Quel est l’état des lieux de la production locale en Guadeloupe ?
Les terres de Guadeloupe sont riches, on peut même y « cultiver certains légumes des zones tempérées », décrit Bernard Sinitambirivoutin président de l’Iguaflhor et producteur de crucifères. « Être au centre du marché local et ne plus être la variable d’ajustement des importations, », ce sont peut-être là les plus grands défis que doit relever les filières locales d’élevage en Guadeloupe, selon Franck Desalme, président d’Iguavie. Pour Christophe Wachter, secrétaire général des MPI Guadeloupe, la Guadeloupe « doit être autre chose qu’un espace de consommation de produits fabriqués ailleurs ». Rencontre avec trois acteurs essentiels de la production locale en Guadeloupe. – Photo Lou Denim & Pierre de Champs
Existe t-il une production locale en Guadeloupe ?
Christophe Wachter, MPI : Vu des MPI et compte tenu des divers secteurs d’activités que nous regroupons, il nous semble préférable d’évoquer au pluriel les productions locales guadeloupéennes, qui recouvrent aussi bien :
- La dimension alimentaire
- Les matériaux de construction
- Les activités de plasturgie, de chimie, de cosmétique et de pharmacopée
- Les productions locales d’énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie) ou de retraitement de déchets
Pourquoi est-ce important de consommer local ?
Franck Desalme, Iguavie : Les producteurs, travaillent exclusivement pour l’approvisionnement du marché intérieur, celui de la Guadeloupe. C’est celui-ci qui est visé afin de nourrir la population locale.
Il est important de consommer local car ce sont des produits frais, de proximité utilisant des circuits courts entre producteurs et consommateurs face à des produits importés, congelés, de qualité moindre, souvent des produits qui ne sont pas consommés sur les lieux de production et qui sont dégagés vers la Guadeloupe.
« En consommant local, les consommateurs permettent à des agriculteurs de Guadeloupe de continuer à avoir de l’activité et de maintenir de la vie en milieu rural. »
Quelle est la demande des ménages guadeloupéens en production locale ? L’offre existante répond-elle à cette demande ?
Christophe Wachter, MPI : De la part des ménages guadeloupéens, on observe qu’il n’existe guère plus de réticence à consommer local, mais un réel engouement sous-tendu par des considérations légitimes sur les prix, en rupture avec nos anciens réflexes de consommation de produits exogènes.
Consommer local suppose une notion de circuits plus courts et donc de réduction du nombre d’intermédiaires, un approvisionnement plus rapide, une meilleure prise en compte des goûts et des saveurs locales.
Par conséquent, lorsqu’on évoque la production locale, on fait aussi référence à cette proximité avec les consommateurs qui permet une meilleure adaptation de l’offre par rapport à la demande.
Si on prend l’exemple de la viande locale, la production répond-elle aux besoins du marché local ?
Franck Desalme, Iguavie : La réponse est non, mais la question ne se pose pas de cette façon.
« Pour être vendue, la production locale doit trouver de la place sur le marché local. Et la place est occupée principalement par les produits congelés importés. »
Aujourd’hui, dans ce contexte de marché, il est demandé aux productions locales d’être la variable d’ajustement des importations.
En parlant d’importation : la production saisonnière en Guadeloupe des fruits et légumes des climats tempérés peut-elle se substituer à leur importation ?
Bernard Sinitambirivoutin, Iguafhlor : Dès lors qu’on est capables de produire une tonne de fruits ou de légumes, et qu’on a le choix entre les produire et les importer, la réponse doit être rapide : il faut les produire et ne pas les importer !
« La Guadeloupe est capable d’alimenter tout le territoire par des produits qui faisaient l’objet d’importation jusqu’à présent et qui maintenant régressent en importation. »
Le chou rouge et le chou de Chine par exemple, c’étaient quasiment 90% d’importation et aujourd’hui ces deux produits locaux ont une qualité qui n’a rien à envier à la production d’importation.
