, à la recherche d’offres différentes. C’est ce sur quoi nous travaillons pour avoir un produit plus solide, plus complet. Dans le schéma territorial de développement touristique de 2018, nous avions listé les atouts à développer. Depuis trois ans, les campagnes de promotions sont déclinées en fonction de thématiques en lien avec nos atouts, comme la Romance qui correspond à un besoin de séjours plus intimistes hors du tourisme de masse, ou encore la gastronomie, les événements, avec cette année 10 rendez-vous phares. Pour 2024, nous réfléchissons déjà à d’autres produits adaptés à la provenance des visiteurs et à d’autres axes, comme le nautisme. Nous avons la chance d’avoir des hôtels à taille humaine, ce qui contribue à développer ce positionnement de haut de gamme et nous souhaitons aller vers un classement des villas, un autre point fort de la destination.

Est-ce que la promotion est différente entre les deux parties de l’île ?

Nous avons un melting-pot unique et une frontière qui n’existe pas à tel point que les gens font l’amalgame entre Saint-Martin et Sint Maarten. Mais nous avons un service de qualité qui n’a rien à voir avec le tourisme de masse de la partie sud. Cependant l’aéroport international étant au sud, nous ne pouvons pas nous détacher de la partie hollandaise pour les dessertes aériennes. Pour négocier avec les compagnies, nous devons être unis ne serait-ce que pour donner une capacité d’hébergement conséquente afin que la destination soit toujours desservie. Sur certains pays comme les États-Unis, nous devons mutualiser nos moyens, mais pour d’autres, on promeut les spécificités de la partie française. On fait du sur-mesure pour le marché européen ou on valorise le tourisme d’affaires, développé par notre aéroport régional.

Est-ce qu’une marque de destination serait appropriée pour Saint-Martin ?

L’Office de tourisme a sollicité Atout France pour un accompagnement dans la création de la marque de destination. C’est un travail à mener également pour l’aspect commercial sur l’EPIC, l’Office de tourisme n’ayant pas encore développé la commercialisation. Avoir une signalétique pour les sites historiques, leur donner vie en permettant aux locaux d’y exposer, mettre en avant les produits, imaginer des circuits culturels incluant la sucrerie de Concordia, l’ancienne prison, les églises… sont autant de projets qui pourraient s’inscrire dans cette démarche. Cela prendra du temps et il faudra le valoriser par le biais de nos agences de représentations. Elles seront choisies, voire certifiées, pour leur connaissance de la destination et ses particularités. Il faut comprendre la culture de l’île pour la promouvoir.

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Peut-on parler de tourisme durable pour Saint-Martin ?

L’accompagnement d’Atout France a permis un éclairage sur les labellisations et certifications existantes en matière de tourisme durable. Leur rapport permet d’appréhender les étapes à franchir, pour être reconnue à terme comme destination durable. C’est un long chemin qui se fera avec la CCISM pour accompagner les acteurs du tourisme dans cette transition. La Collectivité de Saint-Martin est consciente que cet accompagnement à travers des conditions favorables est indispensable pour poser les bonnes bases. Ensuite, il faut voir comment on accompagne, quels sont les dispositifs à mettre en place pour obtenir ce label. Politiquement, la décision a été prise de réhabiliter les friches hôtelières et de ne pas développer plus de 3 000 à 3 500 chambres, pour rester dans un produit haut de gamme et éviter le tourisme de masse.

De quoi êtes-vous la plus fière et êtes-vous optimiste pour l’avenir ?

En 2017, l’Office de Tourisme communiquait peu, ne faisait pas l’unanimité de la population et n’avait pas de bonnes relations avec les socio-professionnels. Je suis fière de ce travail de fond qui a été mené avec le comité de direction et une petite équipe de 15 personnes, fidèle et motivée. Ensemble nous avons regagné cette confiance et trouvé un juste équilibre entre les acteurs du tourisme et la population. C’est important, car il n’y a pas de produit touristique sans eux. La culture est maintenant le cœur du produit touristique et l’on ne choisit plus Saint-Martin uniquement pour ses plages. Je suis aussi très fière du Festival de la gastronomie, et du fait que les gagnants des concours deviennent des ambassadeurs de notre destination.

Aujourd’hui à chaque fois que l’on a la possibilité de promouvoir la destination, on s’aperçoit qu’il manque un petit quelque chose. Il faut alors à nouveau innover, créer des événements, du jamais vu. Je suis très optimiste car nous n’avons pas encore atteint nos objectifs et Saint-Martin n’a pas encore développé tous ces atouts et montré tout son potentiel. C’est motivant !

