Entraide Montjoly, une association déterminée à retisser le lien Aidant-Aidé

Axelle Dorville

Bien vieillir. Depuis 1982, l’association Entraide Montjoly œuvre avec détermination pour le bien-être des personnes âgées isolées et dépendantes du Nord Caraïbe.- Texte Axelle Dorville

Attablées devant des plats traditionnels, des femmes d’un âge bien avancé partagent des éclats de rire en se remémorant des anecdotes datant d’au moins une vingtaine d’années. Ce sont d’anciennes collègues de l’usine Socomor, autrefois localisée au Morne-Rouge. Plus tôt dans la journée, plusieurs jeunes, en service civique de l’association Entraide Montjoly, les ont transportées depuis leur domicile, afin de leur permettre de passer une journée de convivialité inoubliable.

En 2022, cela fera 40 ans qu’un groupe de citoyens préoccupés par la problématique du vieillissement, décida de s’organiser pour prodiguer des soins infirmiers à domicile, aux personnes âgées malades des environs. Une fois les infirmières et aides-soignants partis, les bénéficiaires se retrouvaient cependant bien souvent seuls, jusqu’à la visite du lendemain…

Envisager l’avenir des plus fragiles

Créé en 2018, le pôle Bien Vieillir Envies’âge de l’association s’engage à donner la possibilité aux aînés de rester acteurs de leur projet de vie. Une bouteille de gaz à remplacer, une envie d’aller faire ses courses au marché, des travaux pour faciliter le maintien à domicile : quel que soit le besoin, l’association se démène pour apporter une solution. À l’heure du goûter, on se retrouve au jardin thérapeutique d’Entraide Montjoly pour jardiner, échanger autour de tisanes « maison » et même danser.

De la mosaïque pour améliorer la praxie aux ateliers numériques pour simplifier le quotidien, en passant par l’aquarelle pour révéler ses talents artistiques, l’association accompagnée par Kaléidoscope, spécialiste de l’ESS, ne manque ainsi pas de projets. Un accueil de jour en pleine nature pour les personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives devrait bientôt voir le jour, sous réserve d’autorisation ; ainsi qu’une recyclerie d’aides techniques (déambulateurs, cannes, fauteuils roulants, etc.), dans une démarche d’économie circulaire.

Pour en savoir plus sur ce projet passionnant, nous avons interrogé Marie-Pascale Chalonec, directrice de l’association.

« Nos aînés n’ont pas les moyens de s’offrir des services de soutien permanents du fait de leur faible retraite. Le lien social est cependant indispensable pour lutter contre la solitude. »

Pourquoi le lien social est-il indispensable à l’aide à la personne ?

Marie-Pascale Chalonec, directrice de l’association Entraide Montjoly : Les personnes âgées du Nord Caraïbe n’ont bien souvent que peu de contacts humains, en dehors des professionnels des soins paramédicaux se déplaçant à leur domicile. Leurs proches vivent souvent dans le centre ou dans le sud de l’île et nos aînés n’ont pas les moyens de s’offrir des services de soutien permanents du fait de leur faible retraite. Le lien social est cependant indispensable pour lutter contre la solitude. 

C’est en voyant mes parents, à l’époque jeunes retraités, inviter leurs voisins pour le simple plaisir de passer du temps ensemble, que j’ai rapidement compris l’importance de recréer de la relation pour les personnes isolées. Mais en réalité, la demande est surtout venue de ces personnes elles-mêmes. Par exemple, du fait de la Covid et des confinements successifs, je suis sans cesse interpellée par des personnes âgées qui n’en peuvent plus et me disent : « Ce n’est pas ça la vie ! » À les entendre, je comprends leur mal-être. Elles sont au bout du chemin et veulent pouvoir vivre !

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Quels sont, selon vous, les maillons essentiels de l’aide aux personnes âgées ?

Les soins infirmiers, bien entendu, qui sont notre cœur de métier. Mais ils ne suffisent pas pour un bon maintien à domicile. L’aide à domicile est elle aussi essentielle, pour la préparation des repas, le ménage, le nettoyage et le repassage du linge, toutes ces petites tâches que la personne âgée dépendante ne peut plus réaliser seule. 

On n’en parle moins, mais la mise à disposition d’un ergothérapeute, expert dans l’adaptation du logement, est une étape clé pour faciliter le maintien à domicile. C’est d’autant plus important que de mauvaises installations peuvent représenter de vrais risques professionnels pour les intervenants. 

« On n’en parle moins, mais la mise à disposition d’un ergothérapeute, expert dans l’adaptation du logement, est une étape clé pour faciliter le maintien à domicile. »

Enfin, il y a toutes les actions qui peuvent être mises en place pour impulser une dynamique de vie sociale. Nous faisons régulièrement des enquêtes auprès de nos bénéficiaires : c’est la « solitude » qui revient le plus souvent.

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Pouvez-vous nous présenter plus en détail vos actions phares destinées à recréer du lien ?

