Droldedam est une entreprise pas comme les autres. Son originalité ne tient pas à son cœur de métier – le service à la personne et le gardiennage automobile – mais à l’histoire de sa naissance. Car elle est le fruit d’un parcours semé d’embûches, qui a engendré la création d’une entreprise aujourd’hui dirigée par un quatuor de femmes déterminées. Rencontre avec sa présidente Stéphanie Rossignol.

Texte Marie Ozier-Lafontaine – Photo Jean-Albert Coopmann

L’histoire de Stephanie Rossignol et la naissance de Droldedam

Stéphanie Rossignol est une battante. Celle qui est aujourd’hui à la tête du groupe Droldedam a traversé en 2 ans ce que peu de dirigeants connaissent en une vie : confinement, décès, maladie, liquidation… Quand elle accède au poste de Directrice générale du groupe Hyacinthe en novembre 2020, elle ne se doute pas que 2 ans plus tard, elle sera PDG d’une nouvelle entité, Droldedam. Elle le concède, beaucoup auraient abandonné le navire à sa place. Mais Stéphanie Rossignol fait partie de celles qui ne baissent pas les bras face à l’adversité.

“Droldedam” était le surnom que nous donnait notre avocate. Nous avons décidé de le garder.

Stéphanie Rossignol, présidente du groupe Droldedam

Pourquoi avoir rejoint le groupe Hyacinthe au départ ?

En novembre 2020, quand j’intègre le groupe, je reviens de loin. Maman de 3 enfants, j’ai divorcé en 2017, et me suis retrouvée, pour ainsi dire, une main devant, une main derrière. Car après avoir créé et géré avec mon ex-mari une chaîne de 8 magasins de prêt-à-porter, j’ai décidé, en divorçant, de lui vendre mes parts pour 1 euro. Je n’avais aucune envie de me battre et voulais avant tout être indépendante ! J’ai ensuite suivi une formation ESSEC. Mon ami Hervé Honoré, ancien diplômé ESSEC, me propose alors de devenir son bras droit au sein du groupe Hyacinthe. Ce que j’accepte. J’aime les challenges et suis prête pour de nouvelles aventures.

Quels sont vos premiers défis au sein du groupe ?

Hervé souhaitait faire évoluer le management de l’entreprise vers plus de transversalité, plus de communication, plus de démarche participative. Avant ma prise de poste, son management était plutôt dirigiste, descendant, ce qui laissait peu de place à la prise d’initiative. Sa forte personnalité était clivante : soit les gens l’adoraient, soit ils le détestaient. Mon rôle devait être de créer une identité de groupe, où chaque entité est partie prenante de l’ensemble, où chaque salarié est autonome, engagé et partage la même culture d’entreprise. Le virage à prendre était de 180° !

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Comment êtes-vous accueillie dans ce contexte ?

Les salariés sont dubitatifs, les partenaires encore plus. Tout le monde se demande pourquoi je suis là, quel rôle je dois remplir. Je sais que j’aurai à prouver ma valeur, à conquérir la confiance de mes interlocuteurs. Nous organisons avec Hervé un séminaire en décembre 2020, 2 mois après mon arrivée. Pour que les salariés des 3 départements (Martinique, Guadeloupe, Guyane) se rencontrent. Pour qu’on apprenne, aussi, à se connaître. Les salariés constatent par eux-mêmes que je suis ouverte, facile d’accès. Les semaines qui suivent, je me déplace sur les sites du groupe. Je pars du principe que ce sont les collaborateurs qui connaissent mieux que personne leur métier, que ce sont eux qui m’aideront à prendre les meilleures décisions. C’est comme cela que j’ai toujours fonctionné, notamment quand je travaillais dans le prêt-à-porter.

Alors que tout semble bien parti, en février 2021, tout s’effondre. Que se passe-t-il ?

Hervé tombe gravement malade. Tout va très vite, et malheureusement, en avril 2021, il décède. C’est le choc. Pour sa famille, ses amis, ses collaborateurs, ses partenaires. Et pour moi aussi. Je perds un ami, un mentor. Et je ne me sens pas encore prête à assumer mes fonctions de directrice sans lui !  Il n’a pas eu le temps de tout me dire, tout m’expliquer. Les enjeux sont énormes. Heureusement, je suis soutenue tout de suite par Yann Honoré, le frère d’Hervé. Il me renouvelle sa confiance et confirme ma position au sein du groupe et vis-à-vis des partenaires.

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Avez-vous pensé partir ?

