Accompagnement. À l’heure où l’entrepreneuriat durable et responsable est de plus en plus plébiscité, l’incubateur Kaléidoscope explique pourquoi et comment s’engager dans les transitions écologique et sociétale dès la création de son entreprise. (Texte Axelle Dorville, Photo Jean-Albert Coopmann)

« L’idée est d’agir en symbiose avec son écosystème existant et à venir, et développer son projet, faire son cœur de métier, tout en contribuant au développement d’autres initiatives, d’autres filières. »

Comment s’inscrire dans les transitions dès la création de son entreprise ?

La démarche d’éco-conception est intéressante pour tout acteur économique qui souhaite s’inscrire dans les transitions. Elle permet notamment, en amont de la création d’activité, de poser et d’analyser le cycle de vie de son produit ou service, afin d’identifier les points pour lesquels il est possible d’agir pour gagner en performance globale. Par exemple : mettre en place des synergies immédiatement ou à plus long terme, organiser son sourcing par la recherche de matières moins chères, produites localement, moins impactantes pour l’environnement et plus impactantes au niveau sociétal, ou encore inciter à développer des formations qui vous sont nécessaires.

L’idée est d’agir en symbiose avec son écosystème existant et à venir, et développer son projet, faire son cœur de métier, tout en contribuant au développement d’autres initiatives, d’autres filières. Cela suppose aussi de co-construire avec le consommateur, approche clé en matière d’innovation sociale qui permet de faire évoluer son offre en fonction des cibles visées, et donc de perdurer sur le marché. 

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Toutes les entreprises peuvent-elles s’engager dans cette démarche ? 

Idéalement, oui, mais il y a ici des éléments clés à prendre en compte. L’ancrage territorial, la raison d’être basée sur la réponse à des problématiques locales, la collaboration avec les acteurs locaux et les clients… Les porteurs d’initiatives s’inscrivent davantage, aujourd’hui, dans un contexte d’innovation sociale qui vise une efficacité sociétale en s’appuyant sur de l’efficacité économique et demande du temps et de la méthode. D’où l’importance des dispositifs sécurisants en amont du lancement d’activité, tels que les fonds d’amorçage, les incubateurs, coopératives d’activité et couveuses, qui préparent, valident et sécurisent; tout comme les clubs de créateurs, les lieux apprenants, de convergence et espaces de rencontre et d’échange spontanés, pour confronter les idées, expérimenter, designer, savoir ce qui se fait déjà sur le territoire, ce qu’il manque, mutualiser les moyens.

Comme toute entreprise en phase de lancement et à l’instar des startups quel qu’en soit le secteur d’activité, il demeure toutefois indispensable d’accélérer la validation de l’opportunité et la confrontation avec le terrain, de tester et d’expérimenter auprès de sa cible, afin de ne pas se lancer trop tôt, rester cantonné à l’hyper conceptualisation de son projet ou à la recherche de financement. 

« Fondamentalement, entreprendre en s’appuyant sur les valeurs et piliers de l’ESS, du développement durable, de l’économie circulaire, c’est s’engager pour l’intérêt général. »

Les transitions ne supposent-elles pas aussi des changements de mentalité ? 

Travailler sur son leadership me semble primordial. D’une part, il s’agit de bien se connaître, soi et ses talents, car bon an mal an, l’entrepreneuriat présente des défis qui pourront nécessiter de devoir changer d’activité, voire d’endosser un rôle de salarié en complément afin de pouvoir se soulager de la contrainte financière de l’entrepreneuriat. Fondamentalement, entreprendre en s’appuyant sur les valeurs et piliers de l’ESS, du développement durable, de l’économie circulaire, c’est s’engager pour l’intérêt général, ce n’est pas juste pour générer son propre salaire, même si, bien sûr, l’insertion professionnelle durable du porteur d’initiative est fondamentale. Cela nécessite également de se former en tant que dirigeant aux modes de gestion alternatifs, à savoir la coopération, le pilotage partagé, la mutualisation, l’intelligence collective; pour pouvoir animer efficacement ses équipes et espaces de co-décision. Car petit ou grand, l’ESS implique le faire-ensemble.

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Le financement est donc plus complexe lorsque l’on crée une activité à impact ? 

Le financement de la création d’entreprise s’avère compliqué en général, notamment du fait du déficit de moyens des néo-créateurs quand ils se lancent dans la démarche et des préalables nécessaires à l’octroi de subventions ou de prêts. Dans ce mode d’entrepreneuriat spécifique, il est important de ne pas considérer la recherche de financement comme le point de départ, ou une finalité en soi, pour ne pas biaiser le développement du projet et ne pas penser sa structure comme “dépendante des fonds publics”.

