Natacha Nestor est une militante. Militante de la cause des femmes, de leur santé, de leur bien-être. C’est même devenu son métier, au sein de la police où elle travaille depuis toujours. C’est aussi au cœur de toutes les associations auxquelles elle participe.

Des premiers pas à l’École de Police jusqu’aux Renseignements

Quand elle a décroché le concours de police, elle venait à peine de passer son bac, à pas tout à fait 17 ans. « Je l’ai préparé pour aider mon copain de l’époque, mais j’ai toujours voulu être flic », raconte la Sainte-Rosienne. Elle passe d’abord par l’École de police de Marseille, fait du droit et intègre le commissariat du 16e arrondissement de Paris où elle exercera pendant plusieurs années. Puis elle finit par entrer aux Renseignements en Guadeloupe, son île d’origine. « Ils cherchaient une femme, guadeloupéenne, qui comprenait et parlait créole. » Elle.

Pourtant, Natacha reste persuadée qu’elle a pu décrocher le job grâce à un piston « long comme le bras » : des relations amicales avec la famille de Marcel Leclerc, un des plus émérites commissaires du 36 quai des Orfèvres.

« Ce poste aux Renseignements était un parfait promontoire d’observation de cette société post-coloniale qu’est la Guadeloupe », relate- t-elle, en se souvenant des conflits sociaux, des échanges avec l’administration et des réflexions qu’elle en tire. Notamment sur la situation des femmes durant les grèves, qui font tenir les piquets en apportant le ravitaillement, qui gèrent les caisses, les tee-shirts et les relations sociales.

Elle constate aussi la condition des femmes en Guadeloupe. Autonomes plus jeunes, responsabilisées plus tôt, « par rapport aux hommes qui restent chez leurs parents tant qu’ils ne sont pas en couple », explique-t-elle, chiffres à l’appui, en fustigeant le concept de la femme potomitan, pilier central d’un foyer, qui porte toutes les responsabilités pendant que l’homme papillonne à droite à gauche. « Une arnaque qui conduit même certaines à élever les enfants qu’il a eus avec une autre », acquiesce-t-elle énergiquement.

Natacha Nestor © Cédrick Isham Calvados
Natacha Nestor © Cédrick Isham Calvados

Protéger et prévenir : l’engagement de Natacha Nestor au-delà des frontières professionnelles

Des femmes, au commissariat de Pointe-à-Pitre, elle en voit beaucoup. Des collègues, celles avec qui elle a monté une association “Femme et police”, pour lutter contre les inégalités internes au corps de métiers. Ou celles décédées, dont l’histoire a été marquée par les coups de leur conjoint, parfois jusqu’au drame ultime. « Leurs histoires m’accompagnent chaque jour », confie- t-elle.

Depuis plus d’un an maintenant, elle a aménagé dans les locaux une salle d’attente pour les femmes et leurs enfants victimes de violences au sein de leur foyer. Quand elle a quitté les Renseignements, elle s’est saisie des dossiers prévention, à la brigade des mineurs, avec l’impulsion de sa direction. Pour protéger, prendre le problème à la source.

Depuis, elle a progressé, grimpé les échelons, pris de l’envergure et est devenue une des figures de la lutte contre les violences intrafamiliales. « C’est une mission », reconnaît Natacha Nestor. Longue et difficile, qui nécessite de l’endurance. Comme ces marathons, qu’elle court un peu partout dans le monde.

Adepte de la course à pied, elle est aussi traileuse dans l’association lamentinoise Cereal qu’elle vice-préside. Elle court pour des causes, seule ou en famille. Avec ses cousines et d’autres femmes de son clan, elle a monté une autre association, Likid Chokola, qui veut aider les femmes atteintes d’endométriose. Les femmes, coûte que coûte.

Article paru dans le hors-série Portraits Guadeloupe, mars 2024