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2016, année de référence – 2023, année de reprise
Si pour beaucoup de secteurs du tourisme, 2019 est l’année de référence, à Saint-Martin les choses diffèrent un peu car 2017 était aussi l’année d’Irma. Malgré tout, il semblerait que cette saison s’achève sur une note plutôt optimiste.
Les chiffres n’ont pas encore été publiés dans leur intégralité, mais on peut penser qu’ils seront plutôt positifs si l’on en juge les statistiques des deux premiers mois de l’année. Le CTO (Caribbean Tourism Organization), qui regroupe 27 destinations de la Caraïbe, annonce que Saint-Martin a enregistré la plus forte progression avec 51,3 %.
L’aéroport de Princess Juliana renoue avec une fréquentation normale avec plus de 45 312 visiteurs en janvier (63 831 en 2016). Même constat du côté de l’aéroport de Grand Case qui a connu des pics de fréquentation lors de chaque événement. En mai, grâce au festival Lov3Days notamment, ce sont plus de 712 mouvements d’avion qui ont été enregistrés, avec une pointe de plus 1 000 passagers sur la seule journée du 26 mai. Sur ce mois de mai, à titre de comparaison, 2023 comptabilisait 19 272 pax contre 17 718 en 2019 et 16 716 en 2022.

Un kiosque au cœur de la ville
Porte d’entrée pour découvrir le territoire, le kiosque de l’Office de tourisme de Saint-Martin a vu le jour il y a tout juste un an. Situé sur le front de mer sur une zone à fort passage, à deux pas de la gare maritime, il est le point de rencontre de tous les visiteurs en quête d’informations. Deux conseillères sont présentes pour répondre à toutes les questions sur les activités, indiquer les lieux incontournables à visiter, conseiller sur les restaurants, renseigner sur les caractéristiques des plages, donner les bons plans shopping… utile même pour les résidents ! Il est aussi un moyen d’avoir un retour sur les attentes des touristes pour adapter l’offre et l’Office de tourisme travaille déjà sur des itinéraires personnalisés, en couple, en famille ou seul et sur des packages thématiques.
Périodiquement, le kiosque devient le théâtre d’animations visuelles et sonores relatant des pans du patrimoine historique de l’île.
Accueil du lundi au vendredi de 9h à 17h – 5 du boulevard du Docteur Petit.
« The Friendly Cuisine »
La réputation de Saint-Martin en matière de gastronomie n’est plus à faire mais il manquait cependant un guide pour valoriser ce patrimoine culinaire. C’est désormais chose faite avec The Friendly Cuisine le premier magazine annuel consacré à la gastronomie et édité par l’Office de tourisme.
Au fil des pages, il présente des chefs, de jeunes talents, des agriculteurs, plus d’une centaine de restaurants et plus largement tous les hommes et les femmes qui œuvrent pour faire rayonner ce savoir-faire saint-martinois bien au-delà de la Caraïbe. Cinq photographes, bien connus sur l’île, ont illustré cette première édition avec de merveilleux clichés, notamment sur la dernière édition du Festival de la gastronomie. En version luxe ou en version souple, le guide est distribué dans les chambres d’hôtels. Tous les acteurs du tourisme peuvent se le procurer auprès du service communication de l’Office de tourisme. On pourra bientôt également le télécharger directement sur www.st-martin.org.

Festival de la gastronomie, focus hibiscus !
Quatorze chefs internationaux, des ateliers culinaires pour adultes ou pour enfants, un village de la gastronomie, des concours de BBQ et de mixologie, des démonstrations, des menus d’exception dans les restaurants, et de nombreuses autres animations… le festival de la gastronomie de Saint-Martin est devenu en deux ans à peine the place to be pour tous les gourmets. La 3e édition, plus qu’attendue, risque de surprendre par son ampleur et se déroulera du 11 au 22 novembre 2023.
Après le tamarin en 2021, la banane plantain en 2022, c’est l’Hibiscus sabdariffa, ou autrement dit groseille-pays, qui sera en vedette cette année. Les restaurants partenaires proposeront une spécialité ou un menu complet pour la sublimer. Un jury dégustera les meilleurs créations pour attribuer le prix de la meilleure table de l’île. Deux nouvelles catégories, traiteur et food truck, font leur entrée dans le concours cette année aux côtés des catégories Beach Stars, Gourmet Stars et Authentic Stars.
Le Festival de la gastronomie qui lance la saison touristique, joue désormais un rôle majeur dans l’attractivité du territoire. On estime que ce sont quelques 900 000 € qui ont été réinjectés indirectement l’année dernière dans l’économie locale.
Pour découvrir en avant-première les animations à venir, guettez les vidéos des influenceurs sur les réseaux sociaux dès cet été !