Il est souhaitable d’adopter très tôt une culture de l’optimisation des coûts tout en maximisant l’efficacité économique et sociétale, et nous encourageons à faire ce point dès le départ, car une fois la phase d’investissement enclenchée, une fois les modalités de financement engagées, les choix de lancement faits, il va être difficile de revenir dessus. Il peut s’agir de démarrer en pépinière d’entreprise ou par le biais d’espaces éphémères, plutôt que d’acquérir immédiatement un bureau par exemple. Il s’agit également de prendre le temps de définir les dépenses et investissements que l’on va affecter aux prêts d’honneurs, aux aides aux études, à son CPF…

Le plus important aujourd’hui n’est donc pas de se faire financer, mais d’avoir une modélisation économique de son activité réfléchie, pertinente, résiliente et durable. Le panel de financements mobilisables est large selon le profil du porteur d’initiatives, l’activité, la localisation du projet, l’engagement sociétal et/ou environnemental pris. Cependant, le business plan de lancement devra s’appuyer sur un phasage réfléchi et précis tenant compte des financements accessibles et pertinents, même s’il est clair, et cela d’autant plus (!) que les solutions sont plus rares au démarrage.   

« Il faut accepter qu’il y a des modélisations économiques adaptées au territoire de la Martinique, eu égard à nos spécificités et à la conjoncture économique actuelle, et s’en saisir pour inventer conjointement les solutions entrepreneuriales d’appui adéquates. »

Qui dit ESS dit modèle économique différent ?   

Je pense qu’il faut accepter qu’il y ait des modélisations économiques adaptées au territoire de la Martinique, eu égard à nos spécificités et à la conjoncture économique actuelle : marché restreint, apports personnels des créateurs réduits, sourcing compliqué, prix élevés, accès au foncier limité, coût des loyers élevés… Cependant, plus que de s’arrêter aux constats précédents, il conviendrait de s’en saisir pour inventer conjointement les solutions entrepreneuriales d’appui adéquates. Cela pourrait consister à réunir les savoirs et savoir-faire pour inventer et structurer l’appui aux acteurs.

Quelques sujets qui me semblent importants : alléger les systèmes administratifs, qui occupent une part importante de la gestion d’entreprise sans garanties pour le porteur de projet; accepter que les activités dimensionnés, ou mono-services/produits dans l’Hexagone ou dans le monde, ne sont ici pas adaptées, où les structures sont à taille humaine, proches des territoires et par nécessité, aux activités diversifiées; sortir les acteurs de l’isolement et encourager la collaboration dans la chaîne de valeur.  

Ainsi, je pense notamment qu’il vaut mieux créer nos recycleries en ayant avant tout comme objectif l’impact environnemental, et les inciter à collaborer avec des structures existantes et déjà performantes dans l’insertion par l’activité économique, pour contribuer à la performance sociale sur le territoire. C’est la logique de symbiose que nous évoquions précédemment. Et ce n’est pas de l’hyper-spécialisation mais au contraire, un moyen d’augmenter la diversité et l’innovation des activités supports pour l’IAE, l’Insertion par l’Activité Economique, à la Martinique. 

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Avec l’appui des services de l’Etat, de l’ADEME et de la CTM, nous avons ainsi initié/renforcé plusieurs outils. Le premier de ces outils est notre incubateur, mais il y a aussi -et nous en reparlerons- notre temps fort annuel dédié à l’économie circulaire, Alter’actifs, ainsi qu’un club, “Entre L”, dédié à l’entrepreneuriat féminin engagé.  

Nous avons par ailleurs créé une grille de décryptage des projets, qui permet d’évaluer sa contribution potentielle à l’ESS, à l’économie circulaire et au développement durable. L’idée n’est pas d’être parfait sur tous les plans, mais notre accompagnement permet d’éclairer, d’accompagner et de former les porteurs de projets sur ces dimensions. A ce stade, l’adéquation “homme-projet-besoin de territoire” est fondamentale. La modélisation économique et les opportunités de financement, notamment de l’ADEME et de la CTM, suivent dans le cadre d’une concertation très étroite et tripartite avec leurs services.  

Vous êtes intéressés par cette approche et l’incubateur de KALÉIDOSCOPE ?
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www.kaleidoscope-dom.com et www.alter-actifs.fr