Ainsi, très peu de personnes savent qu’on cultive brocolis et choux-fleurs en Guadeloupe, des produits traditionnellement importés d’Europe. Mon souhait et mon ambition est de créer cette rupture et de montrer que certains produits de zones tempérées peuvent être cultivés en Guadeloupe.
Nos agriculteurs sont très talentueux et ont un très bon niveau technique. Notre terroir est, quant à lui, exceptionnel. La diversité du gradient climatologique en Guadeloupe nous permet de produire des fruits et des légumes de zones tempérées à certaines périodes de l’année.
A l’Iguavie, vous affirmez être mobilisés pour « prévenir tout risque de pénurie et maintenir l’approvisionnement en produits de l’élevage frais ». Comment faites-vous pour y parvenir ?
Franck Desalme, Iguavie : Le marché de la consommation repose sur la production locale (qui ne concerne que des produits frais) et les produits congelés d’importation. En conséquence, la production locale n’intervient que sur les produits frais.
Pour occuper plus de place sur le marché, des débouchés supplémentaires doivent être trouvés (de la place sur le marché local pour vendre cette production).
« Les producteurs n’attendent que d’avoir plus de débouchés pour produire plus et installer de jeunes producteurs. »
Et si les consommateurs locaux choisissent de préférence la production locale en lieu et place des produits d’importation, alors, il y aura plus de production locale.
La production industrielle locale existe-t-elle en Guadeloupe ?
Christophe Wachter, MPI : La production industrielle locale guadeloupéenne existe bel et bien.
Elle est le fait de structures dites moyennes ou petites au regard de leur dimensionnement, qui se consacrent à la transformation de matières premières, à la mise en marché de produits finis et à la création d’emplois qualifiés et de PIB en Guadeloupe.
« Cette production industrielle découle d’investissements souvent très conséquents, réalisés dans des lignes de production de plus en plus diversifiées et performantes. »
Comment l’Iguaflhor parvient à promouvoir la production locale sur le territoire ?
Bernard Sinitambirivoutin, Iguafhlor : Iguaflhor promeut cette production locale en mettant en place un plan de communication qui permet de multiplier les opérations d’animation sur les lieux de vente à la rencontre du consommateur, et en étant présent sur les réseaux sociaux.
Notre communication a été pensée autour de trois points essentiels :
- la diversité et la qualité de la production locale
- la garantie de traçabilité
- la sécurité alimentaire des produits mis sur le marché
Cette sécurité alimentaire est garantie par le respect de la réglementation en vigueur avec le contrôle systématique des produits mis sur le marché. Ceci assure au consommateur guadeloupéen d’avoir non seulement des produits de qualité mais également une tracabilité.
L’actualité fait souvent état dans l’Hexagone de la détresse des éleveurs et/ou agriculteurs qui ont du mal à vivre de leur production. Certains vont même jusqu’à se suicider. Les producteurs guadeloupéens parviennent-ils à vivre dignement de leur travail ?
Franck Desalme, Iguavie : La réponse est non car pour vivre pleinement des différentes activités de leur exploitation, ils doivent pouvoir tirer un revenu suffisant.
Aujourd’hui, le fait qu’ils ne puissent pas vendre plus (car il n’y a pas suffisamment d’actes d’achats des produits de l’élevage local), ils sont souvent obligés d’avoir une autre activité que celle de l’agriculture pour avoir un revenu suffisant et faire vivre leurs entreprises et leurs familles.
Quelles difficultés rencontrent les entrepreneurs Guadeloupéens et quelles réponses leur apportent les MPI ?
Christophe Wachter, MPI : Les entrepreneurs guadeloupéens sont principalement confrontés à une situation de concurrence sur un marché déjà exigu.
Les MPI interviennent sur des notions transverses qui touchent à la fois à l’économie, à la philosophie et à la politique. Elles répondent à la nécessité de créer de la richesse et soutenir l’emploi. Elles répondent également à la volonté d’optimiser la gouvernance alimentaire du territoire.
« Nous sommes convaincus que les vraies mutations de notre société ne peuvent partir que du local et surtout, qu’un territoire peut être autre chose qu’un espace de consommation de produits fabriqués ailleurs. »