Musique. Le groupe de musique la Maafia fête ses 40 ans et pour l’occasion, Jean-Michel Cabrimol, le fondateur, s’est confié à EWAG.

La musique a quelque chose d’ineffable. La vivre est la seule option. C’est ce que fait, intensément le groupe de la Maafia depuis maintenant 40 ans et l’histoire est racontée pour la première fois…

Au commencement

Avant de raconter l’histoire de la Maafia, c’est celle de Jean-Michel qu’il convient de narrer. Ou plutôt celle d’un jeune garçon de la campagne du Lorrain, fasciné par son frère aveugle et tétraplégique avec lequel il partage à travers le son de la radio, une complicité toute particulière.

« Petit, la musique était une échappatoire… Mais tout a vraiment commencé, quand à 14 ans, j’ai occupé le poste de batteur pour le groupe des Léopards dans le garage de mon père transformé en dancing. »

« Je voyais des groupes des quatre coins du monde et j’apprenais toutes les chansons à l’oreille. C’est ainsi que l’on capte la technique, la pulsion et l’émotion. »

Mais ce qui plaît le plus à celui que l’on nomme aujourd’hui « Le Patron », c’est la composition, c’est-à-dire, « raconter ce que je vois, ce que j’entends, ce que je ne comprends pas, ce que j’ai envie de sublimer. C’est raconter la vie, les gens. Comment un pêcheur part, comment il revient, quel est son sentiment… le mec qui est dans la rue, qui boit du rhum… on pense qu’il est boulé et pourquoi il est boulé ? »

L’écriture d’un texte, c’est aussi pouvoir parler de choses graves mais avec légèreté, comme dans « La ni an business ka fèt épi bon zépices ».

Sagrada familia

Jean-Michel a 17 ans et joue comme batteur dans le groupe des Léopards quand il propose à Gervais Nervat, trompettiste, de monter leur propre groupe. Le projet prend forme tout naturellement (« on s’est repéré entre nous ») et la Maafia est montée en 1981.

« Pendant un an, nous avons uniquement répété. Nous voulions donner une couleur particulière à notre musique : celle qui nous permettrait de regrouper toutes les influences musicales du bassin caribéen. »

Une ambition qui a porté ses fruits puisque le premier album, « Neg Kont Neg » a été un véritable succès. Tout ce qu’il fallait pour les débuts de ce groupe dans lequel nombre d’artistes ont participé avec ceux qui ont fait l’histoire tels que Denis Kiayilouca à la basse, Roland Pierre-Charles au piano et à l’accordéon, Mario Masse et Dominique Canonge à la flûte traversière, le pianiste Mario Canonge ou encore le son de la trompette de “Chabin” (Eric Logez).

Mais au-delà de réunir des individus doués dans leur domaine, la Maafia se veut bien plus qu’un simple groupe.

« On voulait former une famille. Cela implique du respect, de l’éducation et surtout une ligne de conduite avec un seul et unique objectif : être au service de la musique et non dans une quête de succès. »

Jean-Michel se remémore les débuts et nous plonge dans l’univers intime du groupe : « Denis, c’était le groove, Ti Jacques, mon compagnon de composition… ».

A l’image d’une famille, chacun avait son caractère propre, participant à sa manière à la richesse identitaire de ce qu’est la Maafia. « Il y avait celui qui aime la cuisine, celui toujours inquiet, celui qui aime rire… ».

C’est dans ce même état d’esprit qu’est choisi le nom du groupe. « C’était pour montrer qu’on prenait les choses en main, qu’on était sûr de nous et de la qualité de ce qu’on faisait. Mais aussi pour affirmer notre indépendance ».

Une famille sans limite, extensible au public. « Le groupe a fonctionné grâce au partage entre les musiciens mais aussi et surtout avec le public. »

La Maafia à travers les époques

En 40 ans, la musique antillaise a traversé des périodes diverses lors desquelles la Maafia a prouvé sa force créatrice, en particulier dans la genèse des rythmes de percussions, avec Dady Pulvar et Miguel Gomez, où elle a su réunir tous les pays.

Le groupe s’est adapté en répondant aux nouvelles demandes tout en gardant son identité. « C’est une remise en question permanente et ce fût particulièrement le cas à l’arrivée de Kassav. Le zouk était un concept novateur, qui n’a pas marché tout de suite mais qui a été une véritable soufflante. Une partie du groupe a paniqué et a voulu qu’on s’aligne avec cette nouvelle musique. »

Mais la stratégie fut la suivante : s’exporter et toucher de nouveaux publics. Première étape : l’Angleterre. « Nous avons joué pour un public qui ne nous connaissait pas et qui ne connaissait pas notre musique et on a tout fracassé ! »

En tout, la Maafia, avec sa cadence “épicée” a aussi fait bouger l’Allemagne, la Belgique, l’Afrique, la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, la Colombie, Cuba, la Suède, le Danemark et le Japon… « Le public nous a fait confiance. C’était magique, j’avais parfois l’impression que les gens étaient au pays. »

« C’était comme si le bain de rivière était là, comme si je leur faisais goûter le court-bouillon de poisson, comme si le ti punch était là. Vous imaginez des italiens en train de danser sur notre chanson “crème à la vanille” et en répéter les paroles ?! »

Avec plus de 35 albums au compteur, la Maafia a traversé les générations. « Nous voulons faire le pont de la transmission avec les nouveaux artistes. »

« La musique c’est spirituel. C’est de l’amour, de l’émotion. Si tu la traites autrement que ça, tu enlèves l’essentiel. La musique c’est la vie dans sa pure imperfection. »

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