Tsunami, explosion ou déluge de données ? D’ici 2025, le volume mondial de données à analyser devrait être multiplié par huit pour atteindre 1000 milliards de gigaoctets… À sa façon, le confinement a accentué ce phénomène en bouleversant nos manières de consommer et de travailler. – Photos Unsplash.com

Selon les estimations publiées dans le Digital Economy Compass 2019 de Statista, le volume annuel
de données numériques créées à l’échelle mondiale a été multiplié par plus de vingt en dix ans et devrait s’approcher de 50 zettaoctets cette année.

Sachant qu’un zettaoctet équivaut à un milliard de téraoctets, soit mille milliards de gigaoctets, je vous laisse faire le calcul…

Infobésité 

Mais cette quantité de données est dérisoire face à ce qui est attendu dans un futur proche : le seuil astronomique des 2 000 zettaoctets devrait être franchi à l’horizon 2035. La démocratisation croissante des objets et services connectés et l’avènement de la technologie 5G seront les principaux moteurs de ce “big bang” des données numériques.

Les individus, interconnectés et interagissant avec les objets, génèrent une quantité exponentielle de données et traces numériques via ordinateurs, smartphones, tablettes, caméras, capteurs, implants, compteurs électriques, voitures autonomes, jouets connectés, cryptomonnaies…

Les campagnes de numérisation de sources patrimoniales (archives papiers, photographiques, cinématographiques, radiophoniques…) contribuent à cet essor.

En l’espace de deux mois, le confinement a accéléré ce phénomène en propulsant les outils numériques au cœur de nos habitudes de consommation et de travail. 

Paiement en ligne

« Click and collect » 

Continuer à consommer depuis chez soi : pendant le confinement, les achats en ligne ont conquis 2,4 millions de nouveaux foyers français.

Les petits commerces eux-mêmes ont pris le train en marche : restaurateurs, libraires ou fleuristes ont créé en quelques jours des services de « click and collect », permettant aux consommateurs de réserver ou commander des produits en ligne avant de les retirer en boutique.

Les Français ont saisi l’occasion de s’ouvrir à de nouvelles formes d’achat et poussent les marques à digitaliser leurs points de vente. Selon la plateforme marketing Splio, les consommateurs seraient 35% à reconnaître que le confinement a eu un impact sur leurs habitudes de consommation avec, en arrière plan, le désir de se prémunir des risques éventuels liés à la crise épidémique du Covid-19.

Le confinement a aussi élargi la portée du paiement sans contact, par carte de crédit ou paiement mobile (NFC). Selon le service de la surveillance des moyens de paiement scripturaux à la Banque de France, entre les mois de juillet 2019 et 2020, les paiements sans contact ont doublé de
valeur (+ 120 %) et progressé de moitié en nombre de transactions.

Cette option de paiement est active pour 90 % des porteurs de cartes bancaires. Une évolution remarquable car, rappelons-le, si le sans-contact est technologiquement prêt depuis 2010, il n’a pas été accepté tout de suite.

Commande en ligne

Sushis en ligne

SAO Restaurant, c’est en principe dans la Baie orientale de Saint-Martin qu’on le trouve. Pourtant, une semaine après le début du confinement, plutôt que de tirer le rideau, c’est sur la toile que cet asian factory a resurgi.

Création d’un site Internet et d’une plateforme de commande en ligne, organisation des plans de livraison et des protocoles sanitaires ad hoc après consultation de l’ARS : en plein confinement, l’équipe de SAO était prête à livrer à domicile des saveurs exotiques pour varier le quotidien des Saint-Martinois.

Le 11 mai dernier, le restaurateur a décidé de ne pas rouvrir sa salle, mais continue à livrer.

Allô, docteur !

Autre envolée : le nombre de téléconsultations médicales. Entre mars et avril dernier, elles sont passées de 10 000 par semaine à 1,1 million. La donnée est éloquente : selon l’Assurance Maladie, le volume des téléconsultations a crû de 10 points depuis le début de la crise sanitaire, passant de 1 à 11 % de l’ensemble des consultations.

Parce qu’elle rassure la patientèle qui craindrait de croiser des malades atteints du nouveau coronavirus, parce qu’elle évite d’engorger les salles d’attente, la médecine en “visio” connaît un véritable boom.

Durant le confinement, Doctolib, leader français des rendez-vous médicaux en ligne, a tourné à plein régime, équipant des milliers de médecins de son module de téléconsultations.

Selon les spécialistes, la tendance devrait perdurer, d’autant que depuis 2018 les téléconsultations sont remboursées en France.

