Si penser durable est devenu une nécessité, le bon sens n’en demeure pas moins indispensable. C’est, en tout cas, l’avis de Pierre Lagillier, du Groupe Océanic.

Comment qualifiez-vous le développement territorial de la Guyane ? 

Pierre Lagillier : Le développement territorial de la Guyane est en pleine expansion, du fait de l’augmentation de la croissance démographique. Les besoins, en termes de constructions, sont exponentiels. Néanmoins, cela risque de s’amenuiser avec une commande publique en baisse, qui pourrait avoir pour conséquence de générer un manque de logements sociaux.

Un autre point est à souligner quant au développement territorial. Il s’agit du problème des infrastructures routières, qui devient imminent. La Guyane aurait besoin de densifier les zones urbaines et que les grands pôles s’éloignent du centre, pour permettre notamment de décongestionner le flux des transports routiers.

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Que pensez-vous des outils et techniques pour cons-truire dans un souci d’économie d’énergie ?

Nous avons récemment livré 148 logements sur la ZAC Hibiscus et nous avons doté l’espace d’un éclairage public et solaire. Nous avons été les premiers, dans les années 2000, à promouvoir le solaire pour l’eau chaude des logements collectifs via nos constructions, cela dans une perspective de développement durable. Aujourd’hui, la réglementation impose qu’au minimum 50% de l’énergie produite sur une opération de logements collectifs soit de l’énergie renouvelable, donc solaire. Cependant, ce dispositif est-il réellement écologique alors que la loi, par précaution sanitaire, impose la présence d’un chauffe-eau électrique pour un chauffe-eau solaire ?

En parallèle, la réglementation impose une quantité trop élevée d’éclairage nocturne, dans le cadre de l’accès aux personnes malvoyantes. Ce genre d’incongruité pourrait être évité si les normes en vigueur témoignaient davantage de bon sens… On ne peut pas, d’un côté, exiger des efforts pour réduire l’énergie ou produire de façon durable, tout en imposant des impératifs qui vont à l’encontre de la notion même de développement durable.

Comment, à travers votre métier, vous adaptez-vous à cette notion de construction « durable » ? 

Nous essayons de faire en sorte que les logements proposés soient esthétiques, tout en intégrant les principes de la loi RTAADOM, par exemple, en ayant recours au bois ou à d’autres matériaux qui sont de bons isolants thermiques. Nous réfléchissons également à l’utilisation des briques en terre crue compressée. Cependant, le coût de ces matériaux est très élevé, notamment pour le logement social, et puis ce sont des matériaux qui impliquent certaines dispositions constructives à prendre en compte. Parallèlement, des contraintes demeurent… Je pense, pour donner un exemple, aux « 25% de façade ouverte à la ventilation de l’air », imposé dans le cadre de la RTAADOM. Lorsque l’on sait que les chambres de ce logement seront très probablement climatisées par la suite, à mon sens, il s’agit là d’une aberration !

Quel est votre ressenti sur l’avenir de la Guyane, en terme d’aménagement durable ?

Les notions de développement durable et d’économie d’énergie sont omniprésentes dans tous les discours. Certes, il est devenu plus que nécessaire d’adapter nos habitudes, afin de diminuer les impacts sur l’environnement. Cependant, il ne faut pas le cacher, « construire durable » génère des contraintes et des coûts. On gagnerait sans doute en efficacité si l’on ne s’obstinait pas à penser uniquement en terme d’économie d’énergie et si l’on offrait la possibilité aux constructeurs de modérer les normes en fonction des projets et des techniques utilisées, plutôt que de contraindre en fonction des lois onéreuses en vigueur.