Retour au pays. Alors que tout la portait à embrasser une carrière dans la haute administration, Ayanna Mouflet est revenue en Martinique pour y développer une filière bio. A 29 ans, elle revendique un quotidien simple et respectueux de la nature. – Texte Clara Tran, Photo Pierre de Champs

Ne vous y trompez pas : Ayanna Mouflet a beau afficher la grâce d’une libellule, un côté très posé, c’est avant tout une battante à l’intelligence condensée et aux convictions solidement ancrées.

Son stage à l’ONU et ses études à Sciences Po Toulouse puis l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, auraient pu la conduire à embrasser une carrière diplomatique.

Mais la jeune Martiniquaise qui a grandi à Schoelcher, entre un père entrepreneur à New York et une mère professeure de français, en a décidé autrement. 

Ayanna Mouflet, créatrice des Cols Verts Martinique, devenus “Ta Nou”

Il y a trois ans, elle est revenue sur son île, avec un pari fou : développer une filière bio et rapprocher Madinina de l’autonomie alimentaire. Aujourd’hui, son association Ta Nou, “C’est à nous” en créole, travaille avec une dizaine de producteurs et livre chaque semaine une soixantaine de paniers bio et sans chlordécone.

2,5 tonnes de produits, des patates douces, de la papaye, des feuilles de moutarde… Signe du virage numérique de l’agriculture locale, les commandes se font en ligne via une plateforme. Et à l’en croire, « les demandes ont beaucoup augmenté avec le confinement », se réjouit-elle.

Inspirée par Pierre Rabhi et Gandhi

Au téléphone, la voix est douce mais se perd parfois dans les coupures de réseau. « Je vis dans un endroit très protégé, dans le sud de l’île », souffle la jeune femme. À 29 ans, son quotidien est simple, écolo, campagnard.

Elle passe beaucoup de temps à lire, Gandhi, son maître, ou le moine boudhiste Thich Nhat Hanh. Elle ne semble nullement éreintée par ces derniers mois de pandémie.

Elle dit : « Avec le confinement, beaucoup de personnes ont pris conscience qu’on s’est éloignés de la vie. »

« On arrive à un moment où l’on ressent le besoin de se connecter à la nature, de s’affirmer en tant qu’être. Pour moi, ça a été un long cheminement. »

La découverte du penseur de la sobriété heureuse, Pierre Rabhi, a été pour elle un éblouissement. En phase avec le paysan ardéchois, elle plaide pour une écologie consensuelle et se tient à distance des idéologies.

Ayanna Mouflet précise : « Je n’aime pas les clivages. La gauche et la droite avaient un sens dans le contexte de l’industrialisation mais aujourd’hui, tout est à réinventer en tant que génération ». 

Une vie simple et écologique pour nouvel horizon 

Fâchée avec l’inaction, elle lance en 2017 avec le maraîcher Pierre-Gilles Iman, la Ferme agro-écologique du Prêcheur. Une dizaine de demandeurs d’emploi, de tous les âges et de tous les horizons, s’y forment pendant deux ans à la permaculture.

Aujourd’hui, elle se félicite que ses paniers bio n’attirent pas que les férus du bio ou les militants écologistes. Elle se réjouit que sa grand-mère, un temps inquiète par ses choix de “carrière”, la soutienne.

Elle vient de laisser les rênes de son association à deux amies. Ayanna Mouflet a de nombreux projets. Dans l’ordre :

  • Se construire une Tiny House, petite maisonnette nomade et écologique.
  • Créer un éco-village et y planter une école à la pédagogie alternative.
  • La politique ? “Pourquoi pas. Je suis les causes que j’ai envie de défendre”.
A lire également
L’agriculture bio et locale pour tous, l’ambition du PDER de Léon Tisgra
Ka’Ba Péyi a, un marché participatif, zéro pesticide et zéro déchet
5 initiatives autour du jardin créole à découvrir aux Antilles-Guyane