9 visions du “développement local” en Guadeloupe et Martinique
Neuf acteurs de nos sociétés nous ont donné leur vision du développement local pour les territoires antillais, et au-delà.
« Penser le développement local des Outre-mer c’est penser un développement inclusif. »
Marie-Edith Vincennes
“Il faudrait mettre en avant les organisations communautaires qui oeuvrent à l’échelle des municipalités ou des quartiers, les groupes d’intérêts économiques, les interprofessions, les agents de la décentralisation, etc.
Quels outils ou méthodes utilisent-ils ? Quels appels à projets ont-ils lancé ? Quels sujets de recherche explorent-ils ? Quelles propositions de projets ont été formulées ? Quels succès ? Quels échecs ?
Penser le développement local des Outre-mer c’est penser un développement inclusif qui servirait plus spécifiquement les territoires ultrapériphériques ; leurs réalités, leurs besoins, leurs potentialités.”
« Le développement économique local est d’abord un processus avant d’être une procédure ! »
Harry Custos
“ Ce qu’il faut noter c’est la prise de conscience que le développement économique local est d’abord un processus avant d’être une procédure ! Il s’appuie sur des forces endogènes, sur des réseaux locaux : groupes socio-économiques, cadres moyens, réseaux de voisinage.
Le développement local est territorial et non sectoriel : créer un environnement favorable à la création d’activités économiques suppose des équipements adaptés, une population formée, un milieu social et culturel vivant.
Il faut que l’ensemble des forces vives du territoire (associations, artisans, TPE…) s’approprient ces outils afin de développer une Guadeloupe plus juste et plus inclusive.
C’est un des objectifs de l’association FACE Archipel Guadeloupe : accompagner les porteurs de projets à affronter les grandes transformations à l’oeuvre dans notre société : digitalisation, croissance, transition écologique et énergétique, économie collaborative, développement de nouveaux modèles économiques plus inclusifs [ESS], innovation.”
« La relance touristique post Covid en Martinique pourrait s’orienter vers un tourisme plus durable. »
Ingrid Labeau
“La place du développement touristique dans l’économie locale est primordiale. Le tourisme est un pilier de l’économie en Outre-Mer. Il crée un nombre incommensurable d’emplois directs (hôtellerie, maisons d’hôtes, location de villas, musées, loueurs de voitures, etc.) et indirects (restauration, activités terrestres, nautiques, producteurs agricoles locaux, etc.).
Le tourisme engendre des revenus dans tous ces domaines d’activités et par conséquent, créé de la richesse et augmente le PIB. Nous parlons ici d’attirer les touristes locaux (voyager chez soi) et internationaux.
La relance touristique post Covid en Martinique pourrait s’orienter vers un tourisme plus durable et mettant en avant les producteurs, agriculteurs et acteurs locaux de l’industrie. Il est primordial « d’éduquer » nos touristes en ce sens.”
« Intégrer davantage les Antilles françaises dans leur environnement économique immédiat. »
Dimitri Derigent
“La question du développement local via l’international ! Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur des projets de coopération internationale bénéfiques pour les Antilles françaises notamment, ce qui a pour but de les intégrer davantage dans leur environnement économique immédiat.
De fil en aiguille, ce sont des dizaines de secteurs locaux qui sont positivement impactés, ce qui stimule directement la création d’emplois et donc le développement local.
En parlant de coopération internationale, je pense immédiatement au projet TEECA (Trade Enhancement for the Eastern Caribbean).
C’est un projet Interreg porté par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Martinique avec l’OESC (Organisation des États de la Caraïbe Orientale) qui vise à créer un environnement d’affaires propice entre les territoires de la zone via l’accompagnement des entreprises à l’export dans quelques secteurs cibles identifiés comme porteurs.”
« Il est urgent de développer l’accès à l’eau potable, à internet et au transport. »
Laïza Marie
“L’accès à l’eau potable sur certains territoires qui est un véritable fléau et notamment pendant la crise sanitaire du covid-19.
