Le pacte pour l’emploi. Née d’une logique de simplification des procédures de recrutement, le guichet unique « pacte pour l’emploi des jeunes » est une véritable innovation dans la relation entre l’entreprise et ses futurs salariés. – Photo Pierre de Champs

Grande première en France, le pacte pour l’emploi des jeunes a vu le jour en Guadeloupe en 2015. Frank Bonnot, en charge de la commission Emploi et Compétences à l’UDE-MEDEF et Olivier Pelvoizin, directeur régional de Pôle Emploi Guadeloupe reviennent sur ce projet ambitieux.

C’est toujours en contexte de crise qu’il paraît inopportun de parler d’emploi. Pourtant, c’est bien le contraire que nous allons faire et vous allez nous expliquer pourquoi…

Frank Bonnot : Oui, c’est vrai. Généralement quand les indicateurs s’affolent et les baromètres ne suivent pas les tendances prévues, nous avons tendance à figer nos positions et éviter de parier sur le futur proche.

La situation que nous vivons est particulièrement complexe. Mais gérer c’est prévoir et cette incertitude n’interdit pas de chercher à préparer la suite, l’inverse reviendrait à se recroqueviller ce qui n’est jamais une bonne chose.

Les crises sont toujours des grands moments de renversement, mais également de renforcement. Il s’agit aujourd’hui de faire un travail de réflexion sur nos investissements à venir.

« Je reste persuadé que faire le pari de la montée en compétences et l’intégration de nouveaux talents dans nos entreprises n’est pas une mauvaise carte à jouer dans le contexte de grande mutation que nous connaissons. »

Convaincre une entreprise d’intégrer un jeune dans son équipe, est-ce aujourd’hui difficile ? 

Olivier Pelvoizin :

« Hors contexte Covid, le recrutement de candidats débutants n’est déjà jamais chose aisée. Cela explique l’important taux de chômage que nous avons en Guadeloupe. »

Même s’il tend à diminuer, le marché de l’emploi est complexe et nous devons redoubler d’efforts et d’idées pour le dynamiser.

Depuis le 1er janvier 2016, 1574 jeunes ont été recrutés par les entreprises guadeloupéennes grâce au « pacte pour l’emploi des jeunes ». Elles ont pu bénéficier d’un accompagnement par Pôle Emploi et 50% de ces conventions se sont transformées en CDI.

Nous en sommes particulièrement fiers. D’autant plus que lorsque le contrat n’a pas été renouvelé, il a tout de même permis à 80% des jeunes de retrouver une opportunité ensuite.

Qu’est-ce qui est le plus difficile aujourd’hui, quand on a moins de 30 ans et qu’on cherche un emploi en Guadeloupe ?

Olivier Pelvoizin : Le plus difficile est de trouver une entreprise qui accepte de vous laisser une chance de montrer ce que vous valez.

À Pôle Emploi Guadeloupe, nous sommes mobilisés pour faciliter cette première chance, cette fameuse première embauche, celle qui permettra d’ouvrir les portes d’une entreprise et de faire ses premiers pas dans le monde professionnel.

Avoir moins de 30 ans aujourd’hui, c’est faire face à la sempiternelle question de « l’expérience professionnelle » tant demandée par les employeurs. Or, comment capitaliser cette expérience professionnelle si au final, on ne donne pas la chance à ceux qui veulent y arriver ?

Pouvez-vous nous expliquer ce qui freine le recrutement dans notre département ? 

Frank Bonnot : Lorsque nous avons monté l’opération en 2015, nous étions persuadés que malgré la grande diversité d’incitations à l’embauche, la plus grande problématique était cette logique « multi-interlocuteurs » qui pouvait dérouter et même perdre le chef d’entreprise.

C’est pour cette raison que le guichet unique, porté par le Pôle Emploi avec un seul interlocuteur dédié avec lequel vous pouvez échanger pour vos recrutements était une solution sans commune mesure, face à nos problématiques d’employeurs.

De ce point de vue, les vertus du guichet unique ne sont plus à démontrer après cinq années et des résultats éloquents. Il faut bien comprendre que ce guichet unique permet au chef d’entreprise de mobiliser d’autant plus facilement les aides disponibles, mais aussi et peut être même surtout d’accéder à un accompagnement parfois indispensable sur ces parcours de recrutement.

Cette deuxième dimension apparaît aujourd’hui cruciale car il n’est pas toujours facile ou évident pour nos entreprises d’exprimer leurs besoins sur le marché de l’emploi. Formuler un besoin en poste spécifique ne va pas de soi.

Cela signifie donc, soit un manque de compréhension de l’évolution de son propre marché ou soit, une difficulté à identifier des besoins réels en compétences. Dans les deux cas, c’est problématique car cela met complètement à mal notre capacité à rester compétitifs. Et c’est là où Pôle Emploi apporte une grande valeur ajoutée.

Vous voulez dire que Pôle Emploi Guadeloupe conseille les entreprises ? 

Olivier Pelvoizin : Nous sommes un acteur public au service de l’emploi. Pour être sûrs de faciliter l’insertion professionnelle, nous devons travailler à la consolidation du tissu économique et pour cela, nous devons améliorer la connaissance des entreprises de notre territoire.

C’est du sine qua non. Disons que ce sont même des prérequis nécessaires à toutes actions réussies.

« Aujourd’hui, nos équipes travaillent à la fois sur l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi comme sur la compréhension des compétences attendues par les entreprises qui leur font face. »

Exprimer un besoin n’est pas toujours évident. Et c’est parce que nous rencontrons régulièrement des chefs d’entreprise qui ont du mal à s’extraire de leur domaine d’activité que nous sommes confortés dans le rôle de conseils que nous avons auprès d’eux.

Nous avons conscience des problématiques que les entreprises rencontrent au quotidien. Un recrutement, c’est toujours un investissement. Une embauche, c’est toujours un pari sur l’avenir.

Nous en revenons donc à notre première question. Pourquoi parier aujourd’hui sur 2021, 2022, 2023…Alors que nous ne connaissons pas encore les effets de cette crise ? 

Frank Bonnot : L’UDE vient de partager avec les Guadeloupéens une vision ambitieuse pour la Guadeloupe à un horizon 2030. Une donnée de taille y est reprise : 80% des emplois de 2030 n’existent pas encore.

Cela signifie que les entreprises vont être confrontées à de nouvelles problématiques qu’elles ne connaissent absolument pas.

« Si elles ne font pas le choix d’anticiper, de mieux comprendre l’évolution de leurs marchés, d’interroger leurs forces, de former leurs salariés et d’intégrer de nouvelles compétences, les entreprises ne seront tout simplement pas outillées pour les changements à venir. »

C’est pour cela qu’il faut faire le pari des nouvelles compétences, et c’est sans doute ici que la jeunesse a son rôle à jouer. Nous devons favoriser l’embauche intelligente et repenser les parcours professionnels.

Il s’agit de revisiter la sociologie en entreprise, aider les bons à progresser et former ceux qui voudraient s’améliorer. C’est obligatoire si nous voulons rester compétitifs.

Les derniers gouvernements ont fait le choix de financer massivement la montée en compétence plutôt que l’écart entre les productivités et les coûts réels des salaires. C’est un pari que les entreprises doivent faire et nous avons la chance en Guadeloupe d’avoir des services de l’Etat, à commencer par le Pôle Emploi qui sont très actifs et même très efficaces sur ces questions.  

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