Elevage. La filière porcine guadeloupéenne s’investit dans le développement de la souveraineté alimentaire. Comment la dynamiser et la pérenniser ? Éléments de réponse. (Texte Audrey Juge, Photo Lou Denim)

Comment se portent la filière de la viande de porc et ses producteurs ?

Rénus Lapin, président de la coopérative Karukéra porc et gérant d’Unicporcg : La filière porcine se maintient mais ne décolle pas vraiment alors que c’est une filière à fort potentiel (2ème viande consommée en Guadeloupe). La mise sur le marché est difficile pour la viande fraîche car elle est concurrencée par la viande d’import, à plus bas prix. Face à ce constat, la plupart des producteurs ont réduit leurs cheptels de truies, tout comme moi, pour éviter le non-écoulement de la production sur le marché local. On ne peut plus prendre le risque d’augmenter les cheptels et cela engendre des problèmes de coûts supplémentaires de fonctionnement pour des bâtiments sous-exploités qui abaissent la rentabilité de la production. 

« La mise sur le marché est difficile pour la viande fraîche car elle est concurrencée par la viande d’import, à plus bas prix. »

La viande d’import congelée est donc votre principal frein ?

Tout à fait, avec la crise globale que nous traversons, les budgets des ménages se sont réduits. Les consommateurs se sont donc tournés encore plus fortement vers la viande d’import, moins onéreuse. Bien que congelée et de qualité inférieure, ça reste du porc et je peux entendre que beaucoup n’aient pas le choix. Mais, c’est un cercle vicieux qui ne s’inversera pas si nous ne parvenons pas à changer les choses. 

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La transformation du porc peut-elle être une solution complémentaire de développement ?

Nous faisons un peu de transformation, comme nos confrères de la société Cochon Pays Guadeloupe. Mais cette option comporte elle aussi ses travers. En effet, le coût de production est un gros frein. D’une part, les petits volumes de la transformation ne nous permettent pas d’être concurrentiels sur le marché. Ces produits, normalement à forte valeur ajoutée, ne le sont plus tant la production est coûteuse. D’autre part, nos prix de vente s’élèvent à quasiment le double de ceux de l’import. Les saucisses et grillades congelées ont la faveur des consommateurs. 

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À quelle autre problématique faites-vous face ?

Nous assistons à une importante hausse du prix de l’alimentation animale. L’aliment, qui représentait 70 % du coût de production des éleveurs, dépasse aujourd’hui ce taux. Nos revenus ont été sérieusement et rapidement impactés cette année car nous ne l’avons répercutée que très partiellement sur nos prix de vente. Nous allons donc à contresens de nos objectifs de baisse des prix de la viande porcine locale. 

« Je pense que ce n’est pas qu’une question financière mais surtout une question de mise en place et en œuvre d’une véritable politique de développement local. »

Un réel sursaut politique d’accompagnement de la filière est-il nécessaire ?

Je travaille avec le Conseil départemental et la Région sur la question du « manger local » des collectivités. C’est un consensus global que nous devons trouver. Il s’agit, selon moi, de réunir et d’impliquer tous les acteurs de la filière, distributeurs mais aussi bouchers, charcutiers, transformateurs, consommateurs et même les collectivités. Je pense que ce n’est pas qu’une question financière mais surtout une question de mise en place et en œuvre d’une véritable politique de développement local. J’y crois, à condition que toutes les parties soient à l’unisson.

« La filière porcine peut être la locomotive du train de la relance de la viande guadeloupéenne en général. »

Qu’envisagez-vous ?

Je pense qu’on gagnerait à dynamiser la communication de la filière, au travers d’une meilleure publicité en points de vente ou en organisant des événements dans l’esprit d’un salon de l’élevage.  Nous pourrions aussi convaincre les collectivités de s’engager dans la préparation d’un repas à base de viande locale par semaine pour la restauration hors-foyer, cela suffirait à booster la filière. Je suis aussi le président de l’abattoir et je pense qu’il y a des choses à faire pour baisser ses coûts de production. Il faut nous donner plus de parts de marché car nous pouvons atteindre une vraie autonomie alimentaire en viande porcine. De surcroît, couplée à la filière volaille, la filière porcine peut être la locomotive du train de la relance de la viande guadeloupéenne en général. On a tout à y gagner.

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