Du 24 au 30 mai s’est déroulé, en Guyane, Morpho, un exercice médical de grande ampleur et jamais réalisé en France. Initié par le SAMU de Paris, il a mobilisé plusieurs centaines de personnes sur place, aux Antilles et à Paris suite à une simulation de cyberattaque dans deux hôpitaux et un incident grave au niveau du centre spatial. Retour étape par étape.

Texte Sarah Balay – Photo Mathieu Delmer

Le contexte

Il y a deux mois, le SAMU de Paris sollicite l’agence régionale de santé de Guyane (ARS) et le SAMU 973 pour la mise en place de Morpho, un exercice encore inédit en France qu’il souhaite réaliser avec les étudiants de l’université de médecine de Paris Cité dans le cadre du diplôme de capacité de médecine de catastrophe. Il s’agit notamment d’une préparation en amont des JO de Paris 2024.

Élaboré par l’ARS, les Samu 973 et 75 et l’état-major interministériel de zone (EMIZ), le scénario repose sur deux simulations : une cyberattaque informatique dans deux des hôpitaux du territoire suivie d’un accident sur le site du centre spatial guyanais (CSG), le tout nécessitant la mise en place d’un pont aérien avec les Antilles et l’Hexagone.

Objectif : tester, en situation de crise, la coordination des différentes équipes, la réactivité des services, la coopération publics et privés pour la réalisation d’évacuations sanitaires massives médicalisées et graves : SAMU (Guyane, Paris, Guadeloupe et Martinique), CH de Cayenne et de Kourou, ARS de Guyane, Martinique, Guadeloupe, préfecture de Guyane, forces armées de Guyane, service de santé des armées, SDIS, ambulances privées, CSG, collectivité territoriale de Guyane (CTG), gendarmerie nationale, Air Caraïbes, aéroport, CCI**, BGTA***, DGAC****, centre d’enseignement des soins d’urgence de Guyane (CESU 973) et la direction générale de la santé. Au total, plusieurs centaines de personnes mobilisées (médecins, administratifs, personnels de santé, personnels de sécurité, étudiants…) depuis la Guyane, les Antilles et l’Hexagone.

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Morpho
Pr Pujo, chef du SAMU de Cayenne. Sur le front avec les différents SAMU lors de la mise en place de la UHTE (unité d’hospitalisation, de transit et d’évacuation) au PROGT. – Credit Photo Mathieu Delmer

Morpho jour 1 : cyberattaque dans deux hôpitaux

Mercredi 24 mai, les hôpitaux de Cayenne et de Kourou sont victimes d’un incident informatique bloquant l’ensemble du système. L’impact sur la prise en charge des patients est immédiat et très lourd : retour au papier, difficultés d’analyses au laboratoire, à l’imagerie (radio, scanner…), plus de vérification de données patients possibles… Les hôpitaux fonctionnent en mode très dégradé avec un risque majeur pour les patients, notamment ceux des services de réanimation.

Morpho jour 2 : cellules de crise actionnées

Jeudi 25 mai : l’enquête révèle qu’il s’agit d’une cyberattaque avec demande de rançon. Se déclenchent immédiatement les cellules de crise au sein des deux hôpitaux et à l’ARS, la préfecture reste en alerte : une demande d’un pont aérien entre Paris et Cayenne est émise auprès du ministère de la santé. Les patients prioritaires sont identifiés en vue des premières évacuations sanitaires (EVASAN) vers les Antilles. Les informaticiens sur place sont renforcés par d’autres équipes (Orange) et sont à pied d’œuvre en attendant les renforts prévus dimanche. Le plan blanc est déclenché dès jeudi matin afin de renforcer les ressources humaines au sein des services (rappel du personnel en congé ou en repos, heures supplémentaires…)

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Jour 3 et 4 : évacuations

Vendredi 26 et samedi 27 mai et suite à la demande, le centre opérationnel de régulation et de réponses aux urgences sanitaires et sociales (CORRUS), structure du ministère de la santé, mobilise les équipes des SAMU d’Ile de France pour préparer les ponts aériens avec la Guyane. En Guyane, les premiers patients partent pour être pris en charge aux Antilles. Les CH déprogramment les opérations programmées. Des communications pour informer le grand public sont effectuées notamment afin de limiter l’arrivée d’urgences non vitales dans les deux hôpitaux.

Jour 5 : arrivée des renforts

Dimanche 28 mai, les premières équipes de renfort des SAMU d’Île de France arrivent en Guyane depuis Paris par un vol commercial (17 heures). Ces derniers comptent une trentaine de volontaires et disposent de leur équipement médical. Ils s’installent au PROGT, palais régional omnisport Georges Théolade à Matoury, mis à disposition par la CTG pour la mise en place d’une base de vie et de l’unité d’hospitalisation, de transit et d’évacuation (UHTE) ; qui permettra d’accueillir les patients avant l’arrivée de l’avion qui pourra les acheminer vers les Antilles et la métropole dont le départ est fixé au mardi 30 mai.

Jour 6 : aggravation de la situation (explosion au centre spatial) et plan NOVI

Lundi 29 mai, ambulances et pompiers évacuent les patients prioritaires des hôpitaux de Cayenne vers l’UHTE au PROGT. À 13 h 30, la situation se dégrade suite à un incident isolé qui se produit au centre spatial : il s’agit d’une explosion d’éléments pyrotechniques dormant au banc d’essai des accélérateurs à poudre (BAEP). Le bilan est lourd : des blessés dont une dizaine de grands brûlés. Comme prévu dans ces situations, la préfecture déclenche le plan NOVI (nombreuses victimes) qui mobilise l’ensemble des acteurs de la chaîne de secours et de sécurité. Les forces armées diligentent un CASA (avion de transport tactique et logistique) pour récupérer et évacuer des victimes vers l’UHTE, l’hélicoptère de la sécurité civile (Dragon) est également mobilisé pour transférer une victime et d’autres sont évacuées par voie terrestre par les pompiers et les ambulances privées. La prise en charge d’urgence est réalisée au PROGT.

Le soir même, un vol d’Air Caraïbe atterrit avec le reste des équipes du Samu Île de France renforcée par leurs homologues de Guadeloupe et de Martinique. Ils s’occuperont toute la nuit des malades et blessés pris en charge à l’UHTE.

Morpho jour 7 : retour à Paris et fin de l’exercice

Mardi 30 mai, l’avion est configuré afin d’accueillir plusieurs civières sur lesquelles les patients les plus urgents sont installés. Un retour vers les Antilles puis Paris est organisé afin de transférer les patients graves et moins graves et les équipes médicales venues en renfort. Aux Antilles, certains patients sont évacués vers les CHU de Martinique et de Guadeloupe. Les autres partent pour être pris en charge en Île de France, signant la fin de l’exercice.

Les équipes se préparent pour l’évacuation massive de patients vers les Antilles. Le gros porteur a été spécial affrété par Air Caraibes pour l’exercice Morpho – Credit Photo Mathieu Delmer

ARS* : agence régionale de santé.

CCI** : chambre de commerce et d’industrie

BGTA*** : brigades de gendarmerie des transports aériens

DGAC**** : Direction générale de l’Aviation civile (DGAC)