Ghislaine Anglionin, aujourd’hui cheffe du bureau de la représentation de l’État auprès du préfet de Martinique, travaille depuis 43 ans. Elle n’en demeure pas moins pleine d’énergie. Cette femme de caractère a gravi les échelons de l’administration grâce à sa ténacité et sa foi dans son engagement. – Texte Marie Ozier-Lafontaine

Ghislaine, petite dernière d’une fratrie de huit enfants a vite compris qu’une carapace lui serait nécessaire pour avancer. Proche de ses frères, elle apprend beaucoup auprès d’eux et se forge une mentalité de jeune fille forte et ouverte sur les autres. Elle écoute, observe, étudie le comportement de ceux qui l’entourent. Les capacités d’analyse qu’elle acquiert alors seront reconnues tout au long de son parcours, riche et atypique.

« J’étais une femme, antillaise, dans la police, dans les années 1980. Autant dire un ovni.»

Ma pierre à l’édifice

Née en Martinique, Ghislaine quitte le cocon familial très tôt, à 18 ans, après avoir obtenu un concours administratif dans la police. Après une enfance passée au Lamentin, la voilà projetée à Bagneux en Île-de-France. Elle est agent de bureau, à l’accueil d’un commissariat de quartier difficile. « J’étais une femme, antillaise, dans la police, dans les années 1980. Autant dire un ovni ». Mais la jeune femme ne se laisse pas impressionner, apprend le métier, fait face à la détresse humaine, la violence, le racisme et la misogynie. 

Ghislaine poursuit son parcours avec la même persévérance et la même curiosité qu’à ses débuts. Elle intègre successivement Interpol International, la police judiciaire, les renseignements généraux, la préfecture de police… « J’ai su prendre ma place, à chaque fois ! C’est vrai, j’étais souvent la seule femme noire dans les réunions, mais jamais je n’ai été déstabilisée car je savais pourquoi j’étais là : œuvrer pour ceux qui en ont le plus besoin ». 

Sa pugnacité, elle la met aussi au service du syndicalisme, pendant 10 ans, en tant que secrétaire générale d’un syndicat des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police nationale. « Durant plusieurs années, j’avais observé des dysfonctionnements en termes de conditions de travail, de mutation, d’avancement… J’avais envie d’apporter ma pierre à l’édifice, avec des axes d’amélioration palpables et rapides. J’étais la première femme antillaise à ce niveau hiérarchique dans un syndicat de police ! ».

Ce poste implique de l’engagement et génère, aussi, des attaques. Mais Ghislaine avance, prend les coups, négocie avec les hauts fonctionnaires et les ministres. Et obtient des résultats, comme la réforme des corps et carrières, une meilleure reconnaissance des personnels administratifs dans la police, un classement pour les mutations… « J’ai adoré cette période, mais j’ai dû retourner à des activités moins stressantes ».

« C’est vrai, j’étais souvent la seule femme noire dans les réunions, mais jamais je n’ai été déstabilisée car je savais pourquoi j’étais là : œuvrer pour ceux qui en ont le plus besoin. »

Communicante et diplomate

Elle occupe alors des postes en ressources humaines en préfecture de police à Paris, puis au service communication du cabinet du directeur de la police nationale. En 2014, elle revient en Martinique.« J’avais déjà tenté un premier retour quelques années auparavant. J’avais créé une petite entreprise de PAO et conçu un jeu de société pour les enfants ».

En 2014, elle revient au pays pour devenir adjointe au bureau de communication interministérielle, puis cheffe de bureau de la représentation de l’État en 2020. Communicante et diplomate, elle ouvre la préfecture au public, en organisant des expositions photos sur les grilles de l’établissement, en accueillant la population lors de la Fête de la musique ou des Journées Nationales du patrimoine. « Mon but : faire découvrir aux Martiniquais et au monde la Préfecture de Martinique, ce joyau architectural et historique. La préfecture est certes un organe de l’État, mais elle est aussi au service de tout un chacun, quelles que soient ses origines. Il ne faut pas l’oublier ! ».

Aujourd’hui proche collaboratrice du préfet, elle poursuit dans cette voie, en l’accompagnant dans ses relations diplomatiques, en affinant sa compréhension de notre société martiniquaise. 

« Si j’avais un message à faire passer aux femmes martiniquaises, c’est qu’elles doivent être fières d’elles, sans se demander si elles sont légitimes. Je leur dis : avec vos compétences, votre savoir-être et votre ténacité, rien ne doit vous faire baisser les bras, ni les yeux ».

« Avec vos compétences, votre savoir-être et votre ténacité, rien ne doit vous faire baisser les bras, ni les yeux. »

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