Non. Je suis une fonceuse, je veux aller au bout de ma mission ! En dehors de ma vie professionnelle, j’aime me dépasser, je suis sportive, je fais de l’ultra-trail. Je ne suis pas du genre à abandonner. Même si certains membres de mon entourage m’incitent à partir, je m’accroche ! Pendant 4 mois, je poursuis mon travail. Je dois boucler les dossiers laissés en suspens, rassurer les salariés ébranlés et inquiets pour leur avenir. Je prends la décision de nous faire accompagner par un administrateur judiciaire, afin d’assainir la situation. Nous arrivons à maintenir la plupart des emplois, malgré la liquidation de certaines entreprises. Le décès d’Hervé, il faut le dire, a accéléré la cohésion du groupe. Nous n’avions pas d’autre choix que d’avancer.

En août 2021, nouveau coup dur, vous tombez malade. Comment réagissez-vous ?

Le ciel me tombe sur la tête. Je découvre que je suis atteinte de la maladie auto-immune de Basedow, qui provoque dysfonctionnement thyroïdien, difficultés cardiaques et dans les cas les plus graves la cécité. Ce 2ème choc intervient alors même que le groupe commence à se relever. La maladie est très agressive et invalidante : je perds une partie de la vue, je suis extrêmement fatiguée, je perds petit à petit mon indépendance. Le traitement médicamenteux est lourd. C’est dur personnellement, car j’ai 3 enfants à charge, qui comptent sur moi. C’est dur aussi professionnellement, car je crains que ma maladie fragilise la cohésion du groupe, en cours de construction.

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Comment faites-vous pour assumer votre rôle dans ces conditions ?

À ce moment-là, je m’appuie sur 3 personnes extraordinaires : Alexandra Duval, directrice générale ; Mylène Sinosa, comptable et Linda Bouteaud, responsable de la communication et du marketing. Nous travaillons toutes les 4 main dans la main depuis des mois. La mort d’Hervé m’a fait réaliser que personne ne doit être irremplaçable dans l’entreprise. Quand je tombe malade, le quatuor que nous formons prend tout son sens. Nous partageons en instantané toutes les informations, mon équipe de choc prend le relais quand je ne peux être présente à cause de la maladie. Et ça marche ! En mars 2022, prise en charge, je vois le bout du tunnel et suis remise d’aplomb, après des mois de traitement.

Que mettez-vous en place dans l’entreprise ?

Pour poursuivre le changement, nous déménageons notre siège et changeons tout : le mobilier, les couleurs, l’organisation du travail. Sur le terrain, nous améliorons les conditions de travail des salariés : rénovation des locaux, modernisation des installations, mise à disposition de véhicules et de matériel plus performants, nouveaux uniformes… Nous écoutons les recommandations des salariés pour opérer une refonte totale de nos process. Ils savent dorénavant qu’ils peuvent décrocher leur téléphone et échanger avec moi directement. La transition continue de s’opérer.

Comment le projet de Droldedam émerge-t-il ?

Au décès d’Hervé, sa famille a pris une décision : l’entreprise appartiendra à ceux qui la font vivre. Une fois leur refus de succession officialisé, la création d’une nouvelle structure est initiée, avec les 2 entreprises restant dans le groupe après les liquidations : SHIVA, entreprise de service à la personne, et PARK INN, société de gardiennage automobile. Le nom choisi, « Droldedam », était le surnom que nous donnait notre avocate. Nous avons décidé de le garder !

Quels sont les projets du groupe Droldedam aujourd’hui ?

Pour SHIVA, qui compte 3 agences à ce jour, nous souhaitons poursuivre notre expansion et ouvrir de nouvelles agences, en Martinique, Guadeloupe et Saint-Martin. Nous souhaitons aussi étendre la gamme de services avec une offre dédiée aux aînés et leurs aidants. Quant à l’activité de gardiennage, nous avons digitalisé le site et créé une offre de service technique automobile. Nous projetons d’y ajouter un service de conciergerie. Enfin, nous souhaitons prendre le virage de l’électrique et installer des bornes de recharge sur nos sites. Et qui sait, peut-être développerons-nous un jour une activité de prêt-à-porter ? Il reste encore beaucoup à faire, mais je suis confiante.

Le groupe Droldedam en chiffres
Droldedam Holding :
4 salariés
Shiva :
7 salariés – 3 agences (Martinique/Guadeloupe/Guyane) 1 500 clients –
Les services : ménage et repassage à domicile
www.shiva.fr
Parkinn :
15 salariés – 80 clients abonnés,
5 000 clients par an.
Les services : gardiennage automobile (aéroport Aimé Césaire Martinique), manutention automobile, lavage auto
www.parkinnservice.com