Solaire dans sa robe sombre, quand Virginie Duranton parle de la mort, elle célèbre la vie. Son métier : accompagner les personnes endeuillées.

« Tu n’en as pas marre de t’occuper des morts? » demande-t-on souvent à Virginie Duranton, investie corps et âme en tant que conseillère funéraire. Celle qui organise les obsèques, ne se lasse pas d’apporter, avec éthique et professionnalisme, un peu de lumière aux vivants
assombris par la perte d’un être cher.

Depuis octobre 2023, elle préside Pour vivre et accepter son deuil (PVAD), fondée par Ralph Siniamin pendant la crise du Covid. L’association a vocation à prévenir et anticiper les troubles psychologiques liés au deuil grâce à des groupes de parole hebdomadaires et des conférences.

Deux décès successifs l’ont conduite à se spécialiser. En novembre 2019, elle perd tragiquement son meilleur ami et collaborateur, Yohann, asphyxié dans un caveau. Deux ans plus tard, sa soeur, Élise, meurt d’un cancer du pancréas le jour de son anniversaire. Les chocs sont brutaux au point que la professionnelle développe un stress post traumatique. Résiliente et sensible, elle décide d’accompagner les personnes dans le deuil, touchée de voir qu’il y a si peu de prise en charge. Elle devient psychothérapeute, formatrice et se met à son compte.

La dame du passage

Tout commence vers l’âge de 15 ans, alors qu’elle nettoie la tombe de ses grands-parents avec son père, entrepreneur et chef cuisinier, Virginie lui suggère de créer une entreprise dans le secteur du funéraire. « On ne fait pas d’affaires avec les morts » tranche-t-il, cinglant. Son rêve est enterré.

Virginie suit d’abord la voie paternelle dans la restauration et l’hôtellerie. Adulte, après son divorce, elle bascule d’employée du service État civil de la mairie de Toulouse à conseillère funéraire. Il y a dix ans, elle quitte l’importante agence de pompes funèbres Graugnard de Marignane pour occuper le poste de directrice adjointe de l’Espace funéraire et crématorium de la Martinique. Sa mission : amorcer la transition de l’inhumation vers la crémation.

Elle conçoit le parc mémorial de La Joyau avec Gilles Cupit, le directeur. Les familles y déposent ou dispersent les cendres, se recueillent… Ce site cinéraire, unique dans la Caraïbe, immortalisera son passage sur Terre.

Fille de gringo

La spécialiste du deuil veut être inhumée en Martinique. Ses cendres reposeraient dans son parc, sur cette terre où elle a tant sacrifié pour son métier. L’enfant du gringo se sent enfin intégrée et en sécurité sur l’île. Métisse, née d’une mère Amérindienne du Nicaragua et d’un père Français, Virginie Duranton passe son enfance, valises à la main, ballotée entre le Honduras, le Nicaragua et la France au gré des nostalgies de son père.

Son premier traumatisme date des années 1980. Sa famille subit la guerre civile en Honduras. Toute leur vie, ses parents parleront de « troubles », un voile pudique mis sur des évènements traumatisants qu’elle a vécus : les militaires qui les menacent, brûlent leur ranch, empoisonnent leurs animaux, sa mère payant le personnel en vendant leurs biens, son père qui fuit 50 dollars en poche…

Elle a 10 ans quand sa famille se met enfin à l’abri en France, en 1987, mais elle ne s’y sentira jamais chez elle. C’est en Martinique qu’elle trouvera finalement sa place, des années plus tard, en accompagnant les familles à une étape importante de leur vie. Elle est un exemple de belle âme qui a trouvé le sens de son existence.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.