« Celestino s’est récemment lancé dans une démarche artistique nouvelle : réaliser des couteaux à partir de matériaux de récupération »


Celestino Esteves

Lames de Guyane

Artisan aux multiples facettes, Celestino Esteves pratique un métier en voie de disparition : coutelier. Rencontre avec un amoureux de la Guyane qui fait de certains couteaux de véritables œuvres d’art.

J’ai fait plein de boulots différents, monté un magasin de bricolage ou une boîte de bâtiment, mais mon vrai métier, c’est tourneur-fraiseur“. Et c’est peu dire que Celestino Esteves maîtrise le travail de l’acier à la perfection. Dans son atelier de Macouria, ce Guyanais d’adoption forge à la force de ses mains et à la sueur de son front des couteaux qu’il vend ensuite dans sa boutique de la rue de Lalouette à Cayenne. Des dizaines de modèles de couteaux de cuisines, couteaux de poche et autres machettes trônent dans ses vitrines, des objets dont la qualité de finition n’a parfois d’égal que leur prix : jusqu’à 3.000 euros pour certaines pièces ! Certaines lames représentent trois ou quatre jours de travail. De plus, la sortie à grande échelle du couteau-moustique, par exemple, a nécessité plus d’un an et demi d’étude. Le prix n’est donc en rien usurpé même s’il y a quelques fois beaucoup d’argent en jeu. Il y en a pour tous les goûts, du simple couteau qui coûte quelques dizaines d’euros à des pièces uniques destinées à des collectionneurs, des gens de métropole dans la plupart des cas. D’ailleurs, je crois que je suis plus connu en métropole qu’en Guyane !

Celestino fabrique aussi des machettes pour les corps de commando de l’armée de terre, des modèles spécialement étudiés pour les randonnées en milieux tropicaux, même si sa clientèle première est généralement constituée de cuisiniers, de connaisseurs ou de simples chalands à la recherche d’un cadeau original. Original compte tenu du fait que le coutelier de 48 ans a réussi à rallier ses deux passions : le travail de l’acier, bien sûr, mais aussi celui du bois. Cet amoureux de la forêt tropicale, arrivé en Guyane en 1986 (“c’était le paradis à cette époque“), s’est en effet épris de l’utilisation que l’on peut faire des bois de Guyane. Ainsi, dans sa boutique, les bois guyanais sont à l’honneur : Wacapou (“le bois des bois“), Saint-Martin rouge, Amarante, Ébène vert, Amourette ou encore Bois Sergent. “Le bois nécessite beaucoup d’attention, confie-t-il. Il faut savoir le sécher parce que chaque essence se sèche différemment“.

Alors que le dessin et la sculpture font (aussi) partie intégrante de son quotidien, Celestino s’est récemment lancé dans une démarche artistique nouvelle : réaliser des couteaux à partir de matériaux de récupération. Lame de scie, mèche à percer, rails de chemins de fer, tout y passe. “L’idée, c’est de choisir des matériaux déjà chargés d’histoire, s’enthousiasme-t-il. Et de leur donner une seconde vie, comme ça les gens repartent avec quelque chose qui a une histoire.” Une histoire qui ne manque pas de tranchant.