Skipper professionnel mais aventurier dans l’âme, David Ducosson rêve d’arriver à bon port après un premier échec en 2018. À la barre du multicoque Trilogic, le Gosiérien de 50 ans porte un projet ambitieux pour le développement de la voile en Guadeloupe. Texte Thibaut Desmarest

Vous nous avez fixé rendez-vous à la base nautique de Saint-François, devant un canot de voile traditionnelle. Pourquoi ?

Car il s’agit du magnifique canot de mon ami François Guibourdin, qui m’a proposé de le rejoindre il y a deux ans. C’est une activité que je connaissais assez peu mais je me suis lancé à fond ! Ça me manquait de naviguer en équipage sur ce type de bateau très particulier et dans une ambiance de régate vraiment géniale. Mine de rien, c’est aussi un très bon entraînement physique pour le large. Ça fait les abdos !

« Je me suis rendu compte que j’avais vraiment envie de boucler cette aventure, d’arriver chez moi. J’ai ce rêve de franchir la ligne devant l’îlet Gosier. »

C’est donc reparti pour une deuxième participation au Rhum après votre abandon en 2018. Ça n’a pas dû être facile de relancer la machine…

Ça a été très dur à encaisser, c’est vrai. J’ai mis plusieurs années à me remettre de cet échec (1). Et puis je me suis rendu compte que j’avais vraiment envie de boucler cette aventure, d’arriver chez moi. J’ai ce rêve de franchir la ligne devant l’îlet Gosier. Un skipper de Métropole a déjà, en quelque sorte, rempli ses obligations auprès de ses partenaires en prenant le départ, mais pour nous, Guadeloupéens, c’est différent.

David Ducosson, skipper de la Route du Rhum 2022

Comment est née l’idée d’acquérir un nouveau bateau ?

Quand je me suis lancé dans ce nouveau projet, il était prévu que je remette un bateau en état, comme il y a quatre ans (il barrait alors le trimaran d’Anne Caseneuve (2), NDLR). Mais ça me posait problème car j’aurais à nouveau dépensé beaucoup d’argent et d’énergie pour finalement le restituer à son propriétaire après la course. Je suis alors parti sur un projet beaucoup plus personnel avec l’achat d’un bateau (120 000 euros). Et dans ce genre de cas, soit on a beaucoup d’argent, soit on en fait un outil de travail. Comme je suis skipper de profession, j’ai plutôt choisi cette deuxième option.

« L’idée, c’est de pouvoir exploiter le bateau en Guadeloupe, en organisant des sorties découvertes de la voile sportive. Ça ne se fait pas encore chez nous. »

Pour mener à bien quel type de projet ?

L’idée, c’est de pouvoir exploiter le bateau en Guadeloupe, en organisant des sorties découvertes de la voile sportive. Ça ne se fait pas encore chez nous, contrairement en Bretagne ou en Méditerranée. J’aimerais aussi qu’il poursuive sa vie de course, en l’inscrivant sur tous les gros événements de la Caraïbe, comme la RORC 600 ou les Voiles de Saint-Barth’. Sans oublier la formation professionnelle de skipper, car il est toujours intéressant de goûter au maniement des bateaux de course. Qui peut le plus peut le moins !

Dites-nous en plus sur ce trimaran, baptisé Trilogic

Il a une sacrée histoire et un joli palmarès. Ce bateau a été construit en 2003 par Éric Bruneel (fondateur de Neel Trimarans) et s’est illustré dès sa première vie de course en remportant la Transat anglaise (The Transat, en 2004), The Rolex Fastnet Race (2005), puis en montant sur les podiums de La Route du Rhum (2e en 2008 avec Éric Bruneel, 1er en 2014 avec Erwan Le Roux). C’est un bateau éprouvé, simple mais performant. Côté matériaux, la coque est en sandwich polyester, avec renforts et mât en carbone, pour 15 mètres de long et 12 mètres de large. S’il n’est pas de dernière génération, il reste compétitif dans la classe Rhum Multicoques.

Chantier du trimaran de David Ducosson
Le chantier du Trilogic

Où l’avez-vous déniché ?

À Port-Médoc (Gironde), à une centaine de kilomètres au nord de Bordeaux. C’est un endroit que je connais très bien puisque ma grand-mère paternelle possède une maison à Verdon-sur-Mer. J’y suis allé toute mon enfance et mon adolescence. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai appris à faire de la voile, en Optimist, et à nager, au club Mickey ! J’y reviens régulièrement. Depuis des années, je voyais ce bateau un peu à l’abandon. Je me suis alors renseigné sur l’identité de son propriétaire.

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Quel est votre programme pour les semaines à venir ?

Nous allons remettre le bateau en état à Port-Médoc (depuis notre interview au mois de mai, David Ducosson a rejoint l’Hexagone, NDLR) pour effectuer les premiers tests sur l’eau mi-juillet. Nous avons un million de petites choses à faire sur le chantier. On doit réviser le moteur, revoir l’électronique, le nettoyer, le repeindre, etc. Une remise en état globale d’un bateau qui n’a pas navigué depuis quatre ans. Ensuite, je prévois de m’aligner début août sur un parcours libre de qualification de 1200 milles. L’idée serait de rejoindre Saint-Malo, après avoir été chercher un point en Angleterre, du côté du phare du Fastnet. Selon l’avancée de notre préparation, soit je reste en Bretagne jusqu’au départ, histoire de bien me remettre le coin en tête, soit je reviens à Port-Médoc pour engranger encore des milles.

Votre histoire avec le large et La Route du Rhum est intimement liée à une rencontre…

Oui, tout est parti d’une rencontre qui a été déterminante dans ma vie, celle avec Anne Caseneuve, qui nous a malheureusement quittés. Nous étions en formation à l’IRPM (Institut régional pêche et marine) de Gourbeyre, où j’ai passé mon diplôme de skipper professionnel. On a commencé à naviguer ensemble sur des bateaux de course, ça m’a tout de suite plu. J’ai ensuite participé à la construction de son trimaran (à partir de 2001, NDLR) et développé tout un réseau aux côtés d’Anne et de son mari, Christophe Houdet. J’en suis alors venu à travailler auprès d’autres skippers guadeloupéens comme Claude Thélier (2002, 2006) et Philippe Fiston (2010), avant de me lancer en 2018 au départ du Rhum, à la barre du bateau d’Anne.

(1) Face à des conditions dantesques, David Ducosson a dû abandonner après une semaine de course et deux grosses avaries (voile et barre).

(2) La navigatrice, amoureuse de la Guadeloupe, est décédée en 2015 d’un cancer à l’âge de 51 ans, un an après avoir remporté La Route du Rhum dans la Classe Rhum.

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Nos 7 skippers sur le “Rhum”

Depuis le mois de mai, dans Karumag, nos marins se sont livrés à travers des confidences et anecdotes savoureuses qui vous permettront de mieux les appréhender, avant de les retrouver le jour-J dans la cité corsaire.
Thibaut Vauchel-Camus (Ocean Fifty)
Damien Seguin (Imoca)
Rodolphe Sepho (Imoca)
Keni Piperol (Class40)
Sacha Daunar (Class40)
Willy Bissainte (Rhum Mono)