En début d’année, Daniel Gibbs, président de la Collectivité de Saint-Martin, écrivait dans son discours de vœux :

« Saint-Martin a été mise à rude épreuve, mais Saint-Martin se relève.

Malgré les obstacles, malgré les lenteurs de toutes sortes qui ont perturbé la résilience de notre île, nous n’avons rien lâché.

Nous nous sommes battus pour préserver l’essentiel. »

Depuis le 6 septembre 2017, le travail accompli par la Collectivité et ses habitants pour rénover le parc privé et les infrastructures publiques est considérable.

Rencontre avec un homme engagé.

Quels ont été les principaux enjeux de ces chantiers pharaoniques ?

Daniel Gibbs : Ce fut indéniablement le financement de la reconstruction et la gestion du temps face aux contraintes légales.

Il a fallu enclencher les dispositifs permettant la mise en œuvre de la phase opérationnelle de la reconstruction du territoire :

  • l’accès aux remboursements des assurances et le cas échéant aux prêts bancaires pour les propriétaires privés
  • la mise en œuvre des protocoles de reconstruction et des procédures administratives légales pour la collectivité, qui ont conditionné le financement des projets de reconstruction

Ce processus a pris 6 à 10 mois – la première grande phase de reconstruction a démarré en avril 2018.

Les mois qui ont précédé ont été essentiellement consacrés au déblaiement et au nettoyage.

Un phénomène comme Irma entraîne une quantité inimaginable de déchets qu’il a fallu ramasser et traiter selon les normes de l’Union européenne.

La Collectivité de Saint-Martin a consacré 15 millions d’euros sur son budget 2018 pour le nettoyage du territoire. 

Vingt-trois mois plus tard, Saint-Martin est en pleine reconstruction.

Nous avions annoncé qu’elle prendrait le temps du mandat électoral (cinq ans), c’est désormais confirmé.

L’ampleur de la tâche nécessite plusieurs années de travail. Les premiers résultats sont déjà visibles. Mais il reste beaucoup à faire. 

Saint-Martin

Quelles sont vos plus grandes victoires ?

Vu le chaos qui régnait au lendemain d’Irma, avec 95% du bâti endommagé et un territoire en situation d’urgence absolue, les Saint-Martinois peuvent être fiers du travail accompli.

Certes, nous souhaiterions que les choses aillent plus vite. Mais Saint-Martin retrouve peu à peu son aspect, les maisons se reconstruisent et les commerces se développent.

La Collectivité de Saint-Martin a dû gérer un énorme chantier de reconstruction alors qu’elle était elle-même sinistrée et sous-dimensionnée. Elle doit encore finaliser la reconstruction de certaines infrastructures publiques. 

Par ailleurs, la Collectivité s’est engagée à enfouir la totalité des réseaux électriques, fibre optique et câbles.

C’est un chantier d’envergure qui demandera dix-huit mois de travail.

A terme, Saint-Martin deviendra le premier territoire d’Outre-mer entièrement fibré.

C’est un choix politique sur le long terme, qui va dans le sens du développement durable et de la protection de nos concitoyens. 

Dans le domaine privé, des projets hôteliers, des restaurants et des commerces ont vu le jour dans les zones touristiques.

Nos zones d’activités commerciales sont en plein essor, c’est encourageant.

La Collectivité prévoit des projets d’envergure pour que Grand Case retrouve toute sa superbe : construction d’un nouveau collège et d’un Palais des sports, création d’un pôle médico-social et d’un plateau sportif… Les visiteurs vont-ils découvrir un quartier totalement repensé ?

Le secteur de la Savane, à l’entrée de Grand Case est effectivement une zone appelée à devenir un centre névralgique.

Elle accueillera d’ici 2021/2022 de nouvelles infrastructures publiques devenues indispensables depuis le passage d’Irma, telles qu’un collège de 900 places mais aussi un nouveau pôle médico-social qui permettra aux Saint-Martinois de bénéficier de structures d’accueil nouvelles répondant aux besoins du territoire.  

Vue aérienne de Saint-Martin

Les réseaux d’eau et d’assainissement seront entièrement réhabilités dans le village de Grand Case.

Les travaux débutent au mois d’août de cette année, avec en prévision un nouvel aménagement urbain sur le boulevard principal.

Un projet de Maison des Associations verra le jour en 2020 au cœur du village dans une bâtisse historique.

Nous avons aussi travaillé à la création d’un Centre des Arts (picturaux et culinaires) qui ouvrira ses portes à l’horizon 2021 à l’emplacement de l’ancien centre culturel dévasté par Irma. 

Grand Case mérite vraiment toute notre attention, c’est un lieu touristique incontournable qui accueille une grande partie de nos restaurants gastronomiques. 