L’accès à internet : les couvertures des territoires en termes de fibre restent inégales, ce qui ne rend pas forcément le développement digital local très simple. En effet, les entrepreneurs s’organisent et n’attendent plus forcément que sur les politiques pour avancer et développer leurs projets.
L’accès au transport qui peut être compliqué sur les territoires et qui peuvent avoir des conséquences sur la vie de la population : difficultés pour faire des courses, pour se rendre à son travail, pour décrocher un emploi/aller à un entretien de recrutement.
Il faudrait développer les pistes cyclables, trouver de nouveaux moyens de transports adaptés à chaque territoire : accès à des services de location de trottinettes électriques ?”
« Le développement économique va passer par les jeunes qualifiés. »
Marie-Claude Pastureau
“Le développement économique va passer par les jeunes qualifiés, or lorsque l’on parle de la jeunesse, ce n’est que lorsqu’il y a des drames. Il y a une belle jeunesse martiniquaise dynamique, prête à s’investir.
Suite à la crise Covid-19, nous avions 100 jeunes qui étaient en recherche de stage (tous nos stages à l’étranger étant annulés), nous avons entrepris une grande démarche de communication auprès des entreprises.
Cela a super bien fonctionné ! Certains ont même trouvé des stages en distanciel avec les pays étrangers dans lesquels ils devaient aller.”
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« Le développement local passe par le collectif. »
Michael Roch
« Selon moi, le développement local est en lien étroit avec notre économie et notre écologie. Ce sont deux facteurs sociétaux essentiels sur lesquels il est nécessaire de travailler si l’on souhaite aller vers plus de bien-être et d’épanouissement à titre individuel.
L’individu subit la société dans laquelle il vit. Il est acteur de sa propre vie dans le cadre prédéfini et hérité de la société dans laquelle il évolue. S’il veut oeuvrer pour un développement positif et durable, localement, son action est un effort supplémentaire.
Il me semble aussi que cet effort – qui est une résistance – sera moins pénible s’il est effectué collectivement : plus il y a des forces, d’acteurs complémentaires du développement, plus il est rapide et complet.
Le développement local passe donc aussi par le collectif, même si celui-ci semble plus long à mettre en place. »
« Le développement local nécessite davantage de temps de rencontre entre l’entreprise et l’école. »
Jessica Oublié
« Intervenant beaucoup dans les écoles dans le cadre de ma première BD Péyi an nou, je constate que quasiment 9 personnes sur 10 de chaque classe envisagent de quitter la Guadeloupe après le lycée.
Cela nourrit des vagues migratoires qui ont une incidence importante au niveau démographique et économique pour nos territoires. Les jeunes déclarent vouloir partir pour pouvoir travailler.
Je pense donc qu’il est nécessaire de créer davantage de temps de rencontre entre l’entreprise et l’école, de mettre en oeuvre des projets d’entreprise dans lesquels les professionnels pourraient parrainer des élèves, leur permettre de s’engager dans des projets pour leur territoire, apprendre à le connaître, à l’apprécier et à envisager leur employabilité et la place qu’ils pourraient prendre au regard des besoins de ce territoire.
Cela m’intéresse d’aider à accompagner les publics scolaires vers cette bascule professionnelle, qui leur permette de rester ici, s’ils le souhaitent. »
« Le développement local se fait en impliquant la population concernée, par la démocratie participative. »
« C’est tout simplement le développement des territoires concernés en valorisant les ressources locales biophysiques et humaines. Par ailleurs ce développement est réalisé avant tout pour les femmes et les hommes vivant sur territoire.
C’est une dynamique globale intégrant la culture, le social, l’éducation, l’économique. Tout cela se fait en impliquant la population concernée, par la démocratie participative, en évoquant davantage les sujets de souveraineté alimentaire et de développement durable dans toutes ses composantes (éthique, culturel, social, économique….).
Je contribue à mon échelle par mon métier de chercheur afin de démontrer la valeur de notre biodiversité. »
Harry ARCHIMEDE, Agronome, chercheur guadeloupéen à l’INRAE