Elle est rapide, tranche, agit, avance. Tania Foucan, cheffe de l’unité médicale de justice, est une maîtresse-femme qui met tout son talent au service de l’institution hospitalière du CHU de Guadeloupe.

Une vie dédiée à la médecine

Le CHU de Guadeloupe, c’est presque toute sa vie. Au moins professionnelle. Tania Foucan, cheffe de service au département de médecine légale, où sont notamment réalisés des autopsies et examens de victimes de violences en tout genre, ne raconte qu’assez peu ses souvenirs.

À peine évoque-t-elle une partie d’enfance à Pau, des études de médecine à Bordeaux, une période de « faisant fonction d’interne », comme on dit dans le jargon professionnel, de trois mois aux urgences de Guadeloupe et une opportunité de poste. Elle revient sur l’île, embauche aux urgences, encore, ce sas hospitalier où l’on ne sait jamais ce qui va se passer, ni comment. Où l’intensité de certaines nuits côtoie des moments plus doux, « ceux où on se retrouve à 4 heures du matin, un peu éreintés, mais en équipe », raconte Tania.

Ce sont des temps où l’on crée des liens, où l’on construit la solidarité qui règne entre les soignants de cet hôpital déshérité, petit, en sous-effectif et soumis à de durs conflits sociaux. « Mais quand même, ici, c’est comme un village : tout le monde se connaît, on sait travailler ensemble. »

Tania Foucan © Cédrick Isham Calvados
Tania Foucan © Cédrick Isham Calvados

Gérer l’urgence

La médecine légale, c’est venu dans sa vie comme un peu tout le reste : dans un déroulé logique de l’existence qui offre parfois des opportunités à qui sait les saisir. « Et puis, j’ai toujours aimé comprendre les mécanismes de fonctionnement des choses », sourit-elle.

Elle ne se perd pas en palabres. La voix haute et claire, elle est précise, rigoureuse dans le propos. Organisée. C’est peut-être aussi pour cela qu’elle aime son CHU : « C’est un peu le bazar ici », concède-t-elle.

Mais pas autant que lors de l’incendie de l’hôpital, en 2017. « Je passais dans le hall de la tour, en talons hauts, j’ai senti de la fumée. J’étais au milieu à organiser les espaces où on mettait les malades.

Ce jour-là, on a réussi à évacuer tout l’hôpital, y compris les bébés de néonatalogie du 9e, sans perdre personne. » Une grande satisfaction. Tout comme celle d’avoir pu passer les vagues successives de Covid-19 et de ses centaines de morts, organiser l’hôpital, les flux, les malades, les soignants, le “CHU-bashing” et l’incompréhension populaire face aux défis techniques et humains de cette période.

« Dans l’Hexagone, ils avaient des trains de réanimation. Nous, on a affrété un avion de réa. »

Sa fierté se mâtine d’un peu de tristesse au souvenir de cette période où la médecine, emportée par les fake news, a déchiré la Guadeloupe. C’est peut-être aussi depuis ce moment que quitter l’archipel commence à lui traverser l’esprit. « La question ne s’était jamais posée, puisqu’en plus mes enfants ne se voyaient pas vivre ailleurs. »

Elle vit dans l’instant présent, trouve le temps de lire et de courir. Ne se refuse aucun projet, aucune responsabilité : avec son activité de médecin, elle dirige la commission médicale de l’établissement qui traite de la vie hospitalière, à la coordination de la gestion des risques hospitaliers. La charge de travail ? « Pas un problème si ça avance. » Agaçant, si ça traîne. L’efficacité toujours.