Les restaurants historiques rouvrent progressivement leurs portes, de nouvelles enseignes se sont installées, permettant aux résidents et visiteurs de découvrir et redécouvrir la gastronomie saint-martinoise.

La Collectivité s’est aussi engagée à accompagner les propriétaires de maisons traditionnelles sur le boulevard, pour leur réhabilitation. 

La Collectivité de Saint-Martin investit également beaucoup sur les quartiers Orient Bay et Marigot… Que nous promet l’avenir ?

Le lotissement d’Orient Bay est une zone essentiellement privée.

La Collectivité de Saint-Martin, qui est propriétaire d’une grande partie de la plage, a permis la reconstruction des restaurants de bord de mer grâce à des contrats d’occupation temporaire du domaine public (AOT).

L’objectif est de pouvoir proposer sur cette superbe plage toutes formes de restauration et d’activités.

Plage de Saint-Martin réaménagée après Irma

Du restaurant gastronomique au restaurant traditionnel, avec toutes les commodités et les activités nautiques que les touristes attendent sur une plage de cette qualité.  

Marigot doit être repensé dans sa globalité pour permettre aux résidents, mais aussi aux commerçants implantés dans la capitale et qui croient à son avenir, de s’épanouir dans un environnement accueillant et fonctionnel.

C’est un travail de longue haleine sur lequel nous engageons toute notre énergie pour apporter des améliorations concrètes avant la fin de notre mandat.

Une première phase viendra réhabiliter la promenade du Front de mer avec de nouveaux aménagements urbains.

Cet aménagement sera livré courant 2020.

La redynamisation du centre-ville de Marigot a été confiée à notre société d’économie mixte, la SEMSAMAR, et nous avons nommé une City manager chargée du lien avec les commerçants et de la dynamisation des rues commerçantes.  

Quid de la marina Port la Royale ? Peut-on attendre un lifting total dans les mois qui viennent ?

Une première phase de travaux, débutée en avril 2019, consiste à réparer le deck de la marina et à implanter un nouveau mobilier urbain avant la prochaine saison touristique.

A terme, il faut que ce lieu touristique du centre-ville, où sont installés des restaurants renommés et des commerces de qualité, soit valorisé et que l’on puisse profiter de ce cadre unique au cœur de la ville.

A moyen terme, il y a aussi des zones d’habitation autour de la marina, sur lesquelles une réflexion de fond doit être menée avec les copropriétés pour une réhabilitation harmonieuse. 

La reconstruction de Saint-Martin dépend aussi de la capacité des propriétaires fonciers à assumer les travaux de réhabilitation de leurs biens. La Collectivité peut-elle les aider dans cette démarche ?

60% des Saint-Martinois n’avaient pas d’assurance multirisque habitation au moment d’Irma, c’est vous dire les difficultés rencontrées par certaines familles pour reconstruire leur habitat.

Sur son budget 2018, la Collectivité de Saint-Martin a consacré un budget dédié à l’accompagnement des familles en situation d’urgence avec enfants en bas âge, des personnes âgées et des personnes handicapées, pour la reconstruction de leurs maisons.

Désormais, ce dispositif a évolué et nous avons signé une convention avec la Fondation de France et les Compagnons bâtisseurs pour engager la reconstruction de logements appartenant à des personnes en difficulté sélectionnées sur critères sociaux.

C’est une aide considérable apportée aux plus vulnérables. 

Chantier de reconstruction à Saint-Martin

Décembre 2019 donnera-t-il le coup d’envoi du redécollage économique et touristique de l’île ?

Pour ce qui est du tourisme, la saison dernière a été une saison encourageante pour les professionnels qui ont réinvesti à Saint-Martin.

Sur 1800 chambres avant Irma, nous avions environ 800 chambres disponibles pour la saison 2018-2019 (hôtels et villas confondus) et elles ont été prises d’assaut.

Cela signifie que la destination Saint-Martin est toujours prisée et que nos habitués reviennent car ils sont attachés à l’île et veulent la soutenir.

Il faut dire que Saint-Martin est un lieu très attractif, le produit touristique franco-néerlandais est unique et plaît toujours autant.

Nous misons donc sur la prochaine saison pour acter le retour de Saint-Martin sur la scène touristique internationale.

La reconstruction ne sera pas totalement achevée, mais la destination sera en mesure d’offrir de très beaux produits touristiques. 

Lorsqu’on sort d’une catastrophe naturelle de cette ampleur, le développement socio-économique du territoire est un long processus qui demande une réflexion approfondie, du temps d’action et de l’investissement, notamment en termes d’infrastructures publiques.

Rome ne s’est pas construite en un jour ! C’est la même chose pour Saint-Martin, dont l’insularité complexifie la situation.

“La relance économique est la grande priorité de mon mandat et nous y travaillons sans relâche.”