Explosion du streaming à la demande

Les plateformes de films et séries sont les grandes gagnantes de la crise. D’après Médiamétrie, depuis mai dernier, 18,4 millions d’internautes regardent au moins un contenu en SVOD chaque semaine, soit 6 millions de plus qu’avant le confinement.

Une embellie qui profite à Disney+, lancée en France le 7 avril, ainsi qu’à des plateformes plus confidentielles comme UniversCiné, spécialisée dans les films indépendants, ou FilmoTV.

Le mastodonte Netflix, lui, fait carton plein. Après avoir gagné plus de 15 millions d’abonnés payants dans le monde au premier trimestre, la société américaine a annoncé qu’environ 10 millions de clients supplémentaires avaient souscrit à sa plateforme entre avril et fin juin.

Netflix

En six mois, Netflix a attiré presque autant d’utilisateurs que sur l’ensemble de l’année 2019, renforçant du même coup sa position de leader du marché. 

Le télétravail va-t-il perdurer ?

Vous l’aurez noté, le télétravail monte en puissance et interroge. Pour de nombreux pays et organisations, l’idée même du travail à distance était inconcevable avant le confinement. Le Covid-19 a radicalement changé la donne.

En deux mois, c’est toute l’organisation de la vie professionnelle que le numérique a impactée, à travers l’utilisation par des millions de nouveaux télétravailleurs de deux outils phare : les plateformes de visioconférence et les messageries professionnelles telles que Slack, Microsoft Teams ou le très remarqué Zoom.

Le télétravail est-il la nouvelle norme ? Dans les textes, non. Le ministère du Travail a publié le 31 août 2020 un protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 dans lequel le télétravail reste une solution à privilégier en cas de circulation active du virus.

Dans les faits, le télétravail est devenu une pratique normalisée et des sociétés s’organisent pour l’inscrire dans la durée, à la satisfaction de nombreux employés.

Selon une étude réalisée par Deskeo en avril 2020, 62% des Français souhaitaient continuer à exercer leur profession en télétravail post-confinement.

Gain de place pour les entreprises et gain de temps pour les salariés, ça peut faire rêver. Mais certains spécialistes préviennent : le télétravail est ambivalent. Isolement, défaut de conseil, d’échange d’informations et de sociabilité quotidienne peuvent être délétères. Des considérations qui pousseraient à privilégier un télétravail partiel.

Sur le même sujet
Caraïbes télécom, des solutions collaboratives qui facilitent le télétravail
Les droits et devoirs du salarié télétravailleur et de son employeur
Le télétravail, réponse écologique et sociale aux besoins de l’entreprise

Transformation digitale : trouver l’équilibre

La transformation numérique, la majorité des salariés français en ont une perception positive. C’est ce que révèle l’étude “Les salariés français à l’ère de la transformation digitale” conduite en 2019 par l’Institut Mines-Télécom Business School auprès de 1 000 salariés.

Selon ces travaux, 90 % des sondés estiment que le numérique impacte leur métier. Alors que plusieurs études récentes indiquent que les salariés sont globalement méfiants face au numérique et surtout l’IA, le HRM Digital Lab fait le constat inverse :

84 % des personnes interrogées considèrent que le digital rend leur métier « plus intéressant ».

Ce qui conduit le laboratoire à conclure que les salariés sont « réellement engagés »,« volontaires », et se prévalent d’une maturité digitale plutôt bonne, – bien que quelques signes d’inquiétude demeurent.

Plus de la moitié des salariés français se tournent d’ailleurs vers des outils non proposés par l’entreprise pour remplir leur mission, que ce soit pour travailler de manière collaborative (Google Drive, Dropbox, etc.), pour communiquer (Skype, Hangout, etc.) ou pour organiser leur travail (Doodle, Evernote, etc.). Un constat qui devrait inciter les dirigeants d’entreprise à se convaincre davantage encore de la pertinence du digital en sortie de crise.

Vous l’aurez compris, l’heure est à l’« agilité », où flexibilité et numérique tendent vers un décloisonnement des différents services de l’entreprise, la consultation du client pour élaborer un service ou un produit, l’ouverture de la R&D aux FabLab et aux étudiants…

De toute évidence, comme l’étude du HRM Digital Lab le rappelle, les salariés sont déjà dans le bain numérique. Reste au dirigeant à adapter la transformation digitale à la culture de son entreprise.

A lire aussi
Six écrans par foyer, la métamorphose de nos usages
Quel avenir pour le digital post-covid ?