Santé publique. Les voyants restent rouges et la situation sanitaire se dégrade. Après un an de pandémie mondiale, l’Agence Régionale de santé de Guyane (ARS) demande aux Guyanais de rester vigilants car le virus circule toujours sur le territoire.

C’est une situation encore délicate pour la Guyane. Après douze mois de pandémie et des vagues successives sur le territoire, l’Agence Régionale de Santé identifie de nouveaux signaux qui révèleraient une potentielle reprise.

Explications avec Solène Wiedner-Papin, directrice de la santé publique et Mathilde Ballet, docteure en pharmacie à l’ARS Guyane.

Les derniers chiffres recensés par Santé Publique France annoncent une reprise de l’épidémie en Guyane début avril. Pouvez-vous nous en dire plus ?  

Solène Wiedner-Papin : Oui, les chiffres ne sont pas très bons. La circulation du virus est en hausse sur l’ensemble du territoire. Nous observons des clusters de plus en plus importants qui touchent des cercles de plus en plus vastes et ceci n’est vraiment pas bon signe.

Comment l’expliquez-vous ? 

Les causes de la circulation épidémique d’un virus sont toujours multifactorielles. Depuis plusieurs semaines, on assistait à ce qu’on appelle une circulation à « bas-bruit ». Comme son nom l’indique, cela signifie que le virus continue de circuler tout en étant maitrisé.

On sait évidemment aujourd’hui que le relâchement des « gestes barrières » peut avoir une conséquence directe sur la reprise de l’épidémie.

Lorsque la situation s’est améliorée, les Guyanais ont repris une vie sociale, les gestes barrières ont sans doute été oubliés lors de rassemblements, ce qui est tout à fait normal : après plus d’un an à entendre parler du Covid, il est difficile de toujours maintenir la vigilance.

En santé publique, on sait très bien qu’il faut des années pour faire changer des comportements, avec le Covid nous demandons aux personnes de changer leurs habitudes très rapidement.

« Le réel tournant a été l’arrivée rapide et exponentielle des variants (V3 brésiliens et V1 britanniques) qui sont plus contagieux et touchent les plus jeunes. »

En une semaine, nous voyons le nombre de cas évoluer notamment sur l’île de Cayenne et Kourou et des personnes beaucoup plus jeunes qui sont hospitalisées.

Ces chiffres scientifiques se basent sur des faits concrets, recensés à partir de ce qu’on appelle le « contact tracing ». Peut-on revenir ensemble sur cette méthode ? 

Mathilde Ballet : Les actions de lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 imposent, pour des motifs d’intérêt public, la mise en œuvre par la (CGSS) Caisse nationale de l’Assurance Maladie d’un télé-service nommé « Contact Covid ».

Contact Covid est l’outil mis à la disposition des professionnels de santé et structures assurant la prise en charge sanitaire et médico-sociale (médecins, laboratoires de biologie et pharmaciens, établissements de santé, etc.) ainsi que des agents habilités de l’Assurance Maladie et des agences régionales de santé (ARS).

Cela nous permet d’identifier rapidement les personnes infectées et les personnes avec lesquelles elles ont été en contact. 

Solène Wiedner-Papin :

« La cellule de Santé Publique France en Guyane est destinataire des données pour assurer ses missions de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation. »

Au cours des dernières semaines, de nombreuses situations sont arrivées au niveau 3 du Contact Tracing, c’est-à-dire de clusters compliqués gérés en direct par les équipes de l’ARS du taux d’incidence en Guyane et c’est pour cela que nous sommes obligés de sonner la sonnette d’alarme. 

Face à ces signaux rouges, quel message voulez-vous faire passer à la population ?  

Solène Wiedner-Papin : On ne le répètera jamais assez mais il faut respecter les gestes barrières, en famille, avec ses collègues de bureau et entre amis. Le respect du port du masque, le lavage des mains pendant 20 secondes et puis… évidemment le dépistage.

Faire le test, c’est nous assurer de limiter la propagation des virus et la limitation de cas en isolant le plus rapidement possible les personnes malades. Pour rappel, le virus se transmet parce que nous avons des contacts sociaux dans des endroits clos, sans aération avec une exposition forte.

Je comprends qu’après un an de pandémie, il est difficile de rester vigilant. Je ne condamne d’ailleurs pas l’attitude des Guyanais qui ont fait preuve de résilience et qui ont respecté les règles imposées pendant plus de douze mois.

Ces contraintes sont difficiles à vivre au quotidien, nous avons tous envie de retrouver une vie normale, de partager des moments avec nos proches.

« Le Covid nous montre qu’il ne s’agit pas d’un sprint mais d’un marathon contre le virus et qu’il nous faut tous continuer les efforts. »

Et sur le plan de la vaccination, quel est votre positionnement ?  

Aujourd’hui, en France, on a le droit de ne pas se faire vacciner. A la base de toute campagne vaccinale, l’ARS n’a pas pour rôle de forcer à la vaccination, mais bien de donner tous les éléments nécessaires pour éclairer un choix autour de la vaccination car il faut que tout un chacun ait accès à cette information scientifique vérifiée.

Comme pour le Covid truck, nous sommes aujourd’hui accompagnés de partenaires qui répondent présents pour informer les populations sur le terrain. De nombreuses associations et des relais communautaires battent le pavé tous les jours pour sensibiliser les Guyanais.

Notre deuxième axe stratégique est de protéger les personnes fragiles qui risquent d’aller en réanimation. Les personnes âgées, en surpoids, diabétique, les personnes en grande précarité et les HTA (hypertension artérielle).

Dans un troisième temps, notre fonction est d’accompagner tous les Guyanais qui souhaiteraient se faire vacciner, nous avons d’ailleurs ouvert la vaccination à toutes les personnes de plus de 30 ans. Nous sommes dans l’incitation à le faire mais jamais dans l’injonction

En ce qui concerne la disponibilité des doses, où en sommes-nous ? 

Au 31 mars, nous en sommes à 13 000 injections en Guyane dont 4000 personnes qui ont fait les deux injections. Comme le cahier des charges des personnes les plus à risque a été respecté, nous recevrons 19 000 doses en avril et 42 000 doses en mai.

Ce sont de bonnes nouvelles qui nous permettent d’envisager un avenir avec plus d’espoir ! 

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