Dans son objectif de faire de la Guadeloupe un territoire 0 déchet en 2035, la Région va financer la création de 3 usines de traitement et de valorisation des déchets ainsi que 8 nouvelles déchèteries via son PRPGD. – Photo Pierre Dechamps

Selon Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente de la Région, la politique 0 déchet de la Région Guadeloupe « est un enjeu à réussir à tout prix pour notre biodiversité et pour la santé de notre population. » 

Sylvie Gustave dit Duflo - vice-présidente Région Guadeloupe

Pour atteindre l’objectif 0 déchet en 2035, la Région Guadeloupe a adopté son Plan de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Quels sont ces enjeux ? 

Sylvie Gustave Dit Duflo : Le PRPGD a permis de faire un état des lieux exhaustif des :

  • tonnages produits par l’ensemble des agglomérations sur tous les types de déchets
  • du niveau de traitement et de valorisation de ces déchets
  • ou de leur absence de traitement (enfouissement)
  • des dispositifs et infrastructures existants
  • du niveau d’information du citoyen

Nous sommes les bons derniers de la classe en matière de prévention, de traitement et de valorisation des déchets. Moins de 20% de nos déchets sont recyclés contre 40-50% au niveau national. 75% de nos déchets sont enfouis ce qui met en péril nos espaces naturels sensibles.

Devant ce constat alarmant, nous avons décidé d’avoir des objectifs précis et extrêmement ambitieux pour traduire concrètement le 0 déchet en actes opérationnels sur le territoire.

Tout en réalisant une évaluation économique assez fine de nos besoins en infrastructures : 145 millions d’euros d’investissements pour les dispositifs de collecte et 150 millions pour la construction de 3 futures usines de traitement et de valorisation des déchets.

Cette démarche était nécessaire pour avancer tous dans le sens d’une Guadeloupe propre et exemplaire et 0 déchet ! 

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Quels actes et engagements concrets vont être pris pour que la Guadeloupe soit un territoire 0 déchet en 2035 ? 

Nous actionnons plusieurs leviers parmi lesquels la création de 8 nouvelles déchèteries (Pointe-Noire, Bouillante, Baillif, Trois-Rivières, Terre-de-Haut, Terre-de-Bas, Goyave, Petit-Bourg), auxquelles sont venues se rajouter la réhabilitation de la déchèterie de Capesterre Belle-Eau et une nouvelle construction à Marie-Galante.

100% de l’investissement de la construction de ces déchèteries sont portés par les fonds régionaux, européens et ceux de l’ADEME (Agence de la transition écologique).

Ce PRPGD prévoit aussi la création de 3 usines de traitement et de valorisation des déchets qui vont permettre de limiter le niveau d’enfouissement des déchets, et de produire un déchet particulier le CSR (Combustible Solide de Récupération) qui pourra être brûlé pour produire de l’énergie et de l’électricité dans les centrales thermiques. 

Jean Bardail - président de la CANGT
Jean Bardail, président de la Communauté d’Agglomération du Nord Grande-Terre

Nous agissons sur la législation pour configurer des articles de loi ou amendements qui soient en phase avec nos besoins.

Dans la loi AGEC (Anti-gaspillage et Economie circulaire) votée en février 2020, grâce à l’action conjuguée des parlementaires Olivier Serva et Dominique Théophile, la Région Guadeloupe a pu faire voter les amendements sur la collecte sélective des emballages qui sera désormais financée à 100% par l’éco-organisme CITEO agréé et non plus par les agglomérations.

Le transport de certains types de déchets entre les îles du Sud et la Guadeloupe continentale sera obligatoirement pris en charge par les éco-organismes et non plus par les collectivités ou syndicat compétents.

« Dès 2021, la consigne des emballages boissons sera mise en place dans l’archipel. »

Quelles sont les préconisations et la stratégie de la Région pour parvenir à cet ambitieux objectif de 0 déchet en 2035 ? 

Notre objectif n’était pas seulement d’écrire ce PRPGD et de l’archiver avec un joli ruban cadeau et de le ressortir à la prochaine révision dans 10 ans (rires).

« Notre force est de propulser une dynamique d’animation du plan pour veiller que les objectifs que nous nous sommes fixés soient atteints par l’ensemble des partenaires qui participent au PRPGD. »

C’est-à-dire les EPCI et leur syndicat, le monde économique, les éco-organismes, les acteurs industriels du recyclage et traitement des déchets, et l’éco-citoyen qui doit être informé et en mesure d’utiliser les dispositifs de collecte installés autour de lui.

Par ailleurs, nos coûts de traitement de nos déchets doivent être maîtrisés voire diminués car ils sont trop élevés (170 euros/habitants/an contre 90/habitants/an dans l’Hexagone), et ces coûts risquent d’être multipliés par 5 dans les 10 ans à venir, si les investissements structurels ne sont pas au rendez-vous.  

