Avec 30% des émissions carbone produites par le secteur des transports, soit la source d’émission la plus importante, et 20% du budget des ménages, la mobilité durable représente un véritable enjeu. 

Pour être qualifiée de durable, la mobilité doit répondre aux enjeux de développement durable, tels que l’énergie, la biodiversité, le changement climatique et la pauvreté. Services d’autopartage, flottes de scooters électriques ou de vélos en libre-service, intermodalité, développement des transports en commun, sont autant de nouvelles mobilités qui permettraient d’atteindre ces objectifs.

Pouvons-nous à l’échelle de nos territoires développer une mobilité durable ? Réponses de Laurent Brino, chargé de mission des politiques de mobilité et observation des transports, et Cyrille Liroy, chef du Service Transports mobilité sécurité à la DEAL Martinique. 

Cyrille Liroy et Laurent Brino - chargés de la mobilité durable - DEAL Martinique
Cyrille Liroy et Laurent Brino de la DEAL Martinique – Photo Jean-Albert Coopmann

Quel état des lieux faites-vous de la mobilité en Martinique ? 

Laurent Brino : Bien que l’offre de service des transports en commun se soit améliorée ces dernières années, notamment avec la mise en place du TCSP et l’achèvement de la couverture de l’ensemble du territoire avec l’organisation en marche du réseau Nord de la Martinique, la voiture représente encore 75% des déplacements.

Avec pour conséquences une congestion routière insoutenable, de la pollution mettant en péril notre biodiversité et notre santé, et surtout des émissions carbone contribuant au dérèglement climatique.

« En raison du faible report modal, c’est-à-dire du recours encore trop faible des automobilistes à d’autres modes et en particulier le transport en commun, les services urbains comme interurbains ne représentent toujours que 9% de la mobilité. »

La quasi-absence d’aménagements cyclables (moins de 10km sur tout le territoire) et le manque d’accessibilité pour les personnes valides et à mobilité réduite sont autant de freins qui pénalisent les citoyens au quotidien et pour lesquels des évolutions significatives sont nécessaires au regard des enjeux du territoire. 

Quels sont les leviers envisageables pour développer cette mobilité durable ?

L.B. : Premièrement, une offre de transport multimodale organisée autour des transports en commun s’impose. Ce qui implique le partage des supports de la mobilité (routes et site propre) mais s’appuie aussi fortement sur les potentialités du transport maritime.

Il s’agit ensuite de mettre en œuvre l’autopartage de véhicules, vélos ou trottinettes en libre-service et de promouvoir davantage le covoiturage, l’utilisation des deux-roues électriques et les modes de déplacements actifs ainsi que la mobilité solidaire, afin que ces modes de transport se substituent progressivement à la culture de la voiture en solo.

« Ce nouveau modèle économique devra par ailleurs engager les ménages dans la démotorisation thermique. »

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Recharge véhicule électrique

Comment la DEAL intervient-elle en la matière ? 

Cyrille Liroy : La DEAL et l’ADEME, relais territoriaux des enjeux du ministère de la Transition écologique, ayant à ce titre vocation à mobiliser et accompagner, y compris financièrement, l’ensemble des acteurs locaux autour de cette thématique, sont incontournables dans ce vaste chantier.

Nous assurons entre autres le portage des appels à projet et l’instruction des dossiers de candidature afin de développer la cohérence des actions de mobilité mises en place, qu’elles soient aériennes, terrestres ou maritimes.

C’est notamment à cet effet et pour améliorer la capacité d’intervention de la DEAL qu’a été créé le poste de chargé de mission occupé par Laurent Brino, ingénieur des Travaux publics de l’État. 

Comment est organisée la mise en œuvre de ces stratégies de mobilité durable ? 

L.B. : La responsabilité de la mise en oeuvre de ces nouvelles mobilités urbaines revient aux pouvoirs publics, chargés de l’adaptation des infrastructures :

  • politique de partage de l’espace public
  • création d’aménagements dédiés
  • réduction voire suppression du stationnement avec organisation de celui-ci dans des parkings relais en périphérie de la ville
  • mise à disposition de bornes de recharge électrique…

A savoir : depuis le 1er juillet 2017, Martinique Transport est l’unique Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) en Martinique sur l’ensemble du territoire. Elle a ainsi la responsabilité des transports urbains et interurbains, le transport maritime, le transport scolaire, le transport des élèves en situation de handicap et le transport à la demande.

Par ailleurs, la loi dite « Mobilités » renforce le champ d’action de l’AOM en matière de mobilités actives (vélos) et partagées (covoiturage) ainsi qu’en matière de mobilités solidaires pour assurer le droit à la mobilité des plus fragiles.

Le réseau routier, outre les voies communales et communautaires de la Martinique (soit 920 kilomètres linéaires, RN et RD), relève lui directement de la compétence de la Collectivité Territoriale de Martinique.

« Pour que cette mobilité durable advienne sur notre territoire, sa gouvernance doit être globale. A cet effet, les acteurs publics y compris les communautés d’agglomérations et les communes peuvent compter sur la cohésion des institutions publiques telles que la DEAL. »

Mais aussi, s’appuyer sur une meilleure prise en compte de la parole des usagers et une plus grande collaboration avec le monde professionnel des transports et des porteurs de projets; ces derniers faisant preuve d’initiatives locales et innovantes, et se rendant par là même, des partenaires incontournables de l’aménagement et de l’utilisation de notre patrimoine commun.

