Jean-Pierre Chalus est le nouveau président du directoire du Grand Port Maritime de la Guadeloupe dont il dit que « c’est un bien commun au service du territoire. »  

Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, Jean-Pierre Chalus était jusqu’à sa nomination, délégué général de l’Union des ports de France (UPF) après avoir été président du directoire du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire et président du directoire du Grand Port Maritime de La Rochelle.

Jean-Pierre Chalus - GPMG - Guadeloupe
Jean-Pierre Chalus – Photographie Pierre de Champs

Vous avez été nommé le 10 juin 2020 président du directoire du GPMG. Comment est organisée la gouvernance du GPMG ?  

Jean-Pierre Chalus : La gouvernance du Grand Port Maritime est structurée comme une société privée avec un conseil de surveillance et un directoire.

« Le directoire dirige l’établissement et met en œuvre la stratégie qui a été arrêtée par le conseil de surveillance. »

Une des particularités repose sur le conseil de développement qui est un élément fort de la gouvernance. C’est une unité structurée autour de 4 collèges :

  • un collège avec des représentants de la place portuaire
  • un collège avec des représentants des collectivités territoriales
  • un collège avec des représentants des personnalités qualifiées
  • un collège avec des représentants du personnel des entreprises de la place portuaire

Nous avons l’obligation de les consulter sur la stratégie du port et sur une partie des sujets liés à la tarification. C’est surtout une structure qui a une forte capacité d’initiative et qui rend compte au Conseil de Surveillance et au Directoire.

Dans le respect des rôles de chacun, le président du directoire veille à l’animation de l’ensemble de ces dispositifs avec les équipes du port, assure les fonctionnalités d’aujourd’hui et prépare celles de demain.

Le port est lié à l’activité économique du territoire. Peut-il être aussi appréhendé comme un élément de notre patrimoine ? 

Le port est un bien commun, c’est un outil au service du territoire, et c’est bien d’une forme de patrimoine dont il s’agit : un patrimoine vivant en constante mutation. Nous faisons évoluer en permanence nos infrastructures parce que la taille des navires, les marchés, les modes de consommation, … évoluent.

Le port n’est pas seulement le lieu qui accueille les bateaux, c’est plus que ça. C’est un lieu qui est en contact direct avec tous les sujets de l’économie, de société et d’environnement.

Chaque port a une typologie de fonctionnement qui lui est propre même si on retrouve dans tous les Grands Ports Maritimes de l’hexagone ou des outre-mer des fondamentaux de gouvernance et ceux liés aux fonctionnalités de base comme les mouvements de navires.

« La vie du port est intimement liée à son territoire, à son histoire et à son économie. »

La Guadeloupe n’est pas un grand bassin industriel mais le GPMG est multi sites et multi activités et comporte des particularités comme la marina de Bas-du-Fort, ce dont ne disposent pas tous les Grands Ports.

Cette caractéristique nous permet de travailler sur des modèles d’évolution spécifiques avec l’adhésion du territoire : la ville, les collectivités locales, comme la Région, l’Etat mais également les grands acteurs économiques afin qu’il y ait une adéquation entre offre et orientations politiques.  

Quelles sont les sources de revenu du port ?  

Le Grand Port Maritime de la Guadeloupe est un établissement public de l’Etat, à caractère industriel et commercial au regard de son activité. Nos principales sources de recettes sont les droits de port qui s’appliquent aux navires, aux marchandises et aux passagers qui sont collectés par les douanes et qui nous sont reversés. 

Par ailleurs, le Port est propriétaire d’espaces fonciers en Guadeloupe sur ses différents sites (Jarry Baie-Mahault, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, la Marina de Bas-du-Fort et Folle Anse de Marie-Galante). Nous louons ces espaces pour des durées déterminées en fonction de la nature du projet de nos clients. Les recettes domaniales représentent la 2ème source de revenu. 

Viennent ensuite les recettes d’outillages et autres redevances d’usages. Cependant si les ports ultramarins sont, par définition, pas ou peu concurrencés, et le Grand Port Maritime de la Guadeloupe n’échappe pas à cette règle, cette situation de quasi-monopole positionne le GPMG, en sa qualité d’entreprise publique, en régulateur économique de l’archipel guadeloupéen.

Soucieux de l’efficacité collective, le GPMG exerce ce rôle d’« arbitre» en visant une équité d’accès et de traitement entre les clients de ses installations, une transparence financière et une rentabilité économique raisonnable.

A titre d’exemple, les droits de port sont inférieurs de 50% sur Basse-Terre au regard des particularités de ce site. De même, le GPMG ne perçoit pas de droit de port sur les trafics avec Marie-Galante afin de tenir compte de la double insularité.

Sur les autres sites, le GPMG s’emploie à maintenir le coût du passage portuaire à un niveau permettant d’impacter positivement la compétitivité économique des clients du port, ce qui doit se répercuter sur le pouvoir d’achat des consommateurs finaux. 

Vous dites que le port « n’est pas que le lieu qui accueille les bateaux », que peut-il être d’autre ?  

« Nous avons des missions que beaucoup ignorent autour de la gestion des espaces naturels dont le Port est propriétaire. »

En effet, l’institution portuaire a endossé de nouvelles compétences depuis 2012 dont la gestion éco-responsable et la préservation du domaine public naturel : valorisation écotouristique, restauration de zones humides, installation de micro-habitats marins…

Le Grand Port Maritime de la Guadeloupe a par exemple initié Adapt’Island, un projet innovant d’adaptation au changement climatique autour de la restauration des espaces naturels littoraux, et fortement soutenu par l’Europe.

Le Port est partie prenante de l’évolution des marchés énergétiques et doit contribuer à la transition énergétique, ce qui est le cas quand nous équipons nos toitures en panneaux photovoltaïques.

Comment avez-vous concilié vos activités aux contraintes du confinement ?  

L’activité des ports a souffert de la Covid; l’activité sur certains secteurs ici comme ailleurs est un peu en repli. Cependant nos activités n’ont pas cessé pendant le confinement grâce à la réactivité de nos salariés.

L’esprit de responsabilité de chacun nous a permis de continuer à avancer. L’activité s’est maintenue avec un surcoût de production lié, par exemple, à la désinfection des postes de travail.

Chaque consommateur a pu constater qu’il n’y avait pas eu de rupture d’approvisionnement pendant cette période.

Nous avons été un maillon résilient en remplissant notre mission première qui est d’alimenter le marché domestique à un prix satisfaisant.

L’ambition du GPMG est d’être un « Smart Port de référence » dans la Caraïbe… 

« À travers le terme SMART, il faut entendre « pas de gaspillage d’espace, de temps, d’argent ni de ressources naturelles. » »

La nécessité d’une transition énergétique, couplée à l’accélération des innovations technologiques, implique l’émergence de nouveaux modèles de production et de développement pour les ports. Par exemple, la réduction programmée des importations d’énergie fossile, qui représentent actuellement près d’un quart du volume de l’activité portuaire, peut être envisagée comme une opportunité de croissance pour le port.

En effet, le traitement de la logistique nécessaire aux unités de production alternatives et l’approvisionnement intelligent en énergie de la Supply Chain portuaire sont autant de défis à relever dans un avenir proche.

Il s’agit pour nous de gagner en compétitivité et en attractivité grâce notamment aux nouveaux outils numériques. 

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