Nous avons mis en place une expérience au jardin permettant aux personnes de se rencontrer et de créer du lien tout en plantant des petites choses de chez nous. Ainsi, la barbadine, une fois récoltée, a été transformée par les bénéficiaires en excellentes confitures. Ce sont également les topinambours, dont le goût se perd, que nos usagers ont voulu planter pour Noël et les groseilles avec lesquelles ils ont fait du sirop et du jus.

D’autre part, au-delà du fait de permettre de redécouvrir nos propres saveurs et de faire un partage d’expériences, la démarche suscite l’intérêt des plus jeunes qui nous rendent visite. Nous avons même eu l’occasion d’inviter des artistes locaux qui ont apporté une note de musique dans ces moments de convivialité. Nos bénéficiaires, particulièrement les femmes, apprécient énormément. Il faut les voir danser ! Elles bougent, elles respirent, elles s’amusent et quand elles ont bien dansé, au moment du départ, elles me disent souvent : « On va bien dormir ! » (rires).

En 2017, nous avions mené une expérience intergénérationnelle, avec les sections « services à la personne » du lycée Joseph Gaillard et « esthétique » du lycée de Chateaubœuf, qui a rencontré un grand succès. Les bénéficiaires avaient pu participer à un atelier « Fais-toi belle » au cours duquel elles s’étaient faites maquiller, coiffer… Elles étaient heureuses et les jeunes, ravis de cet échange !

« Un de nos gros projets est d’offrir un accueil de jour aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, sur un très beau site paysager, situé à Ajoupa-Bouillon. »

Actuellement, un de nos gros projets est d’offrir un accueil de jour aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, sur un très beau site paysager, situé à Ajoupa-Bouillon. Ce lieu, toujours sous réserve d’autorisation, sera ouvert aux personnes du Nord-Atlantique et l’animation adaptée aux besoins de chacun, selon une approche personnalisée. Notre objectif est de montrer qu’un accompagnement non-médicamenteux est possible. Nous pensons déjà à la médiation animale, à la participation à des activités de plein air. L’idée est réellement d’ouvrir le champ des possibles, démarche dans laquelle Entraide Montjoly sera accompagnée par des professionnels experts du domaine.

Bien entendu, tout cela sera fait dans le respect du cadre réglementaire ainsi qu’en co-construction avec les bénéficiaires et les organisations concernées. Ainsi, grâce à Kaléidoscope, nous avons pu tester en conditions réelles, en « Living Lab », notre concept d’accueil de jour, en impliquant des aidants, des professionnels et deux personnes malades qui ont pu nous donner leur avis, afin de construire la meilleure réponse possible.

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Quels sont les besoins actuels pour concevoir un parcours efficace de la personne âgée sur le territoire ?

La formation est, selon moi, le besoin principal. À cet effet, Entraide Montjoly travaille sur un axe de développement des compétences afin de préparer les futurs professionnels aux réalités de terrain. Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de changer les pratiques en réponse à l’approche personnalisée que promeut la loi. Les risques liés à la perte d’autonomie, les risques de chutes, de dénutrition et de surdosage de médicaments, l’isolement sont autant de situations qui fragilisent les individus et que nous devons prendre en compte. Sans oublier le lien étroit avec la politique de soutien aux aidants.

Nous avons également identifié un besoin au niveau de la mobilité. En effet, dans nos communes isolées, le transport est une problématique centrale pour celles et ceux qui souhaitent participer aux différents dispositifs proposés sur le territoire. C’est un véritable levier d’amélioration pour la diversification de nos activités. 

« La formation est le besoin principal. Entraide-Montjoly travaille sur un axe de développement des compétences afin de préparer les futurs professionnels aux réalités de terrain. »

Globalement, l’idée est de pouvoir avoir le bon professionnel au bon moment et de s’alimenter des constats de terrain pour co-construire, en collaboration avec les différents acteurs et les institutionnels, des réponses pragmatiques. Tout cela représente un gros travail et nous n’en sommes qu’aux prémices. Mais la tâche est belle et porteuse de sens !

Le secteur de l’aide aux personnes âgées est porteur d’emplois de proximité, gage d’efficacité. Je suis convaincue qu’il y a là une niche d’activités ! 

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Comment pouvons-nous contribuer à Entraide Montjoly ?

Afin de pouvoir déployer davantage d’actions et de toujours mieux accompagner nos aînés, notre conseil d’administration souhaite renouveler sa composition. Le seul prérequis pour le rejoindre est de partager nos valeurs de « solidarité, respect et engagement à la responsabilité sociale et environnementale ». 

Nous sommes par ailleurs à la recherche de soutiens financiers qui nous permettront de concrétiser les différents projets et de former des professionnels compétents. 

« Nous ne nous limitons pas dans le temps. Notre démarche est initiée. Nous saurons être là jusqu’au bout pour tous ceux qui en ont besoin ! »

L’idée est que toutes les solutions permettant d’accompagner et de tisser du lien aboutissent et se pérennisent. Nous nous inscrivons dans une logique de production d’innovation sociale, telle que le promeut Kaléidoscope, fabrique à initiatives locales. Nous ne nous limitons pas dans le temps. Notre démarche est initiée. Nous saurons être là jusqu’au bout pour tous ceux qui en ont besoin !

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