Nettoyage de site en Guadeloupe - Clean My Island
Opération citoyenne de nettoyage du collectif Clean My Island en Guadeloupe

La région Guadeloupe veut expérimenter la consigne des emballages boissons dès janvier 2021 dans le cadre du PRPGD… 

C’est un projet de longue haleine qui a démarré en 2019 avec la proposition de la Région Guadeloupe de porter un amendement dans la loi AGEC qui a été votée en février 2020.

« Cet amendement qui a été voté, fait de l’archipel de la Guadeloupe une terre d’expérimentation pour installer la consigne sur les emballages boissons dès 2021 alors que ce type de consigne se généralisera sur l’ensemble du territoire français à partir de 2023. »

Nous nous fixons 70% de recyclage de ces emballages en 2025, et 90% en 2029. Ces objectifs ont été définis de manière concertée avec les metteurs sur le marché (producteurs d’emballages boissons), les collectivités, les associations de consommateurs et de protection de la biodiversité.

Notre démarche est suivie avec beaucoup d’attention par le Ministère de la transition écologique et solidaire et par le Ministère de l’Outre-mer. Il y a urgence à agir. Tout déchet plastique non recyclé finit invariablement dans nos cours d’eau et dans nos océans et devient ensuite du microplastique.

La montée préoccupante du niveau de ces microplastiques au niveau des océans et de nos zones polaires contaminant notre chaîne alimentaire, s’accumulant dans nos propres cellules avec des impacts sur la santé qui demandent à être encore évalués, devient un enjeu de santé public mondial. 

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Un des enjeux de l’ARB est de « faire de la biodiversité un objectif de citoyenneté. » Quelles actions seront mises en œuvre par l’ARB pour la préservation de notre biodiversité ? 

« La Région Guadeloupe est en passe de créer l’Agence de la biodiversité des Îles de Guadeloupe, qui est une agence régionale de la biodiversité (ARB), au 1er janvier 2021. »

Ce processus de création a démarré en 2019 par une période de préfiguration au cours de laquelle tous les acteurs qui œuvrent dans le domaine de la biodiversité ont été concertés. Cette création se fait en partenariat avec l’OFB et les services de l’Etat.

Cette ARB a pour vocation de mener une politique environnementale ambitieuse qui soit spécifique à nos besoins :

  • re-créer le conservatoire botanique
  • créer un vrai plan de lutte local contre les espèces exotiques envahissantes
  • amplifier les plans nationaux sur les espèces protégées
  • s’assurer de l’accès à nos ressources génétiques (plantes, animaux) à des organismes publics ou à des entreprises privées (industries pharmaceutiques par exemple), que les retombées en termes d’acquisition de nouvelles connaissances ou en termes financiers puissent pleinement bénéficier à notre population
  • mener des actions de sensibilisation vis-à-vis de nos citoyens…

Chaque citoyen, organisme, collectivité, association, entreprise devra s’approprier cette ARB pour en faire un outil puissant de protection et de valorisation de notre biodiversité. 

Agents Office Français de la Biodiversité en Guadeloupe
Agents de l’OFB

Vous avez été nommée administratrice de l’Office français de la biodiversité (OFB). Quelle est votre mission au sein de cet organisme ? 

Défendre les intérêts ultramarins bien sûr (rires) ! Depuis février 2020, j’ai été nommée au conseil d’administration de l’OFB où je suis devenue vice-présidente de cette institution.

Comme la politique environnementale de la Région Guadeloupe est extrêmement dynamique, ma candidature a été choisie par l’Association des régions de France (ARF) afin de porter la voix des régions ultramarines au sein du CA.

Cette responsabilité est énorme pour nos territoires puisque c’est l’OFB qui porte la politique environnementale nationale en veillant à ce qu’il y ait des déclinaisons locales en fonction des spécificités de chaque territoire. Mais c’est également l’OFB qui gère sur le plan financier le plan ECOPHYTO et les investissements sur l’eau et l’assainissement dans les DROM.

Ces deux enjeux sont prégnants pour nos territoires ultramarins qui sont lourdement contaminés par l’utilisation d’intrants comme la chlordécone et qui ont des besoins lourds et urgents en matière d’eau et d’assainissement.

Par ailleurs, l’OFB portera les 50 millions d’euros dédiés à l’investissement eau/assainissement dans le plan de relance Outre-mer.

Il faudra que je veille à ce que cette enveloppe soit entièrement consommée par les collectivités et syndicats compétents ultramarins entre 2021 et 2023. C’est vraiment un mandat exaltant où je peux mener des actions concrètes pour mon territoire. 

« L’archipel de la Guadeloupe connaît une crise sur l’eau et l’assainissement parce que les actions et les mesures n’ont pas été prises en temps et en heure. La Région Guadeloupe mettra tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas un scandale sur les déchets. »

Les actions dynamiques et extrêmement volontaristes de la Région Guadeloupe et sa politique 0 déchet en 2035 prévue dans le PRPGD, plus qu’une feuille de route, c’est un enjeu à réussir à tout prix pour notre biodiversité, pour la santé de notre population. 

Région Guadeloupe
regionguadeloupe.fr