Vélo électrique
Vélo électrique – Photo Unplash.com

Qu’est-il prévu dans le plan de relance 2020 sur la mobilité ?

C.L. : L’écologie figure parmi les trois priorités (en plus de la compétitivité et de la cohésion) du plan de relance pour réactiver l’économie. Sur les 30 milliards destinés au financement de la transition écologique, 13.3 Mds d’€ concernent directement ou indirectement les transports. 

La France de 2030 devant être plus verte, plus respectueuse du climat, les transports seront plus propres : le train, les véhicules électriques, mais aussi les transports en commune et le vélo.

Parmi ces mesures, la Martinique a retenu la thématique de la mobilité, particulièrement les mobilités du quotidien qui visent à : 

  • Développer le plan vélo : accélération sans précédent de travaux d’aménagement de réseaux cyclables
  • Accélérer les projets de transports en commun : développement de nouvelles offres de services de transports collectifs dans les zones urbaines (1.2 Mds d’€)
  • Accélérer les travaux d’infrastructures de transport visant notamment la promotion et l’accélération du report modal de la voiture vers les transports en commun et les modes partagés : voies réservées, parkings relais, pôles d’échanges multimodaux, etc. (550 Md’€)
  • Verdir les ports qui accompagne le renforcement de leur compétitivité économique : énergies propres offertes aux navires évitant ainsi les émissions polluantes (200 Md’€).
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Vous parliez de démotorisation thermique. Comment justement décarboner le secteur des transports ?  

L.B. : En effet, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) qui a été promulguée en décembre 2019, fait du déploiement du véhicule électrique une priorité pour parvenir à la neutralité carbone en 2050. Ainsi dès 2040, la vente des véhicules thermiques (essence et diesel) sera interdite. 

Le verdissement des flottes de véhicules concerne également l’autre moitié du marché du véhicule neuf, celui des administrations, des collectivités territoriales, des entreprises, des loueurs et des centrales de réservations, qui devront augmenter progressivement leur flotte de véhicules à très faibles émissions. 

« Ce déploiement des véhicules électriques ne peut se faire que par la décarbonation progressive de l’électricité, par le recours aux énergies renouvelables intermittentes (solaire, éolienne) ou non intermittentes (biomasse). »

Les entreprises peuvent d’ailleurs améliorer leur performance énergétique et environnementale par le biais du programme Engagement Volontaires pour l’Environnement (EVE).

Ce programme s’appuie sur une approche intégrée de toute la chaîne “transport”, afin de créer une plus grande collaboration entre les entreprises, les transporteurs et les donneurs d’ordre. Cela permet d’envisager l’électrification des véhicules de transport de marchandises d’ici 5 ans.

Pour ce qui est de l’aviation et du secteur maritime, l’amélioration de l’efficacité énergétique de ces secteurs viendra davantage des progrès technologiques en matière de carburants (bio-kérosène pour l’avion et ammoniaque pour le maritime) mais aussi du verdissement des infrastructures.

A titre d’exemple, l’électrification d’une partie des quais du Grand Port Martinique est un engagement fort dans le verdissement du Port.

Cependant, à l’instar du maritime, l’aérien est un secteur très internationalisé sensible aux coûts, donc difficiles à décarboner….

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Quelles perspectives pour la décarbonation des transports en commun ? 

Nous avons vu que les transports de demain devront s’adapter voire provoquer l’évolution des usages; mais ils devront aussi et surtout être propres. Sur cette question, les avancées technologiques sont déjà au rendez-vous pour apporter des solutions.

En application de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte et du décret « bus propres », les autorités organisatrices de la mobilité sont ainsi tenues de renouveler leur flotte de bus avec du matériel à faible émission.

C’est-à-dire, des bus utilisant les technologies « électrique », « à hydrogène », « au gaz naturel » particulièrement, partiellement à partir de 2020, et complètement à partir de 2025, au fil des renouvellements de flottes de véhicules. 

Ainsi, les réseaux de bus et de cars deviennent les chefs de file de la transition énergétique et de la mobilité durable.

« Le déploiement de transports collectifs routiers propres entraînera une réelle amélioration de l’environnement local (qualité de l’air, environnement sonore, etc). »

La mobilité durable implique donc de se déplacer mieux. Mais ne faudrait-il pas également se déplacer moins ? 

La mobilité durable interroge également la nécessité des déplacements, ce qui pourrait impliquer des arbitrages sur nos activités; ou au moins nous inciter à emprunter des trajets moindres et plus lents, et probablement moins confortables.

Pour agir sur les déterminants de la mobilité, sur ce qui nous pousse à nous déplacer, il conviendra à la fois de :

  • Densifier les villes pour réduire ces déplacements
  • Développer le télétravail
  • Coordonner le développement de la ville avec celui des transports en commun
  • Développer les aménagements cyclables
  • Rendre les trottoirs accueillants…

Il s’agit également d’optimiser le remplissage des voitures et des camions de transport de marchandises pour réduire les déplacements, et de se regrouper davantage, en augmentant l’usage des transports en commun. 

« Évidemment, il y a encore aujourd’hui de fortes incertitudes sur le contexte macro-économique, les possibilités technologiques et l’acceptabilité de mesures de sobriété, qui permettrait l’avènement d’une mobilité durable. »

Néanmoins, notre capacité collective de gestion dans l’incertitude est aussi une clé d’optimisation des politiques publiques et peut constituer de possibles succès !

DEAL Martinique
Pointe de Jaham – BP 7212
97274 Schoelcher cedex
www.martinique.developpement-durable.gouv.fr